Comment faire du diagnostic de façon « portable » et moins cher qu’à l’hôpital ? Les cellules, très spécifiques, très sensibles, répondant de façon intégrée à quantité de signaux dans la nature, et faciles à obtenir par réplication autonome, ont longtemps eu le profil d’un candidat idéal... sans arriver à convaincre. C’est chose (presque) faite par une équipe INSERM et CNRS de Montpellier, qui a conçu et mis au point des biosenseurs performants utilisables chez l’homme.
Le travail des chercheurs s’est calqué sur le modèle de la microélectronique. « Il nous a fallu créer un transistor pour amplifier le signal et un système de "portes logiques", explique Jérôme Bonnet, chercheur au centre de biochimie structurale INSERM/CNRS à l’université de Montpellier et auteur senior. Ce sont les deux grandes étapes qui nous ont permis de reprogrammer les bactéries pour les utiliser à but diagnostique. L’exemple choisi, la glycosurie dans le diabète, qui n’apportent rien de plus par rapport aux bandelettes urinaires, n’est certes pas intéressant en soi, mais c’est la preuve que le concept marche chez l’homme ».
Des bactérie qui font du calcul.
Tels quels, ces systèmes vivants n’arrivaient pas à surmonter la faiblesse du signal et/ou du rapport signal/bruit. « Une fois le système d’amplification du signal mis en place avec le transistor, cela n’était pas encore suffisant, poursuit Jérôme Bonnet. Il fallait apprendre à la bactérie à "faire du calcul", d’où le développement à la fois d’un système de mémoire et d’un système de "portes logiques". Ce dernier permet de traiter plusieurs signaux en même temps, à la manière d’un petit ordinateur. Ce système binaire oui/non, qui s’ouvre en fonction de la réponse programmée, sera très utile pour le diagnostic car il n’existe en général pas qu’un seul biomarqueur en cas de maladie ».
L’équipe travaille d’ores et déjà à surmonter une autre limite restante. « Nous avons travaillé sur un système de détection naturel, ici le sucre, poursuit le chercheur. L’étape suivante est de leur rajouter une fonction nouvelle, "artificielle", qui leur permette de détecter des molécules d’intérêt en pathologie, par exemple des protéines tumorales ». L’étape pourrait aller assez vite selon le chercheur, cinq ans peut-être, mais la partie n’est pas gagnée pour autant.
L’écueil de la dispersion environnementale.
L’utilisation de ces bactéries génétiquement modifiées soulève des questions sociétales, éthiques et réglementaires. « Pourtant déjà utilisées avec les probiotiques et 10 fois plus abondantes dans notre corps que nos propres cellules, les bactéries véhiculent elles-mêmes une image très négative, estime Jérôme Bonnet. De plus, comme l’idée est de créer un outil diagnostique décentralisé, plus près des patients, il ne faudrait pas que ces OGM se retrouvent dans la nature ». Si la dispersion environnementale est un enjeu crucial, il existe des garde-fous. « Il est possible de contenir ces systèmes génétiques en les rendant dépendants de nutriments artificiels, n’existant pas à l’état naturel, sans lesquels ils ne peuvent survivre, explique-t-il. De plus, il faut avoir à l’esprit que ces souches de laboratoire, plus fragiles, auront du mal à résister, une fois mises en compétition avec les souches naturelles ».
Le champ d’applications est potentiellement plus vaste. C’est le cas du diagnostic in vivo, la bactérie ingérée faisant produire un composant spécifique et détectable ensuite dans les urines ou le sang, comme présenté par exemple pour les métastases hépatiques chez la souris par l’équipe de Tal Danino dans le même numéro de « Science Translational Medicine ». Mais cela pourrait aller encore plus loin avec du diagnostic couplé à de la thérapeutique avec la synthèse in situ de médicaments. « L’ingéniérie du système vivant existe déjà dans notre vie de tous les jours, par exemple dans les stations d’épuration, termine Jérôme Bonnet. Il y a fort à parier que d’ici quelques dizaines d’années ces systèmes biologiques artificiels auront investi aussi la médecine ».
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