LA SURVEILLANCE des zoonoses directement contagieuses entre l’animal et l’homme (c’est le cas de la rage mais aussi de la tuberculose bovine) ou transmissibles par voie essentiellement alimentaire (ESB mais aussi listériose, salmonellose, campylobactériose...) « reste une priorité », soulignent Marc Savey, Paul Martin et Jean-Claude Desenclos dans le dernier « Hors série » du « BEH ». Toutefois, d’autres, comme la borréliose de Lyme, les leishmanioses, la psittacose, la fièvre charbonneuse mais aussi l’hépatite E, l’échinococcose et la tuberculose bovine, suscitent aujourd’hui de nouvelles inquiétudes. Leur connaissance aussi bien en santé humaine et animale est essentielle pour en assurer le contrôle et la prévention.
Borréliose de Lyme et tamia de Sibérie
La borréliose de Lyme est la zoonose la plus répandue dans les pays tempérés d’Amérique du Nord, d’Europe et d’Asie. En France, elle est transmise par la tique Ixodes ricinus. L’épidémiologie de la maladie est encore peu connue. Des études d’incidence ont montré une grande disparité entre les régions, avec des niveaux de risque élevés en Alsace, Lorraine, Limousin, Auvergne et Rhône-Alpes. Au début des années 2000, des investigations ont été menées à la suite du signalement par plusieurs généralistes exerçant dans un périmètre proche de la forêt de Sénart (Essonne) d’une augmentation des cas de borréliose.
Les résultats suggèrent que la hausse pourrait être liée à l’introduction du tamia de Sibérie. Plus communément appelé écureuil de Corée, ce petit animal est devenu, à la fin des années 1960, un nouvel animal de compagnie, vendu dans les animaleries. Échappé de captivité, introduit volontairement ou relâché par des propriétaires lassés, on le retrouve dans les forêts d’Île-de-France et de Picardie (entre 10 000 et 20 000 individus). Les premières études montrent que le tamia est beaucoup plus infesté par les tiques que les deux autres rongeurs autochtones (le campagnol roussâtre et le mulot sylvestre) et qu’il a une plus grande résistance immunitaire vis-à-vis des espèces de Borrelia. Les recherches se poursuivent pour préciser et confirmer son rôle dans l’incidence de la maladie. Celle-ci se manifeste par une lésion cutanée autour de la piqûre de tique (érythème migrant). En l’absence de traitement, elle peut évoluer vers un stade secondaire avec manifestations neurologiques, articulaires, cutanées (lymphocytome borrélien) ou plus rarement cardiaques (troubles de la conduction).
Leishmanioses
Les leishmanioses sont des maladies parasitaires endémiques dans le sud de la France, où elles sont dues à Leishmania infantum, espèce également responsable de la leishmaniose chez les canidés domestiques et sauvages. L. infantum est transmise par des phlébotomes, petits insectes hématophages, essentiellement, en France, Phlebotomus perniciosus, son réservoir principal étant le chien, Canis familiaris. La maladie humaine n’est pas à déclaration obligatoire, sa surveillance repose sur les déclarations passives des cas autochtones ou importés adressées au Centre national de référence des Leishmania. Entre 1999 et 2009, 997 déclarations de cas de leishmanioses ont été adressées, dont 721 cas importés (72,3 %) et 241 cas autochtones (24 %). L’incidence annuelle des leishmanioses autochtones est faible (22 cas par an) et il s’agit dans la majorité des cas d’une leishmaniose viscérale (207 cas, soit 85 %), la leishmaniose cutanée et muqueuse représentant respectivement 10,8 % et 3,3 % des cas.
Fièvre charbonneuse
La fièvre charbonneuse due à Bacillus anthracis apparaît de manière sporadique en France. La bactérie tellurique fait souvent les titres de l’actualité du fait de son utilisation potentielle comme arme biologique. Entre 1999 et 2009, 74 foyers de fièvre charbonneuse, chez des bovins essentiellement, ont été enregistrés en France dans 14 départements. Le nombre de foyers annuels est assez limité (7 par an), sauf en 2008 et 2009, où, respectivement, 19 (dont 17 dans le Doubs) et 22 foyers (dont 17 en Savoie) ont été recensés. Cette dernière année a été marquée par la survenue de cas chez la chèvre et le cheval, espèces très rarement touchées habituellement.
Chez l’homme, la maladie du charbon est à déclaration obligatoire depuis 2002. Depuis cette date, 4 cas d’infections humaines ont été identifiés, dont l’un en 2003 chez un patient qui avait manipulé de la laine de mouton dans un pays enzootique et 3 cas en 2008 chez des hommes adultes qui avaient manipulé, dépecé et éviscéré une même vache charbonneuse. Il s’agissait de cas de charbon cutané qui ont tous eu une évolution clinique favorable sans complication.
Tuberculose bovine
La France a été déclarée exempte de tuberculose bovine en 2001. Toutefois, des cas de tuberculose à Mycobacterium bovis sont décrits dans les cheptels bovins de plusieurs départements et dans la faune sauvage. M. Bovis peut aussi atteindre l’homme, la transmission se faisant par voie aérienne directement à partir des animaux infectés, par contact direct entre les tissus animaux infectés et la peau humaine ou du fait de la consommation de lait non pasteurisé. Toutefois, les données disponibles montrent que l’affection est très rare en France, environ 2 % des souches, une proportion stable depuis 2003. Les signes cliniques et radiologiques sont les mêmes que pour la tuberculose à M. tuberculosis.
Psittacose
La psittacose est due à Chlamydophila psittaci. Cette bactérie de petite taille, parasite intracellulaire obligatoire, à Gram négatif, a été détectée chez plus de 450 espèces d’oiseaux domestiques et sauvages, chez les psittacidés (perruches et perroquets...) mais aussi chez les volailles. L’homme se contamine auprès d’oiseaux infectés par contact direct ou par inhalation de poussières contaminées par les déjections d’oiseaux infectés, qu’ils soient malades ou non.
Chez l’homme, la maladie est le plus souvent bénigne, mais elle peut être grave avec des pneumopathies atypiques sévères, voire mortelles si un traitement (cyclines, macrolides et quinolones) n’est pas rapidement mis en place.
Les cas professionnels de psittacose sont peu nombreux, bien que l’affection soit classée parmi les maladies professionnelles indemnisables. Entre 1990 et 1999, 55 salariés, dont 16 travailleurs agricoles, ont fait l’objet d’une reconnaissance de maladie professionnelle. Une enquête de la Mutualité sociale agricole, réalisée auprès de professionnels de la filière agricole en Bretagne et Pays de la Loire, en arrêt de travail pour une symptomatologie et un traitement compatible avec la psittacose, est en faveur d’une sous-reconnaissance.
Des recommandations ont été émises concernant la prévention individuelle et collective, après la survenue de plusieurs épisodes de cas groupés en milieu professionnel (abattoirs).
Hépatite E
L’hépatite virale E a longtemps considérée comme une maladie exotique importée des régions endémiques (Afrique, Asie, Amérique centrale). Le nombre élevé de cas sans relation avec ces régions a conduit à revoir cette notion. La particularité du virus de l’hépatite E est qu’il peut infecter aussi bien l’homme que l’animal. Des éléments nouveaux, comme la grande proximité des souches présentes chez l’homme et chez l’animal, ainsi que des cas confirmés d’infection après consommation de denrées contaminées, suggèrent qu’il existe bien un risque de transmission après ingestion de viande infectée ou après contact avec un réservoir animal : porc, sanglier ou cerf. « Face à une prévalence élevée du VHE dans les élevages de porc et dans la faune sauvage, une surveillance de ces réservoirs ainsi que le développement de nouvelles techniques en procédés alimentaires doivent être envisagés », affirment Nicole Pavio et coll.
Échinococcose alvéolaire
Echinococcus multilocularis est responsable d’une zoonose parasitaire rare, l’échinococcose alvéolaire. De nombreux éléments indiquent que la situation épidémiologique évolue en Europe avec une extension de l’aire de répartition du parasite. En France, jusqu’à la fin des années 1990, celle-ci était limitée à une quinzaine de départements du nord-est et à l’Auvergne, elle s’étend aujourd’hui vers l’ouest et le sud. L’hôte définitif est plus souvent le renard, mais les animaux domestiques peuvent jouer ce rôle et, de par leur proximité, être une source potentielle d’infection. Leur vermifugation régulière avec du praziquantel est recommandée en zone d’endémie.
L’urbanisation progressive des populations de renard fait craindre une importation de la maladie en ville, avec un impact sur la santé humaine, pour l’heure difficilement quantifiable. « Cette nouvelle donne épidémiologique justifie pleinement une plus grande vigilance de la part du corps médical », estiment Franck Boué et coll. Quelque 417 cas d’échinococcose alvéolaire humaine ont été recensés en France entre 1982 et 2009. L’atteinte primitive était hépatique dans 97 % des cas, la prise en charge chirurgicale dans 56 % des cas avec transplantation hépatique chez 28 patients.
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