« Notre recherche montre que nous pouvons introduire une bactérie dans l’intestin humain et obtenir une colonisation durable, au moins dans un sous-groupe d’individus. La bactérie persiste en effet chez les individus qui présentent une niche ouverte dans leur microbiome intestinal », explique au « Quotidien » le Pr Jens Walter, chercheur l’université d’Alberta (Edmonton, Canada) et à l’université du Nebraska (Lincoln, États-Unis). Cette découverte laisse entrevoir une médecine de précision pour reconstituer le microbiome.
« Ceci montre que le microbiome peut être manipulé de façon spécifique si cela est fait dans un contexte écologique. Une telle stratégie pourrait être utile dans le futur pour traiter les maladies associées à un déséquilibre du microbiome. Les données suggèrent aussi qu’il pourrait être possible de classer les individus de façon à administrer les probiotiques en fonction de la composition de leur microbiome », poursuit-il.
Supplantés par la concurrence
L’équipe internationale de Maldonado-Gomez et coll. a évalué comment une souche bactérienne, appelée Bifidobacterium longum AH1206, se comporte après son introduction dans l’intestin humain, en terme de persistence et d’impact sur le microbiome résident.
B. longum est l’une des 50 espèces principales du microbiote intestinal humain, formant des populations stables et dominantes chez la plupart des individus. La souche AH1206 est actuellement développée comme probiotique par la compagnie irlandaise Alimentary Health. La plupart des souches probiotiques actuellement sur le marché ont été choisies non pas pour leur aptitude à vivre dans l’intestin humain mais plutôt pour leur facilité de production à l’échelle industrielle, explique le Pr Walter.
« Elles ne s’implantent pas car les bactéries déjà présentes sont bien mieux adaptées. Les organismes introduits sont supplantés par la concurrence », précise-t-il. Dans un essai croisé, contrôlé par placebo en double insu, chez 22 sujets sains, la moitié des participants ont pris chaque jour le probiotique B. longum AH1206 pendant 2 semaines, tandis que les autres prenaient le placebo ; puis après une période de 1 à 2 mois sans traitement, les participants ont changé de groupe. Les chercheurs ont examiné leur microbiome intestinal au fil du temps par analyse des selles.
Résultats surprenants
Ils ont été surpris du résultat. B. longum AH1206 persiste durablement chez 30 % des individus (surnommés « persisteurs ») ; leur intestin reste colonisé par la souche jusqu’à 6 mois après l’arrêt du probiotique. Par ailleurs, cette colonisation n’entraîne aucun effet gastro-intestinal indésirable, et ne modifie pas la composition du microbiome résident.
En comparant le microbiome initial (pré-traitement) des « persisteurs » et des « non persisteurs », les résultats montrent que la souche AH1206 s’implante chez ceux qui ont une faible abondance du B. longum et une faible représentation de certains gènes du B. longum impliqués dans le métabolisme des glucides. Ainsi, 2 facteurs contrôlent la possibilité de colonisation pour cette souche : la limitation phylogénétique et la disponibilité des ressources.
« La compétition dans les écosystèmes est particulièrement rude entre les espèces les plus proches parce qu’elles ont les mêmes besoins en ressources », note le Pr Walter, qui ajoute que « puisque nous pouvons distinguer les persisteurs des non persisteurs, nous pourrions potentiellement personnaliser les traitements probiotiques ».
Ces résultats, concluent les chercheurs, « suggèrent que les espaces bactériennes et les gènes fonctionnels absents dans le microbiome intestinal des individus peuvent être re-établis, ce qui offre la possibilité d’une reconstitution précise et personnelle ».Ils renforcent également l’intérêt des synbiotiques (probiotique et prebiotique) qui apportent l’aliment permettant la persistence à long-terme de la souche probiotique.
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