L’ÉQUIPE du Professeur Philippe G. Conaghan savait certainement qu’en s’attaquant à un monument tel que le paracétamol, les retombées médiatiques et scientifiques ne tarderaient pas. Le titre de leur article paru dans la revue Annals of the Rheumatics Diseases le 2 mars dernier était d’ailleurs provocateur, tout en restant interrogateur : « le paracétamol, pas aussi sûr que nous le pensons ? ». Dans cet article, les auteurs offrent une analyse de huit études observationnelles suggérant une association entre la prise au long cours du célèbre antalgique et un surrisque de mortalité, un surrisque cardiovasculaire, rénal et gastro-intestinal.
Seulement 8 études observationnelles retenues.
Les auteurs ont répertorié 1 888 études mais n’en ont retenu au final que 8 satisfaisant aux critères d’inclusion. Dans les 8 cas, les patients adultes utilisant le paracétamol ont été comparés à une population n’en recevant pas. Au total, plus de 650 000 personnes ont été suivies, sur des périodes allant de 2 à 20 ans.
Parmi les 8 études, une étude anglaise et une étude danoise évoquent une association entre la prise de paracétamol et une mortalité accrue, toutes causes confondues. D’après les résultats, le risque de mortalité augmenterait avec des doses de paracétamol plus élevées et prolongées.
Quatre études indiquent une association entre la prise de paracétamol et le risque cardiovasculaire de type infarctus ou hypertension. Les données montrent que la prise hebdomadaire de 15 comprimés ou plus serait associée à une augmentation du risque cardiovasculaire de 68 %.
Le risque gastro-intestinal est évoqué par l’étude anglaise menée par De Vries, dont les résultats ont été publiés en 2010. D’après les résultats, il y aurait plus de troubles gastro-intestinaux de type ulcères dans la population recevant du paracétamol de façon chronique. Enfin, le surrisque rénal caractérisé par une insuffisance rénale ou une diminution du débit de filtration glomérulaire est évoqué dans trois études.
Ne pas confondre association et cause.
L’interprétation des résultats est complexe et doit être prudente (en évitant des raccourcis faciles à l’instar des médias grand public) au regard des nombreux biais identifiés. L’ensemble des experts a d’ailleurs réagi à la publication de cette étude, soulignant que la relation de causalité entre la prise à long terme de paracétamol et les événements observés (mortalité, toxicité cardiaque, digestive et rénale) semblait difficile à établir. D’une part, cette analyse porte sur des études observationnelles, dont le niveau de preuve est considéré comme faible. Le recueil des données de consommation du paracétamol, par questionnaire, limite l’analyse. En outre, les patients prenant quotidiennement du paracétamol sont vraisemblablement des patients présentant une maladie chronique. Ils représentent une population polymédiquée, à risque plus élevé de mortalité, de troubles cardiaques, digestifs ou rénaux. La prise d’autres traitements antalgiques, tels que des AINS (bien connus pour le risque d’ulcères) ou du tramadol par exemple, aurait dû être envisagée et des ajustements auraient pu être réalisés afin d’éliminer ces biais.
Enfin, concernant le risque rénal, il faut préciser qu’une des études analysées ne montre pas d’impact de la prise du paracétamol sur la progression d’une insuffisance rénale existante. Là encore, étant donné la population de patients étudiés, le lien de causalité entre le seul paracétamol et une insuffisance rénale reste difficilement démontrable. Dans les RCP des médicaments au paracétamol, des précautions d’emploi sont déjà mentionnées en cas d’insuffisance rénale sévère et une adaptation posologique est nécessaire.
Le pharmacien doit continuer à faire son métier.
L’emballement des médias a finalement été refréné par les arguments des experts. Ce qui est sûr, c’est qu’un médicament reste un médicament, sous-entendu un produit potentiellement toxique. Il est d’ailleurs bienvenu que la communauté médicale s’interroge régulièrement sur le rapport bénéfice/risque d’un médicament. Cette polémique aura eu aussi le mérite de conforter l’effort réalisé par les pharmaciens pour garantir le bon usage du paracétamol, se traduisant par le rappel de la posologie à chaque vente ou dispensation.
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