« ALORS QUE de nombreuses recherches sur la dépression maternelle montrent une incidence de 10 à 30 % ainsi que des conséquences négatives sur la famille et sur le développement de l’enfant, jusqu’à présent, la dépression prénatale et du post-partum du père n’avait que peu retenu l’attention des chercheurs et des cliniciens. » C’est en ces termes que James F. Paulson et Sharnail D. Bazemore (Norfolk, Virginie) introduisent leur étude parue dans le « JAMA ». Et dans laquelle ils concluent qu’environ un jeune père sur dix connaît des troubles dépressifs avant et après la naissance de son enfant.
La description de cette pathologie est relativement récente, expliquent-ils, mais les études semblent concordantes. Aussi ont-ils décidé de réaliser une métaanalyse des divers travaux publiés et de tenter d’en tirer des conclusions plus définitives. D’autant que plusieurs d’entre eux ont conclu à un possible retentissement de cette dépression paternelle sur le développement de l’enfant.
43 travaux, soit 28 000 patients.
Au départ de l’enquête, 256 études internationales ont été recensées. Sur cette masse d’informations, 43 travaux (dont 17 issus des États-Unis), soit 28 000 patients, ont été retenus car en adéquation avec un cahier des charges qui permettait de répondre aux 5 questions que se posaient les médecins américains : estimation de la dépression paternelle du 1er trimestre de grossesse à la première année ; différences au cours de cette période ; lien entre dépressions maternelle et paternelle ; prévalence de la dépression pré- et postnatale maternelle lors d’une dépression paternelle ; rôle des protocoles d’études sur les incidences.
Même si de grandes variations sont rapportées par les divers travaux, globalement le taux de dépression paternelle entre le premier trimestre de grossesse et la première année de vie du bébé se situe à 10,4 %. Il existe toutefois des modulations temporelles. Ainsi l’incidence la plus élevée se situerait entre les 3e et le 6e mois du post-partum avec 25,6 %. Le conditionnel est ici de mise car les études spécifiques portant sur cette période sont peu nombreuses.
Aux États-Unis, un chiffre de 14,1 %.
Les chercheurs relèvent également des différences géographiques. L’incidence la plus élevée est relevée aux États-Unis avec un chiffre de 14,1 %, contre 8,2 ailleurs. Le moyen d’investigation utilisé au cours des enquêtes influe également sur le résultat. Les questionnaires ont montré des incidences plus élevées que les entretiens, bien que ces derniers soient plutôt rares.
Une grande variabilité est également mise en évidence dans l’incidence des dépressions maternelles. Elles varient selon le moment de la grossesse ou de ses suites, avec un pic à 41,6 % entre les 3e et 6e mois du post-partum. Mais existe-t-il un lien entre les deux membres du couple au plan de la dépression ? De fait, les études abordant cette question font part d’une relation étroite entre les deux conjoints, un facteur prédictif de dépression de la femme. État dépressif qui pourrait jouer un rôle dans la survenue de celle du père.
Comme souvent, ce type d’analyse comporte des faiblesses. Il existe des imprécisions sur les mesures et leurs relevés ou bien encore sur les méthodologies. Conscients de ce biais, les auteurs ont réalisé de nouveau les calculs en éliminant les études les plus faibles. Les résultats demeurent valides.
« En conservant ces limites présentes à l’esprit, cette métaanalyse nous permet de tirer plusieurs conclusions sur la dépression paternelle prénatale et du post-partum », écrivent les auteurs. Un nombre significatif de futurs ou jeunes pères connaissent une dépression au cours de cette période, le taux en est plus élevé aux États-Unis. Et si la corrélation entre les dépressions maternelles et paternelles paraît faible, l’altération psychique de l’un doit attirer l’attention du clinicien sur l’autre et sur la famille.
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