AUTOMATISER sa pharmacie, c’est vendre plus, et vendre mieux. L’installation d’un robot ou d’un automate a permis à de nombreuses officines d’améliorer sensiblement leur rentabilité et de mieux travailler le conseil aux patients, grâce au temps libéré par l’automatisation. Ces avantages pourtant ne s’appliquent pas à la majorité des pharmacies, tout simplement parce que nombre d’entre elles n’ont pas la surface suffisante pour accueillir ces machines. Surface physique, ces machines ont parfois des dimensions impressionnantes et certains locaux exigus ne peuvent les intégrer ; surface financière, l’investissement engagé est au minimum de 100 000 euros, et peut atteindre facilement les 200 000 euros. Le seuil de chiffre d’affaires à partir duquel on considère généralement qu’il devient rentable de s’automatiser est d’environ 1 million d’euros.
Plusieurs annonces de robots « démocratisés ».
Sauf que cela va changer. Les fabricants de ces machines et plus généralement les acteurs de l’équipement officinal travaillent pour fournir des solutions automatisées à moindre coût. Faut-il encore qu’elles soient performantes, fabriquer plus petit peut en effet sembler représenter une solution au rabais. La réponse pour résoudre cette délicate équation réside en un seul mot : la standardisation. « L’objectif est de proposer un robot standardisé, c’est-à-dire avec les mêmes performances qu’un robot haut de gamme sur mesure, mais standardisé pour atteindre un niveau de prix historiquement bas pour les performances et fonctionnalités proposées » explique François Legaud, directeur commercial d’ARX, fabricant du robot Rowa dont la version « light » a été présentée au dernier salon Pharmagora, le Rowa Smart. Robots et automates sont en effet pour la plupart conçus sur mesure, sachant que dans de nombreux cas, les tailles de ces machines ne conviennent pas aux petites surfaces. D’où la décision de plusieurs acteurs de lancer des produits standardisés. Outre ARX, Pharmathek prévoit de commercialiser son Sintesi au début de l’année prochaine. Tecnilab pour sa part s’apprête également à mettre sur le marché une machine baptisée « Kompact ». Tous deux sont des robots, c’est-à-dire des machines qui se chargent d’un nombre de tâches larges grâce au système de bras mécanique qui peut se déplacer, au contraire des automates qui se contentent de distribuer les médicaments au compteur via parfois des systèmes de « transitique * » complexes.
Pour Stéphanie Barrière Vallat, responsable de la communication de Synergies, la société qui se charge de commercialiser les machines Tecnilab (fabricant italien), « les automates présentent moins de souplesse, ils s’installent par modules et s’agrandissent en longueur par des tailles bien définies. » « Et par ailleurs, un automate sur une petite surface sera moins rentable que sur une grande. » C’est la taille qui fait la force de l’automate, et sur une petite surface, il distribuera beaucoup moins de boîtes. La souplesse du robot lui est donc préférée par plusieurs acteurs de l’automatisation.
Standardisation illusoire ?
Ce point de vue ne fait pourtant pas l’unanimité. Olivier Resano, directeur commercial de Mekapharm, qui fabrique l’automate Apoteka, estime pour sa part qu’« un petit automate fait exactement la même chose qu’un grand ». L’entreprise ne partage d’ailleurs rien de la stratégie menée par ses concurrents. « La standardisation peut en effet bien fonctionner, mais dans certains cas, elle peut s’avérer illusoire, et ne pas correspondre aux besoins d’une officine » prévient ainsi Olivier Resano. Pour le dirigeant de Mekapharm, la modularité reste le principe actif du monde de l’automatisation, et contrairement à ses concurrents, il peut proposer des automates et des robots à moins de 30 000 euros pour les premiers, à 80 000 euros pour les seconds, sans avoir à sacrifier à la standardisation. Dans tous les cas, le prix de base d’un robot est plus élevé que celui d’un automate, puisque techniquement plus sophistiqué. À cette objection relative à la standardisation, Emmanuel Zittoun, directeur France de Pharmathek (filiale de TH Khol et de l’Italien Riello), répond en évoquant « la souplesse qu’il reste malgré des dimensions fixes, notamment au niveau de la gestion des sorties du robot et par l’existence d’options possibles. »
Ils ont tout des « grands ».
Les promoteurs de la standardisation promettent donc une baisse sensible des coûts tout en conservant l’essentiel des caractéristiques des robots déjà proposés sur le marché : bras et chargement automatiques, lecture des codes Datamatrix… Par exemple, le Kompact de Tecnilab est un Evotec, le robot fabriqué par la société, avec pour seule différence sa fabrication en série, pour diminuer son coût. Ses caractéristiques sont identiques à celles de son aîné, à quelques exceptions près. Ainsi, pas besoin d’un second bras, un seul suffit, selon Stéphanie Barrière Vallat. « Ce sont les options de confort que les pharmaciens ne pourront pas avoir, mais pour le reste, les robots auront les mêmes performances techniques » promet pour sa part François Legaud. « Ce qui coûte notamment dans un projet sur mesure, c’est le travail de conception, plus lourd, le suivi du chantier, plus long, dans le cadre d’un robot standardisé, il n’y a pas d’étude préalable, à part le fait de vérifier qu’il rentrera bien dans le local concerné. »
Analyser le bon mix de produits.
Là encore, Olivier Resano fait entendre sa différence. « Dans tous les cas, il est nécessaire de bien étudier le projet en amont. » Même si le directeur commercial de Mekapharm ne fait pas directement allusion à une étude technique, il préconise une analyse précise des besoins de l’officine qui guidera l’adaptation de leur projet. Et parmi ces derniers, ceux relatifs aux capacités de stockage de ces robots « light ». Les fabricants annoncent différentes capacités, lesquelles sont bien sûr en deçà de celles que le « sur mesure » rend possible, mais qui doivent a priori permettre aux pharmaciens de stocker l’essentiel de leurs médicaments. Olivier Resano juge qu’il faut prendre les capacités annoncées avec prudence. « En l’absence de norme de capacité de calcul acceptée par tous, les chiffres annoncés sont en réalité théoriques et ne tiennent pas compte de certains éléments comme la taille réelle des boîtes en stock » explique-t-il.
Les capacités annoncées qui vont de 5 000 à 10 000 boîtes, loin des 35 000 ou 40 000 boîtes des « grands » robots n’empêcheront donc pas de faire des choix au préalable. Soit que le robot intègre la totalité du stock, soit qu’il n’en prend qu’une partie, auquel cas, il faudra analyser le bon mix de produits à y intégrer, les médicaments à forte rotation, mais aussi de moyenne et faible rotation. Ces robots standardisés sont conçus pour être à proximité de l’équipe officinale au comptoir. Plusieurs fabricants ont d’ailleurs annoncé la couleur, « ils sont destinés à remplacer les colonnes tiroirs ». Quitte à avoir un stock supplémentaire en back-office pour les médicaments dont ils n’ont pas un besoin immédiat.
Un robot dans le comptoir.
Les fabricants de robots et d’automates ne sont pas les seuls acteurs à s’intéresser à l’automatisation des officines, les spécialistes de la gestion informatique s’y attellent également. Avec des concepts assez différents, plus éloignés encore des machines traditionnelles. Ainsi Pharmagest a-t-il présenté et commercialisé son robot Sellen, un robot qui s’installe dans le comptoir. On pourrait même dire, en guise de comptoir. Ce dernier, selon Jérôme Lapray, responsable marketing, n’est pas un volume suffisamment exploité dans la pharmacie. « Avec le robot intégré dans le comptoir, il n’y a aucune surface supplémentaire au sol à gagner pour automatiser une pharmacie » explique-t-il.
Personnalisable selon les concepts d’agencements de l’officine – l’installation de Sellen se fait souvent dans le cadre d’un réagencement – le robot se décline en modules qui peuvent aller jusqu’à quatre. Et dispose d’une capacité qui peut intégrer la majorité des médicaments de l’officine, promet Jérôme Lapray. Ce projet a vu le jour grâce à la collaboration avec la société Intecum, née de l’initiative d’un pharmacien (voir encadré).
Alliadis, pour sa part, a cherché une solution encore plus simple avec Stocklight, un meuble « intelligent » selon les termes de Sophie Roussel, directrice marketing et communication. C’est un meuble qui relié à l’informatique de gestion permet de gérer l’arrivée des médicaments pour chaque poste, avec un système de diodes de couleurs pour signaler où se trouve le produit dans l’appareil. « Il n’y a pas d’électronique dans Stocklight, excepté le programme de gestion des diodes, explique Sophie Roussel, il n’y a pas d’éjecteur non plus, l’arrivée des médicaments se fait par gravitation, il n’y a pas de transitique, les meubles se trouvent directement derrière les comptoirs, souvent en remplacement des colonnes tiroirs. » Loin de vouloir traiter l’ensemble des médicaments, ce meuble intelligent a pour vocation de gérer « les 20 % de médicaments qui font 80 % du chiffre d’affaires de l’officine » explique Sophie Roussel. Une façon ciblée de répondre aux besoins des petites officines.
Le choix que les officines feront dépendra bien entendu de leur situation financière et de la manière à laquelle telle ou telle machine répondra le mieux à ses besoins. Il faudra aussi qu’elles s’intéressent à la rentabilité des dites machines, quitte à demander la durée du retour sur investissement et un plan détaillé de la façon dont la rentabilité va être assurée.
Près de 40 % du chiffre d’affaires
Médicaments chers : poids lourds de l’activité officinale
Les concentrations continuent
Hygie 31, Giropharm : grandes manœuvres au sein des groupements
Valorisation et transactions en 2023
La pharmacie, le commerce le plus dynamique de France
Gestion de l’officine
Télédéclarez votre chiffre d’affaires avant le 30 juin