POUR LE DR WODARG, la « fausse pandémie » de la grippe A(H1N1), qui fait suite aux « alertes » tout aussi excessives de la grippe aviaire et du SARS, amène les gouvernements à gaspiller des ressources qui seraient bien mieux utilisées pour combattre des maladies « réelles ». De plus, les campagnes de vaccination décidées à la hâte peuvent non seulement exposer des personnes en bonne santé à des effets secondaires inconnus, mais décrédibilisent aussi les institutions sanitaires nationales et internationales. Le Dr Wodarg a donc appelé le Conseil de l’Europe à enquêter sur ce sujet, et à présenter un rapport sur ce thème. Confié à un député britannique, Paul Flynn, il sera rédigé et discuté d’ici au printemps ou à l’été.
S’exprimant devant les membres de la commission de la santé de l’Assemblée parlementaire, le Dr Keiji Fukuda, conseiller spécial auprès du directeur général de l’OMS pour la grippe pandémique, a défendu les positions prises par son organisation : selon lui, tous les critères étaient réunis en 2009 pour parler de pandémie, et l’OMS, correctement informée par ses experts, a parfaitement joué le rôle que les gouvernements attendaient d’elle.
Fausses alertes.
Le Dr Luc Hessel, représentant le groupe des fabricants européens de vaccins, souligne que ceux-ci ont produit les vaccins réclamés par les pays, sans aucune influence politique et sans optique de profits, avec d’ailleurs des prix adaptés aux capacités économiques des États acheteurs.
À l’inverse, le Pr Ulrich Keil, qui dirige l’institut d’épidémiologie de Münster, en Allemagne, considère que l’OMS a surestimé les risques, comme l’avaient d’ailleurs déjà fait, selon lui, les États-Unis en 1976, lors d’une première apparition du virus H1N1, qui s’était révélé bénin après avoir entraîné une panique dans le pays. À l’époque, les États-Unis avaient lancé en hâte une campagne de vaccination, arrêtée peu après vu la faible dangerosité du virus. Le Dr Keil s’étonne que l’OMS ne se soit pas souvenue de cet épisode, et a cité d’autres cas « troublants » de fausses alertes, avant de rappeler le contexte très particulier de la grippe espagnole de 1918, survenue au sortir de la guerre sur une population européenne affaiblie et mal nourrie.
Conflits d’intérêt.
Lors du débat avec les quatre intervenants, les parlementaires, puis la presse, se sont surtout interrogés sur la nature et les compétences des experts conseillant l’OMS, ainsi que sur leurs liens avec d’autres institutions, et surtout avec l’industrie pharmaceutique. Pour certains députés, la situation actuelle serait le résultat du renforcement des liens entre l’OMS et des chercheurs travaillant dans l’industrie, ce qui aurait fini par « privatiser l’OMS ».
Un point de vue dénoncé par le Dr Fukuda qui, campant sur ses positions, souligne qu’il est impossible, scientifiquement parlant, de faire l’impasse sur les compétences de l’industrie. Si les échanges ont largement porté sur les « conflits d’intérêts » parmi des experts, et le « manque de transparence » dans la prise des décisions, ils ont été plus sommaires sur le contexte qui a prévalu à la mobilisation contre la pandémie.
Principe de précaution
Pour le Dr Denis Jacquat, député français et expert de ces questions au sein des assemblées française et européenne, il ne faut pas oublier que, s’il y avait eu un seul mort pour cause de vaccination insuffisante, les gouvernements comme l’OMS auraient été sommés de s’expliquer sur les insuffisances de leur préparation : « pour une fois, dit-il, nous avons assisté à une politique de prévention dictée par le principe de précaution », et il est peut-être trop simple de la critiquer a posteriori. Il n’en reste pas moins que beaucoup de parlementaires appellent les organismes sanitaires à revoir leurs stratégies en matière d’épidémies, mais aussi de priorités sanitaires, face à des fléaux infiniment plus « tueurs » comme les maladies cardiovasculaires et les cancers.
Concluant l’audition, le Dr Wodarg a rappelé sa conviction que l’OMS « s’est fait acheter par l’industrie pharmaceutique » et a souligné « n’avoir jamais vu un tel gâchis en santé publique depuis qu’il exerce sa profession de médecin ».
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