« Notre étude décrit le premier exemple de patients recevant des lymphocytes T cytotoxiques spécifiques du virus BK, prêts à l’emploi, pour traiter la leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP), une maladie cérébrale souvent fatale contre laquelle il n'y a pas de traitement efficace », explique au Quotidien le Dr Katy Rezvani, chercheuse au Centre Medical MD Anderson de l’université du Texas (Houston) et première auteure de l’étude publiée dans le « New England Journal of Medicine » (1).
La LEMP se manifeste par l’apparition progressive de troubles neurologiques et peut évoluer rapidement vers la mort. Elle est causée par la réactivation du polyomavirus JC chez des patients souffrant d'une immunodépression sévère, par exemple en cas de Sida, de cancer, suite à une greffe de mœlle ou à un traitement par certains immunosuppresseurs ou immunomodulateurs comme le natalizumab.
Virus génétiquement similaires
Le polyomavirus JC porte des protéines qui peuvent être ciblées par le système immunitaire. Celles-ci sont identiques à celles du virus BK, un polyomavirus génétiquement similaire au virus JC. Le virus BK est responsable de néphrites et de cystites chez les patients ayant reçu une greffe de mœlle ou d’organe. Or « plusieurs équipes, y compris la nôtre, ont utilisé avec succès des lymphocytes T cytotoxiques (CTL) spécifiques du virus BK pour traiter l’infection par le virus BK après greffe de cellules souches », notent les auteurs.
« En raison de ces similitudes, nous avons émis l'hypothèse que les lymphocytes T développés contre le virus BK pourraient être efficaces également contre l'infection par le virus JC », explique le Dr Rezvani.
Eradication du virus
Son équipe a développé une approche pour générer des lymphocytes T spécifiques du virus BK (des CTL-VBK) à partir de 27 donneurs en bonne santé. Les cellules sont conservées, cryopréservées, dans une banque cellulaire au centre MD Anderson. « Cette approche permet de cibler le virus JC quelle que soit la maladie sous-jacente, comme en témoignent les trois patients traités dans notre étude pour une LEMP », souligne le Dr Rezvani. La patiente 1 (32 ans) atteinte d’une leucémie aiguë myéloïde (LAM) avait reçu une greffe de sang du cordon avec conditionnement myéloablatif. La patiente 2 (73 ans) avait un syndrome myéloprolifératif (polyglobulie essentielle, ou maladie de Vaquez) traité par ruxolitinib. Le patient 3 (35 ans) avait le sida, ne prenait plus d’antirétroviraux en raison d’effets secondaires et n’était plus capable de marcher.
Dès la première injection des CTL-VBK, partiellement HLA-appariés, les trois patients ont obtenu une baisse significative du virus JC dans le liquide céphalo-rachidien (LCR). Après 3 ou 4 infusions, la patiente 1 leucémique et le patient 3 infecté par le VIH ne présentaient plus le virus dans le LCR et montraient une amélioration cliniquement significative, de façon complète pour la femme leucémique et partielle pour l’homme séropositif. Ce dernier a pu remarcher avec une canne mais conserve un léger trouble d’élocution. La patiente 2 (2 perfusions) a obtenu une diminution significative du virus JC dans le LCR et une stabilisation des symptômes jusqu’à son décès 8 mois après la première perfusion.
« Nous continuons d’inclure des patients pour évaluer la sécurité et l’efficacité à long-terme de cette approche dans un groupe plus large, confie le Dr Rezvani. Au fur et à mesure de l’acquisition de davantage d'expérience, nous en apprendrons plus sur l'efficacité à long terme et sur la manière optimale de traiter ces patients. Si nos résultats se confirment dans un groupe plus large, nous espérons obtenir l'approbation de la FDA pour mettre le produit CTL-VBK à la disposition de tous les patients atteints de LEMP. » À l'heure actuelle, ils ne peuvent les recevoir que dans le cadre de l'essai clinique en cours au centre MD Anderson.
(1) M. Muftuoglu et al., NEJM, 379, 1443, 2018.
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