L’OFFICINE est vouée à accroître sa part de responsabilité dans la chaîne de soins qu’occasionne le suivi de certains patients. C’est du moins le sentiment de l’USPO (Union des syndicats de pharmaciens d’officine). Une opinion que partage d’ailleurs une large part des acteurs de la profession. À cela, rien de surprenant, la mise en place des réseaux de santé avec le développement du MAD et du HAD, d’une part, l’élaboration du dossier pharmaceutique (DP) et le vote de la loi HPST*, d’autre part, ayant officiellement précisé le rôle que peut jouer le pharmacien dans les systèmes de prise en charge du patient. Dans le même sens, l’évolution que connaît la démographie médicale, avec la tendance au regroupement des médecins dans des maisons de santé pluridisciplinaires éloignées des petits bourgs, devrait accentuer encore le phénomène. « Les pharmacies, par leur nombre et leurs implantations, assurent un maillage homogène du territoire, rappelle Gilles Bonnefond, président délégué de l’USPO. Dans bien des villages, elles sont le dernier lieu de santé à proximité des patients. »
Y réfléchir rapidement.
Comment, à partir de là, ne pas imaginer étendre l’éventail des services de santé que peut rendre l’officine, en créant, à l’intention de la clientèle, un espace de consultation à distance ? Les malades, qui peuvent difficilement se déplacer, pourraient ainsi s’entretenir en toute confidentialité avec leur médecin et même subir les tests, mesures et prélèvements nécessaires à l’établissement d’un diagnostic ou d’un suivi médical.
Cette idée a déjà pris corps et regroupe sous le terme de « télémédecine » les techniques de communication et de transmission en temps réel des données médicales concernant un patient. Concrètement, celui-ci est mis en contact avec un médecin par le biais d’Internet, ce qui permet aux deux protagonistes de se voir, de se parler et d’échanger des informations en temps réel, reproduisant ainsi les conditions d’une consultation. « Dans ce contexte, le pharmacien pourrait assister le patient dans sa démarche, l’aider à réaliser les mesures physiques nécessaires à l’examen. » L’officine entrerait alors dans le réseau électronique reliant différents lieux et professionnels de santé. « Il faut réfléchir rapidement à la mise en place d’outils d’échange sécurisés dans le cadre du suivi des patients », poursuit Gilles Bonnefond en précisant que ces questions sont actuellement étudiées par la commission Lasbordes**. En effet, la phase expérimentale de mise en place du pharmacien correspondant est proche et, dans ce cadre, l’officinal va être amené à suivre le patient chronique qui l’aura désigné et ce en relation avec le médecin traitant et les professionnels de santé impliqués. « Nous aurons alors besoin d’outils permettant de communiquer facilement avec les praticiens car il nous faudra pendre des décisions rapides : posologies à adapter, traitement à modifier, tout événement qui vient modifier le protocole de soin établi, avec des outils de traçabilité. » Le président délégué de l’USPO, conclut en interpellant les industriels sur les questions techniques et le besoin d’élaborer des outils de télémédecine adaptés à l’officine et à la mission du pharmacien correspondant. Une nécessité dont les concepteurs sont conscients puisqu’ils travaillent à la mise en œuvre de prototypes capables d’intégrer l’officine.
Recréer l’expérience d’une consultation médicale.
Le constructeur Cisco, fournisseur de technologies réseaux, a mis au point une plateforme de télémédecine qu’il expérimente depuis deux ans aux quatre coins de la planète : en Écosse, pour désengorger un service d’urgence, en Californie, pour créer des points de consultation médiale, en Chine, dans le cadre d’une mission humanitaire. En France, la plateforme sert à relier le service de gériatrie de l’hôpital Vaugirard avec les différents services spécialisés de l’hôpital européen Georges Pompidou impliqués dans les pathologies de la vieillesse (orthopédie, dermatologie, neurologie, cardiologie…). « Nous avons voulu recréer l’expérience d’une consultation médicale en face à face », explique Corinne Marsolier, directrice Solution Santé du département Internet business solution group de Cisco Europe. La solution, qui sera annoncée en Europe au cours du mois de mai, réunit donc trois types de technologies : la téléprésence, qui offre l’image en haute définition, la télémétrie, qui propose une batterie d’outils de mesure physiologique (stéthoscope, otoscope, caméra main pour détailler une zone du corps, enregistrement des constantes vitales…), la mise en réseau, qui permet au système d’entrer en contact avec les personnes connectées et de rechercher un spécialiste disponible quand c’est nécessaire. « Un assistant, qui pourrait être le pharmacien, doit être présent auprès du patient pour faciliter l’échange et la transmission des données. » Car, bien sûr, l’intérêt du système est de pouvoir pratiquer un examen de la personne au plus proche des conditions réelles et rendre un diagnostic simultané à partir des mesures effectuées sur place. « C’est aussi la possibilité d’avoir accès à des soins et à un avis médical spécialisé dans n’importe quel lieu », précise Corinne Marsolier.
L’installation d’un tel système au sein d’une officine nécessiterait cependant quelques aménagements : un espace confidentiel et un accès réseau haut débit sécurisé, ce qui sans doute coûterait le plus cher, mais qui pourrait être mutualisé pour d’autres usages (collaboration, formation…) selon la directrice Solution Santé. Une autre question se pose, celle du financement de ces consultations électroniques puisque tout acte de praticien doit être rémunéré, sans parler du service rendu par le pharmacien. « On peut imaginer un fonctionnement au forfait par personne », avance Corinne Marsolier, qui ne voit pas de limites au champ des possibilités qu’ouvre la plateforme Cisco HealthPresence. « À terme, tout sera possible afin de décloisonner les différents intervenants de la chaîne de santé. »
La technologie au secours du service.
Pas de barrières non plus pour le concepteur de solutions audio, vidéo et de téléprésence Polycom, qui évoque l’aspect technique de la consultation à distance : « La couverture ADSL est de plus en plus large sur le territoire. Elle va permettre de baisser les coûts des outils de télémédecine. Mais, à l’avenir, la sophistication des équipements ne devrait plus conditionner les échanges comme elle le fait aujourd’hui. En effet, la richesse de l’offre va rendre possible la connexion de systèmes traditionnels avec des technologies plus récentes, d’une part. D’autre part, nous travaillons sur un protocole de compression des images qui permettra de véhiculer des images de meilleure qualité pour un débit plus faible. » Autant de facilités qui, selon Jean-Marc Guignier, directeur des ventes chez Polycom France, vont se conjuguer pour amener les outils de télémédecine au sein de l’officine. Une opportunité qui pourrait contribuer à améliorer la prise en charge du patient à l’officine, notamment dans le cas de la personne âgée « qui a particulièrement besoin d’être écoutée ». Le concepteur a déjà mis en place un réseau de plateforme reliant certains hôpitaux de la région Midi-Pyrénées avec des cabinets médicaux. « Tout comme les praticiens, on pourrait faire entrer les pharmaciens dans le réseau de connexion. » Quant au coût de l’équipement, il pourrait être envisagé sous l’angle de la location et pourrait alors s’évaluer à 300 euros par mois. « Plus on mettra d’officines dans la boucle, moins la solution sera chère », indique Jean-Marc Guignier.
Si, toutefois, le pharmacien veut s’équiper indépendamment des autres, il peut se tourner vers les systèmes de connexion nomades également conçus pour renseigner sur l’état d’un patient à distance. Ils peuvent se présenter sous la forme de kits ou de valises comprenant un ordinateur additionné de dispositifs de mesures médicales (électrocardiogramme, analyse sanguine, débit d’air expiré, pression artérielle…) et d’une caméra haute définition, capable de transmettre les données en temps réel à condition de posséder un accès Internet et une ligne téléphonique. C2 Innovativ’Systems propose ce type de solutions, tout comme Camka System qui référence la gamme de valises Mercuria dont le modèle le plus simple n’excède pas 10 000 euros.
**Pierre Lasbordes est député et vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
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