« TRENTE ANS ! il aura fallu 30 ans pour qu’une équation somme toute conventionnelle en infectiologie “un agent infectieux pathogène = un traitement”, s’applique à toutes les personnes vivant avec le VIH en France ». Dans l’avant-propos des nouvelles recommandations du groupe d’experts sur la prise en charge des personnes infectées par le VIH, le Pr Philippe Morlat caractérise ainsi le pas décisif franchi dans la lutte contre le VIH. La France est d’ailleurs le premier pays européen à le faire – les États-Unis applique déjà le principe du traitement instauré dès mars 2013. Le Pr Morlat prévient cependant qu’il est trop tôt pour affirmer que le sida est une maladie comme les autres. « En tant que professionnels de santé, nous pouvons dire que la prise en charge médicale s’est banalisée mais pour les patients, du fait de la perception sociale de la maladie, c’est loin d’être le cas ».
Pour rappel, les précédentes recommandations préconisaient une mise sous traitement au-dessous du seuil de 500/mm3 de CD4. Au-dessus de 500, le traitement était discuté. « Les études de cohorte sont très claires et montrent qu’en dessous de 500 CD4, le bénéfice individuel est parfaitement démontré. Au-dessus de 500 CD4, le niveau de preuves est plus faible mais de nombreux arguments indirects montrent que plus on traite tôt, moins le système immunitaire se dégrade et mieux il se restaure. De même, l’inflammation chronique à l’origine des comorbidités, en particulier cardiovasculaires ou les cancers, est favorisée par le VIH. On a toutes les raisons de penser que traiter plus tôt apporte un bénéfice », souligne le Pr Morlat.
Une épidémie toujours active.
Les nouvelles recommandations s’adaptent à l’épidémiologie de l’infection. Près de 150 000 personnes vivent avec le VIH. Parmi elles, 90 000 bénéficient d’un traitement. « Environ 10 000 personnes qui bien que diagnostiquées échappent au système de soins. Et surtout, 30 000 personnes ignorent leur séropositivité », souligne le Pr Morlat. Ces personnes non diagnostiquées seraient à l’origine de 60 % des nouvelles infections. La diffusion de l’épidémie est toujours active et, souligne le rapport, « le nombre de nouveaux diagnostics actuels (6 100 en 2011) est insuffisant à faire diminuer la taille de la population qui ignore son statut vis-à-vis de la séropositivité ». Par ailleurs, la prise en charge est encore trop tardive pour une proportion importante de personnes - une personne sur 2 a un nombre de CD4 ‹ 350/mm3 lors du premier recours à l’hôpital.
Pour traiter tôt, il convient d’améliorer le dépistage. « Nous revenons sur le dépistage généralisé recommandé en 2012 qui, pour être clair, ne fonctionne pas, notamment par manque d’adhésion des généralistes. Et nous le comprenons bien car il était pour difficile d’instaurer un dépistage systématique parmi sa clientèle habituelle », relève le Pr Morlat. Désormais un dépistage large mais ciblé est préconisé, proposé par les médecins généralistes et les spécialistes, quel que soit leur mode d’exercice, lors d’un recours aux soins de personnes sans test récent. « Le rapport précise les circonstances cliniques et biologiques qui justifient un dépistage ce qui permettra de mieux le faire accepter en population générale », poursuit l’infectiologue.
TROD et autotests en complément.
Avec le groupe d’experts, il prône également la mise en œuvre de « façon plus volontariste des stratégies de dépistage ciblé » auprès des populations le plus touchées (homosexuels, migrants d’Afrique subsaharienne...). De même, en cas de situations évoquant une contamination par le VHB ou le VHC, le dépistage du VIH doit être associé à celui des hépatites. Les experts sont favorables à la mise sur le marché des autotests à condition que leur diffusion soit bien encadré avec notamment une information de qualité et la mise en place d’une plate-forme de soutien téléphonique. Aucun test n’est pour l’instant commercialisé et l’avis de la HAS et de l’Agence du médicament (ANSM) est toujours attendu. La place des TROD est réaffirmée mais précise le Pr Morlat « que ce soient les tests rapides ou les autotests, ils sont complémentaires au dispositif de dépistage classique. Il s’agit bien d’offrir aux personnes qui sont hors du circuit de soins habituels des possibilités de dépistage et d’accès au système de soins ».
Médecin généraliste.
Les nouvelles recommandations recentrent le rôle du médecin généraliste comme un acteur clef du dépistage, de la prévention et de la surveillance des comorbidités chez patients dont l’espérance de vie est proche de celle de la population générale. Elles militent pour un parcours de soins mieux partagé entre l’hôpital et la médecine libérale. Pour la première fois enfin, l’aspect économique est abordé via le prix des médicaments antirétroviraux, la nature ou la périodicité des examens biologiques ou complémentaires (un seul contrôle annuel). « Il s’agit pour nous dépister davantage, de traiter davantage, de soigner aussi bien mais à un moindre coût », conclut le Pr Morlat.
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