« L’IDÉE DE TRAITER les maladies inflammatoires chroniques intestinales avec des vers n’est pas nouvelle, cependant, le mécanisme d’action de ce traitement demeure obscur. Nos résultats suggèrent que l’infection avec ce parasite particulier (Trichuris trichiura) majore ou restaure la production de mucus dans le côlon, apportant de ce fait un soulagement symptomatique », déclare dans un communiqué le Pr P’ng Loke (New York University Langone Medical Center, NY).
L’attrait de la thérapie helminthique.
Bien que l’étiologie de la RCH reste mal comprise, on pense qu’un trouble de la barrière épithéliale intestinale, joint à une dysrégulation de la réponse immunitaire muqueuse envers la flore intestinale, favorise le développement de cellules T helper 17 pathogéniques.
Puisque les MICI sont plus fréquentes dans les pays occidentaux, et plus rares dans les régions à forte endémicité pour les helminthiases (infections par vers intestinaux), il a été suggéré que la colonisation par les helminthes pourrait être capable d’atténuer l’inflammation intestinale dans les MICI, cela afin d’assurer leur propre survie chez les hôtes mammifères.
Les modèles animaux d’auto-immunité et des essais cliniques sont venus appuyer cette hypothèse. Ainsi, des petits essais randomisés contre placebo chez des patients atteints de RCH ou de maladie de Crohn ont montré qu’un traitement par des œufs de Trichuris suis (ver infectant le porc) peut abaisser l’activité de la maladie chez 40 à 75 % des patients. Le mécanisme de cet effet bénéfique n’a toutefois pas été déterminé.
Dans une étude publiée dans « Science Translational Medicine », Broadhurst, Loke et coll. ont cherché a mieux comprendre comment un tel traitement peut procurer un soulagement. À cette fin, ils ont étudié un patient californien de 34 ans qui présentait une RCH sévère réfractaire à divers traitements, et qui avait choisi de s’« automédiquer » (après avoir consulté la littérature scientifique) en ingérant des œufs de Trichuris trichiura (ou trichocéphale) provenant de Thaïlande.
À la différence du Trichuris suis, le trichocéphale colonise de façon chronique, et non transitoire, l’intestin. Quelque mois après ce traitement, le patient était devenu asymptomatique ; puis après trois ans de rémission de la maladie, la colite était réapparue en 2008 parallèlement à une baisse du nombre d’œufs dans les selles, et l’homme s’est à nouveau administré le traitement helminthique, avec le même succès thérapeutique.
Production d’interleukine-22.
Les chercheurs ont analysé les échantillons de muqueuse colique et de sang prélevés à plusieurs reprises entre 2007 et 2009. Leurs résultats montrent que les échantillons tissulaires avec une colite active contiennent une importante population de cellules T helper qui produisent la cytokine inflammatoire interleukine 17 (IL17). Mais après exposition helminthique et rémission de la maladie, les échantillons tissulaires accumulent les cellules Th produisant l’IL22, une cytokine impliquée dans la cicatrisation muqueuse.
Les gènes impliqués dans le métabolisme des carbohydrates et des lipides sont activés dans les tissus colonisés par les helminthes, tandis que les tissus ayant une colite active montrent une activation des gènes pro-inflammatoires, tels que IL17, IL13RA2 et CHI3L1.
Les chercheurs proposent que la colonisation de l’intestin par T. trichiura pourrait soulager la colite symptomatique en activant une réponse Th2 et l’IL22, visant à chasser le parasite par un turn?over accru des cellules épithéliales, une hyperplasie des cellules caliciformes et une production accrue de mucus dans le côlon.
Réparation et production de mucus.
Chez cet homme, la réponse inflammatoire induite par T. trichiura était associée à la réparation de l’épithélium et des glandes du côlon, ainsi qu’à une restauration de la production du mucus, connu pour jouer un rôle clé dans le maintien de la barrière muqueuse protectrice.
« En gros, les vers déclenchent un grand éternuement de l’intestin, lequel peut avoir un effet secondaire bénéfique pour la RCH », fait remarquer le Pr Loke, qui ne préconise pas pour autant la thérapie helminthique. « Le problème est que ces vers eux-mêmes peuvent aussi causer une inflammation intestinale et endommager l’intestin. L’individu dans cette étude a eu de la chance de répondre aussi bien, mais l’infection parasitaire peut exacerber l’inflammation intestinale chez d’autres personnes. »
La thérapie helminthique par T. suis utilisée dans les essais cliniques en cours pourrait être moins risquée, note-t-il.
« Bien qu’il soit difficile de tirer des conclusions fermes de l’analyse d’un seul individu, ces résultats ont produit des hypothèses qui peuvent être testées par de futures études fonctionnelles dans des modèles murins ou avec des cohortes de patients plus larges », estiment les chercheurs.
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