CE N’EST PAS la première greffe du visage avec les paupières, rappelle le Pr Lantieri, cette manœuvre délicate avait déjà été réalisée par la même équipe chez un patient qui avait souffert de brûlures et était décédé deux mois après la greffe, à cause d’une infection. « Là nous avons greffé la totalité des tissus mous de superficie de la face. Jérôme, 35 ans, souffre d’une neurofibromatose comportant des déformations du haut du visage. » C’est le troisième cas pour le total des 13 greffes de la face et le deuxième cas pour l’équipe de Créteil. « Un point intéressant est que la neurofibromatose semble représenter une indication importante de la greffe de la face. » C’est une maladie qui concerne une naissance pour 3?500, avec des déformations chez 20 % des patients et une atteinte de la face dans 18 % des cas. C’est une maladie génétique, orpheline, pour laquelle il n’y a pas de ressources.
Les tissus greffés émettent la protéine déficitaire. Les déformations ne risquent-elles pas de survenir dans les tissus greffés ? Il n’y a pratiquement pas de risque, répond le spécialiste. « Déjà nous avons l’expérience de Pascal, le premier greffé pour cette maladie, qui, au terme de 3 ans, ne présente rien dans son greffon. Ensuite, les tissus greffés émettent la protéine déficitaire et, enfin, le traitement immunosuppresseur que l’on donne peut inhiber la prolifération. »
Combien de temps l’intervention a-t-elle duré ? La réalité comporte deux aspects. Le prélèvement, qui dans ce cas a pris 6 heures. Lors de la première greffe, cela avait duré 12 heures. « Nous avons progressé dans le savoir-faire. Par comparaison, un prélèvement du foie dure 2 heures ; nous nous en rapprochons. »
Le deuxième aspect est la greffe elle-même, ce qui a mis à peu près 12 heures. Une durée plus courte que pour les greffes précédentes. Cela montre une amélioration des techniques et du savoir-faire, selon la méthode des « trials and errors » des Anglo-Saxons (on progresse en tirant un enseignement des erreurs et des succès), « incontournable de toute évolution technique ».
Le patient a été greffé il y a tout juste deux semaines (26-27 juin). Il va « super bien, il parle, il mange. Il ne peut pas encore cligner des yeux. On a rebranché le nerf facial et il va falloir attendre qu’il repousse ». Jérôme peut par contre ouvrir les yeux puisque le releveur de la paupière n’a pas été greffé. Ce muscle, qui s’insère au fond de l’orbite, est celui du receveur et a été connecté au greffon.
Il a des larmes, mais ce ne sont pas encore celles reliées à son émotion personnelle.
Un rejet attendu à 3 semaines.
«?Actuellement nous sommes à 2 semaines. Le patient va faire un rejet attendu à 3 semaines, comme pour toutes les greffes de tissus composites. Le traitement immunosuppresseur sera modifié. On recherche le juste milieu, sans taper trop fort, mais en étant suffisamment efficace pour que le patient soit bien. Ce qui doit prendre encore six semaines.?» L’hospitalisation est prévue pour durer deux mois. L’étape suivante, qui va durer du 3e au 6e mois, est celle de la repousse nerveuse.
L’important est ensuite la réintégration sociale. Le patient exerce le métier de régisseur dans le spectacle. Les déformations dont il souffrait étaient devenues tellement invalidantes qu’il ne trouvait plus de travail. Au total, il faut environ un an pour se remettre de cette intervention majeure.
Y en a-t-il d’autres en préparation?? Avant d’être mis sur une liste d’attente, un patient doit suivre un processus d’évaluation long et rigoureux, qui porte sur les plans anatomique, immunologique et psychiatrique. À ce jour, un seul patient est sur la liste du service de chirurgie plastique de Créteil.
D’une manière générale, pour le spécialiste, « la compétition pour savoir qui a fait la plus grosse greffe ne m’intéresse pas beaucoup ».
« Ce qui est intéressant, c’est que cette nouvelle greffe s’intègre dans le cadre d’un programme hospitalier de recherche clinique (PHRC), dont l’accès est permis par notre système de santé. » Une petite somme d’argent est prélevée tous les ans à la Caisse nationale d’assurance maladie, puis les sommes sont distribuées selon les résultats d’un concours. Ce qui permet de financer cette recherche sur les greffes de la face. « Un sujet aussi sensible ne pourrait être financé autrement. »
« Cela nous a permis d’avancer, de résoudre un certain nombre de problèmes et, au vu des résultats obtenus, le ministère a rallongé le financement de 3 ans, de 2010 à 2013. »
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