LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN. – Le contexte de déremboursement des produits anti-arthrosiques a-t-il des conséquences sur le conseil du pharmacien ?
Pierre-Xavier Frank. – Oui, en général, lors d’un déremboursement, les ventes de la classe thérapeutique concernée sont divisées par dix (c’était vrai pour les veinotoniques). D’une part, les patients sont réticents quant au fait de débourser de l’argent pour un traitement qui leur était remboursé jusque-là ; d’autre part, il existe un phénomène de défiance vis-à-vis des spécialités déremboursées, qui sont assimilées à tort à des médicaments inefficaces. Mais l’effet du déremboursement ne s’arrête pas là puisque, dans le cas des anti-arthrosiques, les conséquences doivent s’évaluer dans le long terme, notamment pour la Sécurité sociale. Dans l’indication de l’arthrose, il n’y a pas une seule thérapeutique - les anti-arthrosiques symptomatiques d’action lente, dits AASAL - utilisée, mais plutôt une synergie de moyens en tenant compte des AINS, des antalgiques, de la kinésithérapie… S’il s’opère un report des prescriptions sur ces deux types d’antidouleurs, la maladie sera moins bien prise en charge car on aura moins recours à une thérapeutique (les AASAL) dont l’effet est de ralentir son évolution. Amputée d’un de ses moyens, la prise en charge de l’arthrose sera moins efficace et on pourra voir augmenter le recours à des méthodes de traitement plus radicales et beaucoup plus chères pour l’assurance-maladie, telles que la pose de prothèses.
Comment différencier un médicament anti-arthrosique d’un complément alimentaire dans le conseil ?
Le médicament a un objectif préventif ou curatif face à une maladie et les pharmaciens connaissent bien les molécules qui étaient jusque-là prescrites. Il n’y aura pas de changement fondamental pour le conseil de ce point de vue. De plus, le complément alimentaire se situe dans une frange réglementaire différente du médicament. C’est une denrée alimentaire qui vient compléter une alimentation déficiente. Il n’y a pas de confusion possible, même si les fabricants de compléments alimentaires à visée articulaire profitent du contexte de déremboursement pour développer tout un argumentaire sur leur produit, en misant notamment sur la spécificité de certains ingrédients (fraction de collagène, composé soufré…) et l’effet synergique de leurs compositions. Ces formules constituent un apport intéressant pour l’individu, mais ce ne sont pas des médicaments qui ont fait l’objet de brevet, d’AMM…
À titre de référence, les dosages en glucosamine des spécialités anti-arthrosiques sont souvent compris entre 1 250 mg et 1 500 mg par jour (jusqu’à 1 200 mg pour la chondroïtine), alors qu’ils ne dépassent pas un gramme par jour (et souvent 500 mg pour la chondroïtine) dans le cas d’un complément alimentaire voué au confort des articulations.
De quoi doit-on s’assurer auprès du patient avant de conseiller un médicament anti-arthrosique ?
Les premières questions doivent porter sur la nature de la douleur, sa localisation, le moment où elle se manifeste (est-ce une douleur aiguë ou chronique ?). Il faut bien sûr savoir si la personne a consulté un médecin et si on lui a prescrit un traitement de fond. Dans tous les cas de dispensation, vous devez l’informer sur les effets et la posologie des anti-arthrosiques : prendre le traitement en une seule prise par jour améliore l’observance, mais il est préférable de la diviser en deux, matin et soir. Les effets indésirables sont mineurs et assez peu fréquents, souvent des troubles digestifs bénins de type nausée, crampes, flatulence, diarrhée… Veillez bien à prévenir le patient de l’effet différé des anti-arthrosiques qui peuvent mettre un à quatre mois avant d’agir. De même, à l’arrêt du traitement, on peut observer un effet rémanent pendant quelque temps. Enfin, si vous conseillez un anti-arthrosique à une personne, rappelez-lui d’en informer son médecin généraliste ou son rhumatologue.
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