À la lecture de votre article du 14 juin concernant un refus de délivrance de la pilule du lendemain à un homme, il est légitime de se poser quelques questions face à une telle demande. En effet, non conditionnée par la présentation d’une ordonnance, cette délivrance ne se fait pas non plus de manière automatique. Elle impose d’abord une réflexion au cas par cas, ensuite le souci du suivi en cas de refus.
On peut évidemment tout imaginer à partir de cette demande d’un « homme qui vient chercher cette pilule pour sa fille ». Sans entrevue possible avec la jeune fille, comment évaluer l’urgence de la prise de pilule ? Ici, au vu de son comportement sans en expliquer la raison, c’est le père qui vient créer ce sentiment d’urgence, mais l’insistance de la demande suffit-elle à satisfaire cette dernière ? La pharmacienne qui décide de ne pas honorer la délivrance se place délibérément du côté de la jeune fille, la soutenant dans sa volonté d’être respectée, quelle que soit sa décision. Aucune culpabilisation dans son refus de délivrance, aucune soumission à des mots d’ordre qui veulent régimenter notre société, aucune interrogation sur la gratuité ou pas de la pilule… Elle fait simplement « preuve du dévouement » souhaité par notre Code de déontologie envers tous les patients et fait tout pour « traiter » au mieux cette jeune fille en conformité avec le principe du respect de l’autonomie énoncée dans la loi du 4 mars 2002 : garante de la liberté de cette jeune fille, elle est bien dans la posture de professionnelle responsable.
Cette situation permet également de nous questionner sur le type de société auquel on tend à participer. Ce père comme l’internaute qui assiste à la scène semblent se référer à d’autres normes que celles de la jeune fille et de notre consœur : l’autorité du père est remise en cause, la logique de l’observateur en matière de commerce paraît chamboulée. Les choix de ces femmes viennent déranger les préjugés de ces hommes, et c’est sur ce point que, pour ceux-ci, il y a urgence : elles doivent rentrer dans le rang ! Ces affrontements ne révèlent-ils pas la domination pluriséculaire subie par les femmes ? Les nouvelles techniques de contraception, d’avortement et de reproduction traduites en droit - droit à la contraception, droit à l’avortement, droit à la PMA – correspondent-elles vraiment à de nouvelles libertés ? Si de nombreuses femmes trouvent leur compte dans ce type de législation, car dépourvues d’alternative, celle-ci ne vient-elle pas quelque part peser davantage dans la vie de ces femmes, contraintes qu’elles sont de gérer seules leur fécondité ou d’obéir aux pressions familiales et/ou sociales ? Qui plus est, l’État en profite pour se décharger de ses responsabilités, favorisant par-là la dissolution du lien social et faisant disparaître ce qu’il ne veut plus voir : par exemple délaissement des filles-mères, marginalisation de la prise en charge des enfants handicapés… Enfin quid de l’obligation faite aux hommes d’assumer leur responsabilité ?
Car ce qui se joue dans ces débats n’est autre que le corps féminin. Marianne Durano, dans son livre « Mon corps ne vous appartient pas », souligne que le slogan « Our bodies, ourselves » ne peut être traduit par « Mon corps m’appartient » mais par « Notre corps, nous-mêmes ». Et de poursuivre : « Mon corps n’est pas une propriété, un bien, il est la condition de tout bien… En instaurant une médiation entre la femme et son corps, la loi comme la technique font de ce corps un objet, livré aux mains d’étrangers auxquels je suis aliénée. » C’est cette même perception de leur corps qu’éprouvent cette jeune fille et notre consœur qui, sans se connaître, refusent une telle aliénation et le recours à des solutions toutes faites proposées par notre système technoscientifique. Système qui en vient, de ce fait, à discipliner toute féminité et, pourquoi pas, jusqu’à la faire disparaître, et qui nous a acheminés insidieusement… vers le déni de la différence des sexes.
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Françoise Amouroux
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