IL FAUDRAIT être singulièrement isolé du monde pour ignorer les dangers qui pèseraient, à suivre des médias alarmistes, sur chaque utilisateur de médicaments. Des scandales récents, comme l’affaire du Médiator, ont contribué à faire de l’actualité sur le médicament un thème mobilisateur. L’analyse du ratio bénéfice-risque de divers principes actifs a conduit à des retraits d’AMM également mis sous les feux de la rampe et, depuis quelques années, le risque de dégénérescence neurologique qui serait associé à un usage chronicisé de benzodiazépines n’est pas fait pour rassurer.
C’est dans le domaine des antalgiques que les médias viennent de frapper et, sûrement, avec un esprit bien peu critique. Nous avons encore en tête le retrait du dextropropoxyphène du marché hexagonal. Que penser d’une publication qui pour un peu, ferait mettre en examen le paracétamol ? C’est le 2 mars dernier que les médias se sont emparés d’un article mis en ligne sur le site des « Annals of Rheumatic Diseases », une revue anglaise connue pour son sérieux.
Un catalogue d’observations.
Contrairement à ce qu’ont avancé certains journalistes, le travail de l’équipe du Pr Philip Conaghan, rhumatologue à l’université de Leeds, n’est pas une étude expérimentale, ni même une méta-analyse (car les données exploitables étaient trop peu nombreuses pour s’y prêter). Il s’agit d’une revue générale, donc une sorte de catalogue, des études observationnelles ayant collecté des événements indésirables susceptibles d’être associés à l’usage du paracétamol (rappelons qu’une étude observationnelle ou épidémiologique vise à révéler une relation entre une cause et un effet : elle observe pour cela un effet sans intervenir sur la prise du médicament). Ici, le catalogue porte sur des études ayant inclus des patients adultes ayant pris du paracétamol (à posologie journalière normale) ou n’en ayant pas pris. Et il est des plus réduits : Conaghan n’a pu, sur 1 888 travaux publiés, en retenir que… 8 ! Un travail aussi ardu qu’austère attend ceux qui souhaiteront déchiffrer en détail cette publication dont l’annexe dépasse 30 pages : lue en diagonale, l’analyse des 8 études suggère que la prise au long cours de paracétamol serait associée à un risque cardio-vasculaire (infarctus, AVC, hypertension), rénal (réduction de la filtration glomérulaire) ou digestif (ulcère).
Des biais évidents.
Semblable étude observationnelle n’apporte qu’un très faible niveau de preuve. Comment pourrait-il en aller autrement lorsque la dose de paracétamol utilisée est imprécise puisqu’auto-évaluée par le patient dans 6 études ? Ou lorsque les biais d’indications n’ont pas été éliminés, certains patients ayant pu recourir au paracétamol car ils étaient à risque cardio-vasculaire, rénal ou digestif reconnu et qu’il leur fallait éviter la prise d’aspirine ou d’AINS ? De plus, l’arthrose, qui pourvoit en patients d’importants consommateurs de paracétamol, est elle-même associée à un fort risque d’incident cardio-vasculaire, rénal ou digestif, et ce indépendamment de toute prise de médicament. Enfin, aucune étude pharmacologique a jamais établi de lien entre paracétamol et iatrogénie cardio-vasculaire.
Il importe donc de garder raison et de savoir rassurer le patient : cette étude nous apprend avant tout que les gros consommateurs de paracétamol (surtout ceux qui en consomment plus de 22 jours chaque mois !) sont peut-être plus malades que le reste de la population. Plus sérieusement, elle pourrait ouvrir la piste à des travaux plus étayés au plan méthodologique : l’avenir révélera-t-il un nouveau visage du paracétamol ?
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Françoise Amouroux
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