GOÉLANDS, truites et autres phôques… Toutes ces espèces ont, un jour ou l’autre, à un endroit ou un autre, montré des signes patents de féminisation. De même, des hyperplasies thyroïdiennes chez des saumons, la diminution de l’épaisseur de la coquille des œufs chez certains rapaces ou encore le développement de micropénis chez des alligators ont été observés. Tous ces effets seraient liés à la contamination de l’environnement naturel de ces espèces par des polluants chimiques. Les premiers constats de ce type datent des années soixante (féminisation d’oiseaux marins), mais ce n’est qu’en 1991 que les chercheurs ont enfin donné un nom aux coupables. Les perturbateurs endocriniens (PE) devenaient alors une réalité écotoxicologique. Leur première définition officielle arrive en 1996 : il s’agit de « substances qui interfèrent avec les processus de synthèse, de sécrétion, de transport, d’action ou d’élimination des hormones responsables de l’homéostasie, de la reproduction et du comportement ». Plus commu-nément, les perturbateurs endocriniens sont avant tout réputés reprotoxiques et estrogènes mimétiques, résume Éric Thybaud, chercheur à l’InEris (pôle dangers et impact sur le vivant, direction des risques chroniques).
Des réglementations récentes.
D’où viennent ces substances nuisibles à notre environnement ? Essentiellement des activités agri?coles – les pesticides sont en effet largement incriminés –, mais pas seulement. Car on retrouve également des PE dans les effluents de certaines stations d’épuration et, plus généralement dans les polluants issus des activités urbaines. Enfin, et cela alertera particulièrement le pharmacien, les PE sont aussi largement représentés par l’éthynilestradiol et ses métabolites, principe actif vedette des contraceptifs oraux.
Afin de mieux cerner le problème, l’Union européenne a, dès 2001, proposé une première liste de substances suspectes, une seconde sera établie en 2004. Deux réglementations récentes, la directive cadre sur l’eau (DCE) transposée en droit français en 2004, et le règlement européen REACh de 2007 visant à protéger l’environnement vis-à-vis des substances chimiques, donnent aujourd’hui un cadre légal à la lutte contre les PE. C’est justement dans ce contexte réglementaire que s’inscrivent les travaux menés par l’InEris depuis 1990, explique Éric Thybaud. « Notre mission consiste à développer des outils biologiques in vitro et in vivo qui permettent de caractériser le potentiel perturbateur endocrinien des substances chimiques, afin d’en évaluer les dangers et les risques. » Cela revient, par exemple, à caractériser chez certains poissons - le poisson zèbre est un bon modèle -, les effets des PE selon la période d’exposition durant le cycle de développement.
Les chercheurs ont ainsi pu vérifier que, plus l’exposition au 17 bêta-estradiol était précoce dans le cycle de développement du poisson, plus les effets féminisants étaient marqués. D’un sex-ratio carrément perturbé (stade embryon-larve) à la simple altération des caractères sexuels secondaires (adulte) en passant par la modification histologique des gonades (stade juvénile), on observe toute une gradation des effets estrogènes like. « Plusieurs biomarqueurs sont utilisés pour objectiver le degré de la perturbation endocrinienne, et notamment la féminisation, précise Éric Thybaud. La vitellogénine est en ce domaine précieuse. En effet, la synthèse de cette phosphoprotéine, sous dépendance estrogénique, n’a lieu que chez les femelles (poisson zèbre). Lorsqu’on la retrouve chez des mâles, cela signifie clairement qu’ils ont été exposés à des estrogènes like ».
Même principe, autre molécule, chez l’épinoche la spiggin est un bon biomarqueur des composés androgènes mimétiques. Cette glu biologique, synthétisée par le mâle, sert à la confection du
nid où sont déposés les œufs. Lorsque des androgènes like sont présents dans l’eau, sa production est altérée et les populations décroissent.
Dotée de tels outils, la démarche des chercheurs vise à la fois la caractérisation des substances indésirables dans l’environnement et la biosurveillance des milieux. Et sans doute aussi, à terme, l’application à l’homme et à son environnement des résultats obtenus.
* L’Ineris (Institut national de l’environnement industriel et des risques), créé en 1990, est un établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la tutelle du ministère chargé de l’Environnement.
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