DÉCIDÉMENT, bien difficile de clore le débat sur le dépistage organisé du cancer du sein. Alors qu’une récente étude britannique publiée dans le «?Lancet?» pensait « mettre un point final à cette controverse » en concluant au bénéfice sur la mortalité du dépistage d’après l’analyse d’une douzaine d’études européennes et américaines, une équipe américaine dirigée par Gilbert Welch, auteur à succès outre-Atlantique sur les dangers du surdiagnostic médical en général, vient de publier une large étude dans le « New England Journal of Medicine », qui est pour le moins déconcertante.
D’après les données sur plus de trente ans de dépistage aux États-Unis (Surveillance, Epidemiology and End Results, ou SEER), l’équipe remet en cause les bénéfices du dépistage organisé. La modeste diminution de mortalité par cancer du sein ne contre-balancerait pas les méfaits du surdiagnostic. Pour l’équipe américaine, près d’un tiers des cancers du sein seraient des surdiagnostics. Les auteurs poussent même plus loin leur raisonnement et écrivent « que la baisse de mortalité (de l’ordre de 28 % sur la période, passant de 71 à 51 décès pour 100 000) est sans doute le résultat d’une amélioration des traitements et non le fait du dépistage ».
Des Américains très interventionnistes.
Pour le Dr Brigitte Séradour, radiologue spécialisée en sénologie à l’hôpital de la Timone à Marseille et membre de la Société française de sénologie et de pathologie mammaire, le vrai problème « n’est pas le surdiagnostic. On ne peut empêcher le surdiagnostic avec l’avancée technologique et les machines plus performantes. Le vrai problème, ce n’est pas le surdiagnostic, mais ce que l’on en fait, c’est-à-dire le surtraitement. Aux États-Unis, la prise en charge est particulièrement interventionniste, avec un principe de précaution porté à son maximum, entre autres par la peur du procès. De peur de rater un cancer, les chirurgiens opèrent toutes les femmes. Or toutes les lésions ne feront pas parler d’elles et ne sont donc pas à traiter. En France, près de 90 % des lésions opérées sont effectivement des cancers, alors que, aux États-Unis, le taux n’est que de 25-30 % ».
Biais méthodologiques.
Sur la période allant de 1976 à 2008, si l’équipe américaine constate une modeste diminution des cancers au stade avancé de 8 %, passant ainsi de 102 à 94 cas pour 100 000 femmes (soit une diminution en valeur absolue de 8 cas pour 100 000), elle souligne que « le nombre de cancers au stade précoce a plus que doublé », passant de 112 à 234 cas pour 100 000. En partant de l’hypothèse que l’incidence de la maladie ne varie pas au fil du temps, ils estiment que seulement 8 des 122 cas de cancers précoces additionnels auraient évolué vers un cancer avancé. Ils font même la projection que le surdiagnostic concernerait près de 31 % de l’ensemble des cancers du sein.
« Cette étude présente plusieurs biais méthodologiques, poursuit le Dr Séradour. Tout d’abord, le dépistage organisé aux États-Unis est proposé dès l’âge de 40 ans, ce qui n’est pas le cas en France. On sait qu’il y a beaucoup plus de faux positifs dans la tranche d’âge 45-50 ans. Le dépistage est annuel, contrairement à ce qui est fait dans de nombreux pays européens. L’estimation du surdiagnostic n’est pas convaincante. Comment être sûr que des cancers in situ ou localisé ne vont pas évoluer vers un cancer invasif ? L’incidence varie au fil du temps et certains facteurs, tels que le mode de vie ou l’alimentation, sont clairement identifiés. »
L’étude ajoute également que la mortalité a baissé tout autant chez les femmes jeunes âgées de moins de 40 ans, en l’absence de dépistage. « Si la mortalité a baissé chez ces jeunes femmes, ce n’est pas le fait de l’absence de dépistage mais bien de l’amélioration de la prise en charge. Dans les années 1970, on ne savait pas s’occuper de ce type de cancer, que les médecins laissaient évoluer. » Quant à la conclusion des auteurs américains, elle laisse la radiologue marseillaise sans voix. « L’équipe de Welch écrit qu’avec l’amélioration du traitement des maladies, le bénéfice du dépistage diminue. Les auteurs vont même jusqu’à comparer le traitement du cancer du sein à celui de la pneumonie, qui ne fait pas l’objet de dépistage. Mais qui peut vraiment contester qu’un traitement a plus de chances d’être efficace s’il est donné avant que la maladie ne soit trop évoluée, et au mieux à un stade précoce ? ».
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