JUSQU’À très récemment, on ne disposait que d’un médicament – une chimiothérapie classique – dans le mélanome métastatique. Mais l’avènement de l’immunothérapie a tout changé. L’anticorps anti-CTLA-4,
ipilimumab, mis sur le marché en 2011, est devenu le traitement de référence. Depuis, ce sont 6 autres molécules qui ont été approuvées par la FDA, l’agence américaine du médicament.
Les deux derniers en date, le pembrolizumab et le nivolumab, disponibles aux États-Unis depuis l’an dernier, font partie d’une nouvelle classe d’immunothérapies – les anti-PD1. Au vu de leur efficacité, ils devraient recevoir une AMM européenne « très prochainement », d’après le Dr Chantal Belorgey, directrice des recommandations, des médicaments et de la qualité de l’expertise à l’Institut national du cancer (INCA).
Ces deux molécules sont pour l’instant indiquées en monothérapie et en traitement de deuxième intention pour les mélanomes avancés résistants à l’ipilimumab, ou en traitement de première ligne des mélanomes avec mutation BRAF. Mais des études récentes suggèrent que la situation pourrait évoluer très rapidement vers une utilisation en première intention pour tous les patients, avec à l’horizon de possibles associations thérapeutiques très efficaces.
2015 : l’année des combinaisons.
Deux études présentées le mois dernier au congrès de l’association américaine pour la recherche sur le cancer (AACR) suggéraient en effet que les anti-PD1 pourraient prendre la relève de l’ipilimumab comme traitement de référence du mélanome. L’une d’elles, une étude de phase II portant sur 142 patients naïfs, révélait un taux de réponse objective six fois supérieur pour l’association nivolumab + ipilimumab, comparé à l’ipilimumab utilisé en monothérapie.
Présentés dimanche en session plénière au congrès de la société américaine d’oncologie clinique (ASCO), les résultats préliminaires de l’essai de phase III confirment la supériorité de l’anti-PD1, administré seul ou en association, chez 945 patients naïfs de tout traitement, recrutés dans 137 centres dans le monde. Les participants ont été répartis en trois bras : nivolumab seul (316), ipilimumab seul (315), ou association de l’anti-CTL4 et de l’anti-PD1 (314).
Les résultats à 9 mois, également publiés cette semaine dans le « New England Journal of Medicine », montrent que la survie sans progression (SSP) médiane était bien plus élevée dans le groupe recevant la combinaison thérapeutique (11,5 mois) que dans le groupe sous nivolumab seul (6,9 mois), elle-même deux fois plus élevée que dans le groupe sous ipilimumab seul (à 2,9 mois). Les résultats concernant la survie globale, eux, ne seront pas disponibles avant 18 mois, selon le premier auteur, Jedd Wolchok, du Memorial Sloan Kettering cancer center à New York, contacté par le « Quotidien ». Le Dr Wolchok note que l’association pourrait tout de même recevoir une AMM avant que les résultats finaux soient publiés : « Souvenez-vous que les premiers anti-PD1 approuvés aux États-Unis l’ont été uniquement sur le taux de réponse au traitement ».
L’association des deux anticorps était cependant associée à une bien plus grande toxicité : 55 % des patients sous bithérapie ont été victimes d’effets secondaires de grade 3 ou 4, contre 27,3 % dans le groupe sous ipilimumab. Le taux le plus bas était enregistré dans le groupe sous nivolumab administré en monothérapie (16,3 %). Les auteurs indiquent avoir été capables de gérer les effets indésirables en suivant les recommandations cliniques : « La plupart ont disparu en administrant des agents immunomodulateurs », précisent-ils dans l’étude.
Enfin, comme pour nombre de nouvelles associations médicamenteuses innovantes, une autre barrière, non-négligeable, correspond à celle du prix du traitement. En effet, la combinaison nivolumab + ipilimumab est estimée à environ 300 000 dollars par an (273 368 euros). La combinaison sera-t-elle indiquée pour tous les patients atteints de mélanome? Les auteurs disent avoir déjà découvert un biomarqueur capable de realiser une première segregation. Il s’agit de l’expression, ou non, par la tumeur, d’un ligand intitulé
PD-L1. « Nous pouvons désormais avoir une discussion constructive avec les patients concernant leur pronostic, en fonction du profil biologique de leur biopsie, et de l’approche médicamenteuse. Pour les patients avec une tumeur n’exprimant pas le biomarqueur PD-L1, je pense que les résultats plaident incontestablement en faveur de l’association, explique le Dr Wolchok. Pour les patients dont la tumeur exprime PD-L1, le résultat était aussi bon sous nivolumab seul, et le profil toxique bien meilleur qu’avec la combinaison. »
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