LES ÉDULCORANTS intenses, à fort pouvoir sucrant comme l’aspartame, sont de nouveau sur la sellette. Une étude publiée dans « l’American Journal of Clinical Nutrition » en novembre 2010 suggère que la consommation quotidienne de boissons light est associée à un risque de prématurité. Les chercheurs, Thorhallur Halldorsonn et coll., ont analysé les données de 59 334 femmes enceintes (soit 35 % des accouchements au Danemark) à partir d’une cohorte de 91 000 femmes enceintes incluses entre 1996 et 2002. Leur consommation de boissons sucrées au cours des quatre premières semaines de grossesse a été évaluée par questionnaire lors d’une visite à 25 semaines. Leurs résultats montrent une association qualifiée de « robuste », entre la consommation de boissons contenant un édulcorant, qu’elle soit
gazeuse ou non, et le risque d’un accouchement prématuré, avant 37 semaines. L’augmentation du risque est de 38 % lorsqu’au moins une boisson light est consommée chaque jour. L’augmentation est fonction de la quantité consommée, de 27 % pour 1 boisson par jour, de 35 % pour 2 ou 3 boissons par jour et de 78 % pour plus de 4 boissons quotidiennes. « Une telle association n’a pas été observée avec les boissons naturellement sucrées », précisent les auteurs. S’ils admettent que des études complémentaires sont nécessaires, les auteurs estiment que la taille de leur échantillon et le type de leur étude confèrent assez de solidité à leurs résultats pour mettre en cause les édulcorants contenus dans les boissons.
Une méthodologie controversée.
Une seconde étude, publiée dans le numéro de décembre de « l’American Journal of Industrial Medicine » suggère que l’aspartame augmenterait le risque de cancer. Une équipe du Centre de recherche sur le cancer Ramazzini de Bologne, conduite par le Dr Morando Soffritti, a soumis différents groupes de rongeurs (souris et rats) à une exposition à l’aspartame du 12e jour de gestation à leur mort. Les résultats montrent une augmentation dose-dépendante du risque de carcinomes hépatocellulaire et broncho-pulmonaire chez les souris et les rats. Seules les souris femelles semblent épargnées.
Cette publication est la troisième d’une série de travaux de l’équipe de Bologne évoquant un effet cancérogène de l’aspartame. Les deux précédentes études ont fait l’objet de controverses. La première, en 2005, avait suggéré une augmentation du risque de lymphomes et de leucémie, ce qui avait conduit l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), saisie par la Commission européenne, à examiner les données brutes de l’étude. L’EFSA avait alors estimé qu’il n’y avait pas lieu de remettre en cause les évaluations précédentes, en particulier parce que la méthodologie utilisée ne répond pas « aux normes extrêmement strictes » des études toxicologiques chez l’animal. De nouvelles évaluations ont été réalisées en 2009 après la publication de la deuxième étude en 2007, montrant une augmentation de l’incidence des leucémies et des lymphomes mais aussi des cancers mammaires chez des rats exposés in utero.
200 millions de consommateurs.
En dépit de ces controverses, le Réseau environnement santé estime que les derniers résultats publiés nécessitent « de réévaluer les risques liés à une substance utilisée régulièrement par 200 millions de personnes dans le monde ». Le réseau organise jeudi une conférence publique destinée à faire le point sur la question*. « À cette occasion, nous avons invité le Dr Soffriti pour qu’il présente ses résultats et explique pourquoi il continue à utiliser une méthodologie controversée », explique le Dr Laurent Chevallier, responsable de la Commission Alimentation du RES. Nutritionniste au CHU de Montpellier, il présentera le bilan des données pour la femme enceinte. Pour lui, l’étude danoise est convaincante. « C’est une étude extrêmement bien faite sur un échantillon de 6 000 femmes, publiée dans une revue de référence, nous ne pouvons pas ne pas en tenir compte. Nous, médecins, sommes en permanence confrontés à la question du bénéfice/risque, que nous tentons de gérer au mieux. En l’état actuel des connaissances, il faut conseiller la prudence chez les femmes enceintes », suggère-t-il.
L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) a décidé, « dans le cadre de la veille permanente qu’elle exerce », d’examiner les deux études « en vue d’éventuelles recommandations aux autorités françaises » et de saisir « le cas échéant » l’autorité européenne. Le Dr Chevallier s’en réjouit. « Nous faisons confiance à l’ANSES », affirme-t-il, tout en se déclarant vigilant. « Il y a le précédent historique du bisphénol A. Les parlementaires ont suivi les arguments du réseau contre l’avis des Agences », rappelle-t-il. Il en appelle à la responsabilité médicale. « Les médecins doivent reprendre les rênes sur les questions de prévention. Trop souvent, on nous oppose des arguments d’autorité comme dans le cas de la vaccination contre la grippe A. Nous devons être capables d’analyser les données scientifiques et répondre aux demandes de nos patients », conclut-il.
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques