aide au suivi des patients

L’e-santé arrive en pharmacie

Publié le 19/03/2012
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L’e-santé qui était jusqu’à présent davantage un concept qu’une réalité est en train de sortir des limbes. Les pharmaciens et les médecins pourront ainsi prochainement coopérer autour d’un projet de suivi du patient grâce à un outil destiné à être mis en place dans des officines, le SYMPAD. L’initiative vient d’être retenue dans le cadre du premier appel à projet e-santé. L’e-santé quitte le monde du virtuel.
Une nouvelle façon de faire jouer l’interprofessionnalité au bénéfice du patient

Une nouvelle façon de faire jouer l’interprofessionnalité au bénéfice du patient
Crédit photo : dr

LE PREMIER APPEL à projets « e-santé n° 1 – santé et autonomie sur le lieu de vie grâce au numérique » vient de retenir 14 lauréats sur 45 candidatures reçues. Ils bénéficient d’une aide totale de 9 millions d’euros sur le programme « investissement d’avenir », financé par le grand emprunt national levé en 2010, les aides variant selon les projets de 170 000 euros à 1,7 million d’euros. Parmi les lauréats, le projet SYMPAD (Système de monitoring médicalisé de patients en pharmacie ou à domicile), qui devrait recevoir un financement de 1,2 million d’euros sur les 2,674 millions nécessaires, pourrait avoir un impact direct en officine.

De quoi s’agit-il ? D’un outil, mis à disposition des pharmaciens, permettant un suivi qualifié des patients atteints de maladies chroniques. L’outil en question est une unité centrale, la H Box, reliée d’une part à une tablette tactile permettant d’entrer les dernières mesures correspondant à la pathologie suivie, et, d’autre part, à un ensemble d’appareils de santé connectés en bluetooth. Les données sont entrées par le pharmacien qui accompagne le patient, elles sont (télé-)traitées et analysées par un médecin de la plateforme Médecin Direct, qui envoie un rapport avec ses recommandations au patient, au pharmacien et éventuellement au médecin traitant si le patient le souhaite. La société Médecin Direct – une plateforme médicale spécialisée dans le téléconseil et prochainement dans la télémédecine – est à l’initiative de ce projet.

Pour que ce projet puisse voir le jour, Médecin Direct a choisi de travailler avec plusieurs partenaires : Ariana Pharma*, Boston Life Labs**, CEA-LETI (Laboratoire d’électronique et de technologies de l’information)*** et Telecom Bretagne****. « La question de savoir s’il faut suivre un patient ne se pose plus. Reste à savoir comment le faire. Apporter la technologie nécessaire à domicile n’est économiquement pas viable et ne permet pas un accompagnement médicalisé. Or le pharmacien est partout grâce à sa répartition démo géographique et il a un rôle de plus en plus important en termes de suivi des patients, la loi Bachelot l’introduit clairement dans ses nouvelles prérogatives. » Pour François Lescure, pharmacien et président de Médecin Direct, le projet SYMPAD, de par ses conjonctions technologiques dans un lieu de santé où l’on trouve des professionnels de santé et une plate-forme médicale à disposition, avec un lien possible avec le médecin traitant, devrait permettre de constituer un vrai réseau de soins autour du patient.

Réactif et organisé.

Les atouts de SYMPAD lui permettent d’avoir un accueil plutôt favorable, aussi bien de la part des médecins que des pharmaciens. Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmacies d’officine (USPO) trouve l’initiative intéressante : « À partir du moment où l’on considère que le pharmacien peut suivre les patients, il faut que l’on ait les outils adaptés, permettant de communiquer avec les médecins. » Il souligne également l’intérêt de cette approche dans le cadre de la coordination médecins-pharmaciens, tout en permettant de ne pas perdre de temps. « Si l’on veut suivre les patients asthmatiques ou sous AVK, on a besoin de ce type d’outil. Cela permet d’être plus réactif et mieux organisé. » C’est ce que François Lescure appelle la boucle vertueuse puisque tout le monde y gagne : le patient est bien suivi, le pharmacien est dans son rôle de surveillance en termes de pharmacovigilance et d’éducation thérapeutique, les médecins de Médecin Direct contrôlent et alertent (vision transversale et complète car ils ont accès au DMP au même titre que tout médecin) et le médecin traitant peut avoir une vision très significative du suivi de son patient en ayant accès à tous les paramètres mesurés en officine et les recommandations de Médecin Direct.

Actuellement, les appareils santé prévus pour être connectés avec la H Box et la tablette tactile sont une balance, un thermomètre, un tensiomètre, un oxymètre et une interface qui permet d’utiliser n’importe quel glucomètre existant sur le marché. Médecin Direct aimerait y ajouter un dermoscope, un électrocardiographe, un rétinoscope non mydriatique, un actimètre (enregistre les déplacements et les mouvements de celui qui le porte, et l’évolution des capacités motrices entre deux moments donnés) et un capteur de fragilité (mesure la force de préhension). « Certains partenaires travaillent sur de nouveaux capteurs. Notre H Box peut être l’interface de 12 capteurs et nous savons que des capteurs intelligents vont apparaître sur le marché dans les mois à venir. La R & D dans ce domaine est en pleine explosion », ajoute François Lescure.

Jouer le jeu.

La question est maintenant de savoir qui paye l’équipement et la gestion de la plate-forme de données. Le souhait de la société étant que les coûts soient pris en charge soit par l’assurance santé obligatoire et/ou complémentaire, soit par une collectivité de type conseil général ou communauté de communes. Une partie pourrait même être prise en charge par des sponsors, notamment des industriels de la pharmacie. « L’intérêt c’est que cela ne coûte rien au patient. Notre projet commence à se faire connaître et des pharmaciens sont même prêts à investir dans l’équipement. Ils y voient une façon de répondre à leurs nouvelles missions et certainement aussi une manière de fidéliser leurs patients. » D’ici à la fin de l’année, François Lescure espère avoir installé 400 à 500 SYMPAD. « Selon la taille de la pharmacie, chacune pourra suivre entre 30 et 100 patients par mois. Nous allons sélectionner les pharmacies qui ont une bonne capacité de recrutement de patients à suivre, disposant d’un espace de confidentialité, et surtout qui sont prêtes à jouer le jeu. Nous sommes en phase pilote, nous avons besoin d’avoir des remontées précises sur ce qui fonctionne ou pas pour améliorer SYMPAD. »

Pour l’heure, seulement un pharmacien de Vincennes (Val de Marne) possède la H Box Version 1. Mais il sera bientôt suivi par trois officines de la Manche. La communauté de communes de Mortain ayant estimé qu’elle devait investir dans cet outil, d’autres commandes sont déjà enregistrées pour le nord de la France, ainsi qu’à Clermont-Ferrand et Mont-de-Marsan. « Le projet concerne les pharmacies mais rien n’empêche que SYMPAD soit utilisé dans d’autres lieux, que ce soit en EHPAD ou dans le cabinet d’un médecin de campagne. Le SYMPAD sera à sa place dans tout lieu touché par la désertification médicale. On peut aussi imaginer des H box plus petites utilisables à domicile. »

* Fournisseur de logiciel et de services d’aide à la décision pour l’optimisation de la R & D pharmaceutique.

** Développeur de solutions en e-santé

***Laboratoire du Commissariat à l’énergie atomique (CEA), centre de recherche appliquée en microélectronique et en technologies de l’information et de la santé

**** Grande école d’ingénieurs et centre de recherche international dans les sciences et technologies de l’information

› MÉLANIE MAZIÈRE

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 2907