TOUS LES ANS c’est la même chose ! Si l’on est un commerce, il faut pouvoir fournir une évaluation précise de son stock afin d’établir le bilan comptable. Cet exercice est celui de l’inventaire, il doit être réalisé physiquement* au moins une fois par an comme le stipule l’article L123-12 du code du commerce. L’officine, bien sûr, n’échappe pas à la règle. Comme souvent, la tâche n’est pas sans contraintes, celles-ci pouvant paraître un peu plus lourdes dans le cas qui nous intéresse : un stock important éparpillé dans différentes pièces, une plage horaire à libérer pour se consacrer au comptage, le tout devant s’effectuer sans empiéter sur les heures d’ouverture et venant s’ajouter à la panoplie des taches que doit remplir le titulaire au quotidien.
Le tableau est assez impressionnant pour qu’une minorité d’officines confient le travail à un inventoriste. Parmi elles, de grosses structures, des pharmacies spécialisées dans des domaines compliqués à inventorier (orthopédie, parapharmacie) et toutes celles qui veulent s’épargner une tâche fastidieuse. Une aide extérieure jugée « plus rapide », « plus facile », « plus sûre » par des titulaires qui font généralement appel au même professionnel depuis des années. Pour Jérôme Stampers, trésorier de l’ANIP (Association nationale des inventoristes en pharmacie), « il n’y a pas de solution toute prête où le choix d’externaliser s’imposerait, mais seulement un contexte de démarche qualité qui est devenu une réalité ».
L’opération a cependant un coût. « Nos tarifs sont déterminés en fonction du stock hors taxes, précise Bruno Di Luca, dirigeant de la société Inventairange. Cela peut varier de 800 euros à 5 000 euros. » En termes de temps, l’inventaire peut mobiliser une dizaine comme une centaine d’heures, tout dépend de l’importance du stock à évaluer et de la configuration du lieu.
Méthodologie.
Autant de particularités qui justifient une première visite prévue par l’inventoriste afin de faire un repérage des lieux et de voir comment la pharmacie est agencée. « Les pièces cachées ou inaccessibles, les étages, les caves ou les greniers sont autant d’endroits où peut être entreposée une partie du stock. » De même en ce qui concerne les rayons importants et spécialisés de l’officine, qui peuvent demander la fourniture de factures ou de listes de produits. « Le titulaire doit nous contacter deux à trois mois avant l’opération. » À l’issue de la pré visite, le professionnel évalue le temps de travail nécessaire et le nombre de personnes qu’il faudra détacher pour assurer l’inventaire. Celui-ci se déroule, bien sûr, en dehors des heures ouvrables de l’officine, en général le soir, à la fermeture. L’équipe des inventoristes se partage l’espace et chacun s’attache à un secteur. Le pharmacien aura fourni au préalable la liste des codes internes – du moins ceux qui travaillent en gestion de stock – et les périmés à relever s’il y en a. À la fin de l’intervention, le matériel qui a servi à l’enregistrement - les douchettes de saisie - est vidé sur place afin d’identifier et de rectifier instantanément les anomalies rencontrées. Puis la totalité du contenu informatique de la saisie est vérifié avant que l’équipe ne quitte les lieux. Il fera par la suite l’objet d’une analyse ligne par ligne qui donnera naissance au livre d’inventaire exigé par l’expert-comptable lors de l’édition du bilan comptable. « De plus en plus de pharmaciens nous confient leur inventaire. Pour eux, c’est avant tout une question de temps, mais c’est aussi la garantie d’un minimum d’erreurs dans l’évaluation du stock. » Des erreurs dont les conséquences principales seront un bilan faussé, des marges incohérentes et une imposition plus lourde.
D’un point de vue légal, la présentation d’un bilan faux peut entraîner le rejet de la comptabilité de l’officine et mener jusqu’au redressement fiscal. À l’extrême, si une fraude manifeste est prouvée, la sanction peut conduire à des poursuites pénales. Dans ce sens, Bruno Di Luca met le pharmacien en garde contre la pratique qui consiste à se servir des outils de gestion de stock pour réaliser son inventaire. « La projection virtuelle du stock sur informatique est source de bien des erreurs : produit avancé au client et qui n’est pas déstocké, validation d’une commande erronée, produit rendu qui est enregistré comme une vente… »
Pas droit à l’erreur.
Toute l’équipe ayant accès au stock informatique, les chances de se tromper sont, en outre, démultipliées. Sans parler du vol ! Comment le constater si un inventaire physique n’est pas effectué ? Pour Philippe Becker, expert comptable chez Fiducial, la démarque inconnue n’est cependant pas le problème central de l’inventaire. C’est la possibilité d’erreur qui fait encore et toujours figure de problématique principale. « Elle peut se produire lors du comptage des boîtes, mais surtout au moment de la valorisation des produits, puisqu’il faut retrouver le prix de revient, celui qui inclut les remises, de chaque référence. » La difficulté vient alors et surtout des produits à marge variable, qui constituent aussi le « gros » de l’inventaire, le stock des médicaments remboursables étant finalement facile à inventorier avec ses marges fixes et ses faibles quantités. C’est pourquoi l’expert-comptable a l’habitude de conseiller aux pharmacies avec lesquelles il travaille de faire appel à un professionnel qui est la garantie d’un minimum d’erreurs dans l’inventaire. « Il faut voir que le stock représente environ 10 % du chiffre d’affaires d’une officine et on ne peut pas se tromper sur une telle somme ! Les difficultés de trésorerie que peuvent rencontrer certains titulaires sont d’ailleurs souvent liées à une mauvaise gestion des stocks, qui résulte elle-même d’un inventaire mal fait. »
Le recours à un inventoriste a aussi d’autres avantages. Il prouve tout d’abord que le comptage a été fait physiquement, même si le comptable est censé contrôler la méthode utilisée avant d’établir son bilan : « On pose quelques questions pour savoir comment l’inventaire s’est déroulé, puis on demande le récapitulatif de stocks qui doit être un document épais si l’évaluation a été faite physiquement. On peut également effectuer des sondages sur les quantités et les prix pour voir si les données sont cohérentes. » L’intervention d’un professionnel confère aussi aux documents qu’il engendre une objectivité et une fiabilité certaines, « bien utiles en cas de contrôle fiscal ». L’expert conclut en insistant sur l’importance de la date d’inventaire, qui doit se rapprocher le plus possible du jour de clôture.
Do-it-yourself.
Philippe Becker reconnaît aussi l’intérêt d’une autre méthode pour les officines qui gèrent leur stock informatiquement, celle de l’inventaire « tournant » qui consiste, pour le titulaire, à effectuer son inventaire tout au long de l’année en contrôlant physiquement le stock rayon après rayon. Dans ce cas, le pharmacien doit conserver les preuves de son intervention et justifier les rectifications réalisées. Cette option a séduit plus d’un pharmacien, comme ce confrère installé dans l’Est, et qui consacre les mois d’été à son inventaire tournant, avant d’effectuer l’exercice final à la fin août. Selon lui, le recours à un inventoriste ne se justifie pas car l’inventaire doit être conduit par ceux qui connaissent les lieux et le stock, à savoir le titulaire et son équipe. Le contrôle est donc réalisé petit à petit par tous les membres de l’officine durant les heures creuses. « C’est une solution très fiable qui n’engendre pas d’erreurs particulières », remarque un autre adepte de la méthode. Pour certains pharmaciens, c’est la méfiance qui motive leur choix : « Il m’est arrivé que le bilan soit plus faux après intervention d’un inventoriste », confie ainsi une titulaire. « Le problème venait sûrement des étudiants que la société avait recruté en renfort pour faire l’inventaire et qui n’ont pas fait leur travail sérieusement. » D’autres sont fatalistes et considèrent qu’il est impossible de ne pas faire d’erreur dans son stock. « Même les douchettes de saisie qui sont louées pour l’occasion peuvent mal fonctionner », déplore une pharmacienne, pour qui la solution réside dans un rangement rigoureux des produits et un contrôle permanent des rayons.
La liste des témoignages pourrait s’allonger indéfiniment car chacun est persuadé du bien fondé de sa méthode. Reste une vérité unique et sur laquelle tous les professionnels impliqués dans l’émission du bilan s’entendent : qu’il soit délégué à un tiers ou effectué par le pharmacien, l’inventaire doit être réalisé physiquement.
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