LES BIJOUTERIES (ventes de bijoux et montres) aujourd’hui, c’est : 7 000 points de vente (1) – en baisse constante depuis plusieurs années –, 5,5 milliards d’euros de CA en 2011 (+ 3 % vs 2010), CA dépassant le niveau de 2007 et chassant la récession de 2008-2009 (2) pour 178 000 bijoux et montres vendus chaque jour en France (3).
C’était comment, les bijouteries, avant ?
Des commerçants majoritairement indépendants : ce qui induit autant d’identités visuelles différentes qu’il y avait de boutiques. À chaque bijoutier sa griffe, sa devanture, sa vitrine.
Une image plutôt élitiste : le bijou étant un produit de luxe, les bijouteries avaient tendance à mettre en avant, dans leurs vitrines, les produits les plus chers… Souvent sans même en afficher le prix.
Des points de vente très « fermés » : difficile de voir l’intérieur du magasin depuis l’extérieur. En conséquence, l’acte d’entrer dans la bijouterie résultait le plus souvent d’un choix intentionné et déterminé : peu de place à l’entrée pour voir, on pénétrait parce qu’on avait l’intention d’acheter un bijou. À l’intérieur, une surface de vente relativement exiguë, avec tout au fond, le comptoir et le bijoutier.
Des vitrines peu attractives : situées au niveau des mains, elles exposaient une profusion de produits, sans cohérence entre eux. Souvenez-vous (et cela existe encore), certaines vitrines présentaient même des produits au niveau des pieds, il fallait se baisser pour pouvoir les admirer.
Une organisation aléatoire de l’intérieur des points de vente ; qui saurait dire selon quelle logique étaient organisées les bijouteries d’antan ?
Pour résumer : le bijou était un produit particulier, cher et à l’image luxueuse et quelque peu élitiste, et l’achat résultait le plus souvent d’une détermination du client. « J’entre parce que je dois acheter un bijou, pour un anniversaire, un baptême, un mariage, etc.…»
La révolution bijoutière tient en grande partie à la démocratisation du produit et de son achat. Autrement dit, comment faire pour que le bijou devienne « accessible » à tous, dans tous les sens du terme, aussi bien financièrement que matériellement.
Les bijouteries ont fortement travaillé la séduction sur le produit et surtout sur le point de vente : le merchandising de séduction était en marche, en accompagnement du merchandising de gestion et d’organisation.
L’objectif : le produit en lui-même étant fortement porteur de valeurs de séduction et de plaisir, le point critique était de donner envie d’entrer, puis donner envie d’acheter.
Aujourd’hui, les bijouteries, c’est devenu…
De la différenciation par étalement des niveaux de gammes :
Du bijoutier haut de gamme (ex. Cartier) jusqu’à la boutique de bijoux fantaisie pour adolescentes ou jeunes adultes branchés (Claire`s, Moâ ou, dans un style différent, Agatha), en passant par les boutiques plus « habituelles » de centre-ville ou de centre commercial, les enseignes (Histoire d’Or, TrésOr), ou les spécialistes (Swarovski), tout client peut actuellement trouver la bijouterie qui lui correspond. Ainsi, l’achat d’un bijou n’est plus réservé qu’aux classes les plus aisées, chaque personne peut entrer dans une bijouterie en étant sûre de trouver un bijou « dans ses prix ».
Chaque enseigne de bijouterie peut ainsi définir son créneau et se différencier de la concurrence.
Les bijoutiers haut de gamme vont miser sur les offres des grands créateurs, alors que les bijoutiers « fantaisie » vont jouer la carte de la prolifération de l’offre et du renouvellement rapide des collections, et des bijoux à tout petit prix. Le bijou fantaisie devient ainsi accessible au plus grand nombre, et fait partie de ces petits plaisirs auxquels les consommatrices ne renoncent pas, même en temps de crise, si l’on en juge par la progression de ce segment depuis plusieurs années.
Un marché juteux qu’essaient également de s’approprier les magasins de prêt à porter, qui, en guise de ventes additionnelles, misent sur les bijoux assortis aux tenues qu’ils proposent : dans leurs vitrines, rares sont les mannequins dépourvus de bijoux assortis à la tenue portée : bracelets, sautoirs,…
Notons aussi le développement inattendu des bijoux vendus sur internet, avec l’exemple du succès de Maty, depuis de nombreuses années.
Une image de marque omniprésente grâce aux réseaux d’enseignes :
TrésOr, Le manège à Bijoux, Julien d’Orcel, Marc Orian,… Autant de noms désormais familiers à l’esprit du consommateur, qui contribuent à créer des repères pour les clients : même collections, mêmes prix, carte de fidélités valables dans tous les points de vente de l’enseigne : des facteurs de fidélisation importants pour ces marques.
Les enseignes de grande distribution ont-elles aussi créé leur propre marque de bijoux, comme le Manège à Bijoux de Leclerc, composée de boutiques indépendantes de la grande surface, et où l’image de l’enseigne est minimalisée : Ainsi, lors de l’ouverture des premiers espaces Manège à Bijoux, 66 % des clients n’étaient pas entrés dans une bijouterie depuis au moins 5 ans. 80 % des clients sont revenus suite à leur premier achat et 50 % d’entre eux sont devenus des clients exclusifs (4).
Un merchandising revalorisé.
- Des boutiques « ouvertes » : exit les grandes devantures de vitrines, désormais, les points de ventes privilégient l’ouverture vers l’extérieur et la transparence, surtout en galeries commerciales. Plus aérées, les bijouteries deviennent moins cloisonnées et favorisent un flux entrant dans l’espace de vente, et ainsi, développent les achats d’impulsion : la circulation est facilitée, la transparence donne envie d’entrer : on passe par là, on entre « juste pour voir », et, parfois, on se laisse tenter.
- Le travail des univers : l’accumulation de produits laisse place à plusieurs univers distincts, disposés judicieusement en fonction de leur sensibilité à l’achat d’impulsion, et présentés séquentiellement : on distingue nettement des univers homme, femme.
Les montres sont séparées des bijoux. On distingue également un univers « célébrations », avec les produits « mariage » et « baptême ». Dans l’univers de la femme, les produits ne sont pas organisés en fonction du type de bijou (boucles d’oreilles, colliers, bracelets, bagues) mais sont subtilement segmentés en familles : mailles, pierres précieuses, semi-précieuses, perles et autres, et dans chacune de ces familles cohabitent les colliers, bagues et bracelets assortis, pour favoriser l’envie d’acheter une parure complète. Pour autant, certaines vitrines peuvent présenter toute la collection d’un seul et même créateur.
Tout ceci est le résultat d’une observation approfondie du mode d’achat des clients.
- La mise en valeur des produits : des meubles bas, des présentoirs spéciaux pour chaque type de bijou, une lumière directionnelle intense pour mettre en valeur l’éclat des produits, mais plutôt douce au niveau des comptoirs pour favoriser le confort de l’essayage : tout est réfléchi pour une mise en valeur séduisante des bijoux. Les vitrines extérieures sont plus dépouillées, car, on l’a compris, mieux vaut peu de produits bien exposés, et accessoirisés en une atmosphère thématique, qu’une multitude de colliers, bracelets bagues, simplement exposés les uns à côté des autres.
Encore une fois, tout cela dépendra du positionnement du point de vente : plus la bijouterie se positionnera en haut de gamme, plus les vitrines seront simples et épurées. Au contraire, une bijouterie qui se veut plus « populaire » misera sur une vitrine un peu plus fournie, signe d’abondance.
- Développement de thématiques : afin de dynamiser le point de vente et susciter l’envie de revenir, mais surtout pour donner de multiples occasions aux clients de se laisser tenter, les bijouteries rivalisent d’imagination et proposent des offres diverses. Outre les traditionnelles St Valentin et fête des mères, on voit fleurir des corners dédiés à de jeunes créateurs prometteurs, ou des offres spéciales, comme la reprise et/ou l’échange de vos bijoux en or, au poids, vous donnant droit à des bons d’achat.
- Des services complémentaires : expertise, gravure offerte, mise à la taille, changement de piles, cartes de fidélité, réparation et garanties, tout est fait pour créer la préférence chez le consommateur.
En résumé, en misant sur un merchandising plus intimiste, basé sur la séduction, les bijouteries ont réussi à donner un sens différent à leurs produits. Elles ont ainsi créé des points de vente plus humains, tout en restant confidentiels et agréables : on a envie de rentrer, de faire le tour, de se laisser tenter. Voici comment ces commerces sont parvenus à se moderniser tout en passant l’épreuve des crises successives.
Qu’en est-il de l’officine ?
Nous conviendrons que les médicaments ne sont en aucun cas comparables aux bijoux, et les techniques merchandising ne seront donc pas les mêmes en officine qu’en bijouterie. Cependant, les pharmacies, en dehors des médicaments, proposent également bon nombre de produits dont le pouvoir séducteur s’en rapproche. C’est notamment le cas de certaines gammes de parapharmacie. En dehors de cela, on remarquera que les items merchandising développés dans les bijouteries sont également des « must » de l’officine :
- Rendre le point de vente attractif dès l’extérieur, en travaillant les vitrines de manière efficace : un à deux messages par vitrine maximum, des produits en masse mais en nombre limité, une communication prix percutante, et une transparence maximum afin de laisser voir l’intérieur de l’espace de vente, et de renvoyer une image de sécurité et de confort, qui donne l’envie d’entrer.
- Travailler les différents produits de l’espace de vente en univers distincts et logiques, selon les modes d’achats des consommateurs (voir notre article sur le merchandising séquentiel du 19 janvier 2012). Les univers servent de repères et de points d’appels aux clients, et doivent être facilement repérables depuis l’entrée de la pharmacie.
- Mettre en valeur les produits de l’officine, afin de les rendre parfaitement visibles par les clients. Cela implique de présenter un nombre de produits limité et proportionnel à la place disponible dans le point de vente (20 cm de facing minimum par produit sont nécessaires pour que le client le voie).
Le « plus » de l’officine : savoir concilier les univers et leur mise en valeur par du mobilier et un balisage spécifiques, des sols et des couleurs différents, de la décoration adaptée. À noter que la décoration ne doit jamais prendre le pas sur les produits, mais sert à les mettre en valeur.
- Développer des thématiques et des services : c’est une arme incontournable dans une optique de différenciation face à la concurrence. Créer ses propres thèmes promotionnels, des services que les autres n’ont pas, trouver ses points d’appui pour faire préférer son officine plutôt que celle du concurrent.
Comme on peut le constater, même les commerces qui paraissent les plus éloignés de l’officine ont de nombreux points communs avec elles. Pourquoi ? Tout simplement parce que le client qui entre dans une officine est le même que celui qui pénètre dans une bijouterie ou dans tout autre commerce, et à ce titre, il a les mêmes exigences : clarté, facilité et rapidité d’achat, choix des produits, et disponibilité de ses produits. Et les recettes qui permettent de concilier tous ces objectifs sont souvent, au final, les mêmes pour des types de commerces radicalement différents.
2) Comité FrancEclat, chiffres clé du secteur 2011 (http://www.fh.asso.fr/D1813-chiffres_cles_2011.pdf).
3) Planetoscope (http://www.planetoscope.com/lamour/1041-nombre-de-bijoux-vendus-en-fran…).
4) www.lemanegeabijoux.com/aide-et-contact/qui-sommes-nous/
* Argos Consulting, dirigé par Michel Kindig, est une agence conseil spécialisée dans l’optimisation des espaces de ventes. Sa vocation est notamment la conception d’approches merchandising innovantes, l’élaboration de stratégie de prix et le déploiement de formations spécifiques et adaptées. Argos Consulting exerce son expertise dans tous les types de distribution (GMS, GSS et réseaux spécialisés). Plus de 3 000 stagiaires sont formés chaque année par le cabinet.
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