« Notre étude soutient l’idée selon laquelle certains aliments peuvent favoriser l’augmentation de bactéries ayant pour fonction établie de conférer une protection de la muqueuse et des effets anti-inflammatoires. Une diminution de ces bactéries a déjà été associée aux maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) et au syndrome de l’intestin irritable. En se fondant sur les relations entre l’alimentation et le microbiote, nous pouvons concevoir des interventions alimentaires plus rationnelles pour traiter et prévenir les maladies intestinales », précise au « Quotidien » Laura Bolte, chercheur doctorant en médecine et sciences dans le domaine de la nutrition et du microbiote intestinal. Cette étude a été conduite à l’université médicale de Groningue aux Pays-Bas, sous la responsabilité du Pr Rinse K. Weersma. L’étude a été présentée le 21 octobre à l’UEGW, à Barcelone (1).
Son objectif était d’évaluer l’association entre l’alimentation (habitudes ou aliments pris séparément) et le microbiote intestinal. Un total de 1 423 participants ont été repartis en 4 groupes ‒ témoins sains, patients avec maladie de Crohn, rectocolite hémorragique ou syndrome de l’intestin irritable. Le séquençage métagénomique d’un échantillon de leurs selles a été réalisé pour reconstruire la composition du microbiote. Le tout a été complété d’un questionnaire de fréquence alimentaire.
Des propriétés anti-inflammatoires
Les résultats ont identifié 61 produits alimentaires associés à des populations bactériennes et 49 corrélations entre des habitudes alimentaires et des groupes bactériens. Une alimentation végétarienne est ainsi associée à une augmentation de bactéries produisant des acides gras à chaîne courte (AGCC), la principale source d’énergie pour les cellules tapissant le colon, et à des voies de fermentation bactérienne. Les protéines végétales sont liées à la biosynthèse de vitamines et d’acides aminés (biotine, thiamine, L-ornithine) et à la dégradation d’alcools de sucre. Elles sont également corrélées à une augmentation des bifidobactéries, des bonnes bactéries, associées à une diminution de Blautia et de Streptococci, tandis que le contraire s’observe en cas de repas avec des protéines animales.
Les produits laitiers fermentés faibles en graisses sont associés, comme on pouvait s’y attendre, à une augmentation de bonnes bactéries telles que Lactococcus lactis, Lactobacilli et Bifidobacterium bifidum. Une alimentation méditerranéenne composée de pain, fruits, protéines végétales, légumes et légumineuses, poisson, noix et vin rouge est associée à une augmentation de bonnes bactéries telles que Roseburia hominis, Faecalibacterium prausnitzii et Bifidobacteria, ainsi qu’à la fermentation des carbohydrates produisant les AGCC.
Les associations de pain et de légumes, ou de poisson et de noix sont associées à une baisse des bactéries liées à l’inflammation et l’obésité (Bacteroides fragiles, Escherichia coli et Clostridium bolteae), ainsi qu’a une diminution des marqueurs inflammatoires dans le sang et les selles. En revanche, les combinaisons de viandes et de pommes de terre en sauce, de sucreries et sucre de table, ou de fast-food et de sodas entraînent une modification en faveur des entérobactéries et augmente les marqueurs inflammatoires dans le sang et les selles.
En conclusion, certains aliments pourraient exercer une protection sur la muqueuse en favorisant la croissance de bactéries aux propriétés anti-inflammatoires. « Notre étude montre que l’écosystème intestinal est associé de manière bénéfique à une alimentation fondée sur trois caractéristiques : une consommation de noix, de fruits et davantage de légumes et de légumineuses par rapport aux protéines animales ; une consommation modérée de vin rouge et d’aliments dérivés d’animaux tels que le poisson, la viande maigre, la volaille et les produits laitiers fermentés ; et enfin une consommation faible de viande rouge, de viande transformée et de sucreries », résume Laura Bolte.
Perspectives pour les MICI
« Sur la base de ces résultats, nous préparons actuellement un essai interventionnel pour évaluer un régime alimentaire anti-inflammatoire chez les patients atteints de la maladie de Crohn », confie le Dr Laura Bolte.
« Nous menons aussi une étude longitudinale analysant pendant un an le microbiote intestinal des patients atteints de MICI, tout en recueillant des informations quant à leur mode de vie et à leur alimentation, ajoute la chercheuse. Nous avons également recueilli des données métabolomiques qui permettent d’évaluer encore différemment les interactions hôte-microbiote qui sont liées au régime alimentaire. Enfin, nous explorons comment offrir des conseils alimentaires rationnels pour les patients atteints de mélanome avancé ».
(1) L. Bolte et al., Congres UEG Week Barcelone, le 21 octobre 2019.
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