C’est un grand pas vers la nutrition personnalisée qui vient d’être franchi. « L’aspect le plus intéressant de l’étude est que nous pouvons maintenant prédire comment chaque personne diffère dans sa réponse glycémique à différents aliments (1). Cette étude montre que le même aliment peut déclencher des réponses glycémiques complètement différentes d’une personne à l’autre », explique au « Quotidien » le Dr Helena Mendes Soares, chercheuse à la Mayo Clinic de Rochester, l’hôpital en tête de classement cette année aux États-Unis.
« Nous avons montré que notre modèle, qui prend en compte le microbiote d’un individu en plus d’autres facteurs comme le mode de vie, permet de mieux prédire la réponse glycémique post-prandiale en comparaison à l’approche standard consistant à calculer les glucides ou les calories », ajoute le Dr Soares.
« Cette étude représente une avancée majeure pour la nutrition personnalisée », précise le Dr Heidi Nelson, cosignataire de l’étude et chirurgienne colorectale, dirigeant en outre le département de chirurgie et le centre pour le programme du microbiote et de la médecine personnalisée à la Mayo Clinic. « C’est passionnant car l’étude démontre que le fait de rassembler des informations cliniques complexes et les données du microbiote fécal peuvent servir à fournir des outils accessibles pour une nutrition personnalisée. Cela nous laisse espérer que nous pourrons finalement aider les gens à choisir des aliments sains qui leur conviennent personnellement. »
Vers des conseils alimentaires personnalisés
Cette étude vient confirmer la valeur prédictive de l’approche, décrite pour la première fois en 2015 par une équipe israélienne du Weizmann Institute, dirigée par les Drs Segal et Elinav (D. Zeevi et al., Cell, 2 015). L’étude menée sur 800 Israéliens avait montré que pour des aliments identiques, la réponse glycémique post-prandiale (RGPP) variait considérablement d’un individu à l’autre. En utilisant un modèle intégrant des facteurs individuels (âge, habitudes alimentaires, activité physique, microbiote intestinal…), les chercheurs avaient démontré la possibilité de mieux prédire la RGPP comparativement aux approches standards. De plus, une alimentation personnalisée avec l’aide de ce modèle (ou algorithme), évaluée pendant une courte période chez des individus, parvenait à diminuer la glycémie post-prandiale, et cela même chez des individus prédiabétiques. De là est née la start-up israélienne DayTwo (fondée en 2015) qui a acheté les droits de l’algorithme afin d’offrir, via une appli, des conseils alimentaires personnalisés en fonction de l’analyse génétique du microbiote fécal, des données personnelles et d’un test sanguin.
Il restait toutefois à confirmer la valeur prédictive dans d’autres populations. Pour cela, la start-up DayTwo a formé un partenariat avec la Mayo Clinic, apportant les fonds pour une étude portant sur une cohorte américaine. L’étude a été menée pendant 6 jours chez 327 individus non diabétiques, vivant dans le Minnesota. Chacun a reçu un kit de DayTwo, leur permettant d’envoyer un échantillon de selles (recueilli 2 jours avant le début de l’étude) pour analyser génétiquement leur microbiote intestinal. Chaque matin, leur petit-déjeuner se résumait à un petit pain et du fromage à tartiner (bagel et « cream cheese ») puis les participants pouvaient manger ce qu’ils voulaient le reste de la journée. Ils notaient dans un journal les aliments consommés, les exercices physiques et les repos, et portaient un glucomètre surveillant leur réponse glycémique aux aliments.
La réponse glycémique au petit-déjeuner standardisé montre une grande variation entre les individus, avec un pic glycémique allant de 6 à 94 mg/dL. Les chercheurs ont à nouveau entraîné l’algorithme en ajoutant les données de leurs participants. Ils ont constaté que leur modèle prédit correctement la réponse glycémique aux aliments dans 62 % des cas, ce qui est bien supérieur aux taux d’exactitude de 40 % pour les prédictions fondées sur les glucides et de 32 % pour celles basées sur les calories.
Une appli pour sortir des idées reçues
« En utilisant notre modèle personnalisé, on n’est plus tenu de renoncer aux aliments riches en graisses ou en glucides, comme on le pensait auparavant. On peut choisir des aliments spécifiques dans ces catégories en fonction de sa propre constitution et de son microbiote. Par exemple, j’ai découvert que les pommes font grimper en flèche ma glycémie, mais pas les poires. Au lieu d’éviter tous les fruits, je peux personnaliser mon régime en choisissant certains aliments », précise le Dr Soares dans un article publié sur le blog “Médecine Individualisée” de la Mayo Clinic.
Cette étude représente un premier pas pour développer des stratégies nutritionnelles personnalisées visant à prévenir les maladies métaboliques. Des études cliniques plus longues seront nécessaires pour évaluer les bienfaits à long terme de cette approche. Le prochain objectif de l’équipe est d’évaluer le modèle chez des sujets prédiabétiques et diabétiques.
(1) H. Mendes-Soares et al, JAMA Network Open, 10.1001/jamanetworkopen.2018.8102, 2019.
Pharmaco pratique
Accompagner la patiente souffrant d’endométriose
3 questions à…
Françoise Amouroux
Cas de comptoir
Les allergies aux pollens
Pharmaco pratique
Les traitements de la sclérose en plaques