SI LES TESTS de dépistage des stupéfiants sont sans conteste l’un des moyens de prévenir les risques liés à leur usage, leurs performances ne sont pas toujours à la hauteur de l’enjeu, faute d’une évaluation scientifique rigoureuse, regrette le Dr Patrick Mura (chef du service de toxicologue et pharmacocinétique du CHU de Poitiers). Des experts scientifiques avaient largement participé à la mise au point des premiers tests urinaires utilisés par les gendarmes ou les policiers pour dépister la drogue au volant. Ce n’est pas le cas des tests salivaires Rapid Stat multi-drogues (cannabis, cocaïne, ecstasy, héroïne, amphétamines) qui les ont remplacés, en août 2008. Ils n’ont, du reste, fait l’objet d’aucune validation scientifique et plusieurs études ont montré leurs médiocres performances (lire l’encadré).
Test salivaire peu performant.
Les techniques utilisées par tous les tests de dépistage (sous forme de bandelettes), urinaires ou salivaires, sont les mêmes : l’immunochromatographie et la réaction antigène-anticorps. Pour détecter la présence de cannabis dans les urines, par exemple, l’anticorps présent sur la bande correspondante est dirigé contre le cannabinoïde (dérivé carboxylique du THC). Si la personne testée a consommé du cannabis, ce composé vient se fixer sur l’anticorps et la bande reste blanche. Si, au contraire, celle-ci se colore, le test est négatif. Selon le Dr Mura, cette lecture inverse est une source de confusion pour les non professionnels.
Autres risques d’erreur lourds de conséquences, les faux négatifs et, surtout, les faux positifs : les anticorps réagissent à un composé dont la structure est proche de celle du stupéfiant à rechercher. C’est le cas, par exemple, des médicaments contenant de l’acide niflumique et du cannabis. « Aucun test commercialisé, qu’il soit urinaire ou salivaire, ne peut y échapper, mais certains tests sont beaucoup plus fiables que d’autres. Seules des validations effectuées par des experts, utilisant des techniques de comparaison spécifiques et sensibles, comme la chromatographie gazeuse couplée à la spectrométrie de masse, permettent de bien évaluer ces risques. Les résultats de ces travaux de validation sont alors publiés dans des revues scientifiques à comité de lecture, nationales ou internationales », explique le Dr Mura.
Bientôt en pharmacie ?
La commercialisation à tout public de tests de dépistage, tant salivaires qu’urinaires, apparaît aussi problématique. Un exemple : le test urinaire NarcoCheck THC Prédosage, actuellement vendu sur Internet, qui devrait être bientôt disponible dans les pharmacies. Selon le fabricant, il permettrait aux parents « de savoir si leurs enfants fument du cannabis et d’établir un réel suivi de leur consommation, en distinguant concentrations urinaires faibles, significatives ou fortes ». Faux, bien sûr, puisque la diurèse et la concentration des urines varient fortement au cours de la journée. Sa fiabilité serait excellente, prétend encore l’industriel, et, de toute façon, « les tests urinaires n’ont plus à faire leurs preuves »… « C’est un non-sens au plan scientifique, s’insurge le Dr Mura. Chaque nouveau test doit être évalué, or ce test n’a pas à ce jour été validé scientifiquement. »
Ceci est d’autant plus ennuyeux dans le cas des home tests que les résultats positifs ne peuvent pas être confirmés en laboratoire (par une analyse de sang), comme c’est le cas pour les automobilistes. On peut alors imaginer les dégâts provoqués dans les familles par un résultat faussement positif…
« Les volontés politiques et/ou les arguments des industriels sont-ils suffisants pour valider de telles pratiques ? Les arguments scientifiques ne devraient-ils pas prévaloir ? », s’interroge le Dr Mura. C’est le sens de sa recommandation, somme toute simple : ne pas mettre de dispositifs de dépistage des stupéfiants entre les mains de non professionnels de santé (gendarmes, policiers, particuliers) sans avoir demandé l’avis des instances médicales et scientifiques, en l’occurrence des Académies de pharmacie et de médecine et des sociétés françaises de toxicologie analytique et d’addictologie. Sera-t-il entendu ?
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