Particules fines et cancer de la bouche

Un facteur de risque indépendant du tabagisme

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Publié le 18/10/2018
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Les particules fines sont déjà connues pour être à l'origine d'un surrisque de pathologies cardio-vasculaires et de cancer du poumon. Des données rapportées de l'île de Taïwan, très touchée par ce type de pollution, semblent indiquer que l'exposition aux particules de moins de 2,5 microns est également associée à une augmentation du risque de cancer de la bouche.
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

L'exposition aux particules fines, c’est-à-dire d'une taille inférieure à 2,5 microns, serait associée à une augmentation du risque de développer un cancer de la bouche, selon une étude de cohorte taïwanaise publiée dans le « BMJ ».

Les chercheurs ont analysé les données de 482 659 hommes atteints de cancer inscrits dans la base de données de l'assurance maladie taïwanaise. Les auteurs ont relevé 1 617 cas de cancer de la bouche. Les auteurs disposent des informations relatives à leur consommation tabagique et à leur lieu de résidence. Ces dernières ont été croisées avec celles de l'administration de protection de l'environnement du Yuan exécutif (nom donné à la présidence de la République de Chine). Cette institution mesure en effet les concentrations de particules fines dans 66 stations de mesure réparties sur l'île de Taïwan depuis 2006.

Comparés aux personnes les moins exposées (moins de 26,74 μg/m3),
les hommes exposés à des concentrations supérieures à 40,37 μg/m3
(le quartile le plus élevé) ont un risque de cancer de la bouche significativement augmenté de 43 %. Ce résultat tient compte des principaux cofacteurs de risque tels que les consommations de tabac et de noix de Bétel. À titre de comparaison, la concentration moyenne annuelle limite de PM 2,5 pour la protection de la santé à long terme est fixée, en France, à 25 μg/m3. Avec une moyenne nationale de 12 μg/m3, les concentrations en ville et à proximité des axes routiers sont inférieures à ces normes selon les données du ministère de la Transition écologique et solidaire. Les zones les plus polluées comme la proximité des axes routiers de la région parisienne, sont toutefois exposées à des valeurs de l'ordre de 20 μg/m3.

Les auteurs ont également traité les données de concentration en dioxyde de soufre, en particules atmosphériques comprises entre 2,5 et 10 microns et en ozone. Seul l'ozone semblait avoir un effet sur le risque de cancer de la bouche.

Un surrisque déjà connu de cancer du poumon

L'augmentation de l'incidence des cancers de la bouche dans certaines parties du monde, dont Taïwan, est déjà associée avec plusieurs facteurs de risque tels que les consommations d'alcool et de tabac, l'infection au HPV et l'exposition à certains métaux lourds. Un autre facteur de risque caractéristique de certaines régions du continent asiatique est la mastication de noix de Bétel, une plante à qui l'on attribue des propriétés médicinales. Il existe cependant peu d'études qui explorent le lien entre ce type de cancer et la pollution aux particules fines.

Selon une revue de la littérature menée par le centre international de recherche sur le cancer (CIRC), « plusieurs publications ont montré, depuis les années quatre-vingt-dix, dans plusieurs pays et de manière convergente, une association entre un risque accru de cancer du poumon et l’exposition à long terme aux particules atmosphériques urbaines. » Une étude américaine publiée en 2002 dans le « JAMA » montre notamment qu’une augmentation de 10 μg/m3 de PM 2,5 est associée à une augmentation de 8 % de risque de décès par cancer du poumon. Cette exposition était aussi responsable d’une augmentation du risque de maladies cardio-vasculaires.

« Aucun seuil n’a été constaté en deçà duquel aucun effet sanitaire ne serait attendu, affirme le CIRC. C’est dans le cas des effets à long terme que l’impact des particules en suspension sur la santé est le plus important. » La composition des particules fines n'est pas homogène. Elles comprennent entre autres des produits cancérogènes comme du plomb, de l'arsenic, du cadmium, du chrome, du nickel et des hydrocarbures aromatiques polycycliques. Les mécanismes qui lient précisément l'exposition au PM 2,5 ne sont pas clairement élucidés. Les auteurs soulignent l'importance de poursuivre les recherches en ce sens.

Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3466