PLUS D’UN TIERS des topiques prescrits dans l’acné sont des antibiotiques (érythromycine, clindamycine, tétracyclines). Depuis le début des années 2000, l’émergence de souches résistantes diminue leur efficacité sur la multiplication bactérienne de propionibacterium acnes (P. acnes). Leur utilisation peut alors rompre l’équilibre microbiologique de la flore cutanée, créer une pression de sélection et laisser une place à des pathogènes stricts. Même si le passage systémique des topiques est faible, il existe un risque de transformer des saprophytes normaux en pathogènes opportunistes. « Il faut bien distinguer la résistance naturelle propre à l’espèce, liée à son patrimoine génétique, et la résistance acquise, plus préoccupante, rappelle le Dr Stéphane Corvec (CHU de Nantes) ; celle-ci est due soit à des mutations sur le chromosome bactérien, soit à l’acquisition de gènes provenant d’autres bactéries (les plasmides). Les leçons du passé nous ont appris qu’une antibiorésistance se développe progressivement en fonction du temps d’exposition aux drogues et de leur concentration. Une fois sélectionnée chez un patient, l’antibiorésistance ne disparaît jamais complètement et les rechutes sont plus rapides ; l’existence d’une flore transitoire ou persistante sert de vecteur ou de réservoir. Elle peut même conduire à un risque potentiel de diffusion à l’entourage ou à l’environnement proche du patient. En effet, les mécanismes sont transférables par contact rapproché ou échanges génétiques. »
P. acnes est un germe commensal de la peau, c’est un pathogène opportuniste qui peut se retrouver sur le matériel ; sa croissance est lente et son évolution vers la résistance se fait, en un temps, par une seule mutation chromosomique, sans acquisition de plasmides, donc non transférable. La corrélation entre la bactériologie in vitro et la clinique n’est pas toujours facile à établir pour préserver l’écologie microbienne à l’échelon individuel et communautaire. Les nouvelles stratégies s’orientent vers des thérapies non antibiotiques, non sélectionnantes, immunomodulatrices, antibiofilm. « En effet, le concept récent de biofilm pourrait expliquer la virulence de P. acnes et certains échecs thérapeutiques, notamment avec les antibiotiques, souligne le bactériologiste. Cette organisation en biofilm permet à la bactérie de s’isoler du milieu environnant, elle lui procure une protection mécanique face à certains traitements. Ce bouclier lui sert aussi de coque pour résister aux défenses immunitaires. »
Préserver l’efficacité des antibiotiques.
« L’acné est une pathologie inflammatoire et non infectieuse, alors pourquoi se précipiter sur la prescription d’antibiotiques en première intention dans les cas d’acné débutante et modérée, remarque avec justesse le Pr Brigitte Dreno (CHU de Nantes). P. acnes est une bombe inflammatoire, il augmente la production de sébum, interagit avec les kératinocytes du follicule pilo-sébacé en modifiant leur différenciation, explique la spécialiste. La filaggrine, protéine de la différenciation, s’exprime trop tôt, les kératinocytes vont mal s’éliminer, créer un bouchon corné qui va obstruer le canal folliculaire, et conduire à la formation des comédons. La bactérie intervient encore en stimulant l’immunité innée et la formation de cytokines responsables des lésions inflammatoires (papules, pustules, nodules). »
Plusieurs modalités de traitements sont actuellement recommandées en fonction d’une grille définissant quatre stades de sévérité de l’acné (légère, moyenne, sévère et très sévère). Dans l’acné minime inflammatoire, la prescription d’un antibiotique local seul doit rester une exception ; le traitement privilégié en première intention est une monothérapie par le peroxyde de benzoyle (PBO) qui n’induira pas de résistance bactérienne ; en cas d’intolérance à ce produit, un rétinoïde topique ou un antibiotique local associé à un rétinoïde local peut être proposé. En cas d’acné modérée à sévère, une antibiothérapie systémique devient souvent nécessaire. Il est alors recommandé d’utiliser les cyclines sans dépasser en moyenne quatre mois de traitement ; si les formes sont très étendues, les cyclines peuvent être associées au traitement local de l’acné (rétinoïde ou PBO ou les deux associés) en se limitant à trois mois de traitement continu. Ne jamais associer un antibiotique local et systémique.
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Françoise Amouroux
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