ON NE SAURAIT imaginer un hypermarché ou une boutique de prêt-à-porter non sonorisée, abandonnant les oreilles des consommateurs aux claquements de cintres ou autres bruits de chariots qui s’entrechoquent. Le nombre de lieux publics sonorisés a doublé en presque 10 ans selon la SPRE (Société pour la perception de la rémunération équitable). La sonorisation d’un espace de vente est aussi devenue au fil des années un véritable outil marketing. Pourtant, la pharmacie semble résister aux sirènes de ce marketing sensoriel et, comme souvent, se démarque des autres commerces. Les pharmacies auraient-elles un intérêt à sonoriser leur espace de vente ? Et comment cette démarche serait-elle accueillie par le patient ?
L’avis des agenceurs.
Quelques agenceurs sont aujourd’hui convaincus des bénéfices apportés par la sonorisation en terme commercial et de satisfaction du client. L’Agence 5S ne pourrait faire autrement vu son nom (5S signifie 5 sens, dont l’ouïe). Pour Pierre-Guillaume Saillard, son PDG, « l’objectif est de proposer de nouveaux moyens pour stimuler les sens du client. Il y a des innovations remarquables dans ce domaine, comme le système de gestion de la lumière et de la musique par le regard, ou la douche sonore c’est-à-dire l’animation d’une zone définie par diffusion d’une information ou d’une musique ». Des solutions qui ne rencontrent pas encore beaucoup de succès en pharmacie. Le fabricant et agenceur vendéen CAP Agencement propose l’installation d’un système de sonorisation dans chacune de ses réalisations. « La pharmacie est un lieu de confiance. La musique participe à créer un contexte favorable à l’échange et optimise la confidentialité », commente Alain Viaud, PDG de CAP.
Si l’expérience et l’analyse des agenceurs sur l’intérêt d’une ambiance musicale dans les officines sont a priori cohérentes, il faut savoir rester prudent quant à certaines interprétations trop hâtives. « On prête beaucoup de pouvoir à la musique, au marketing sensoriel. Mais le commerce ne se résume pas à cela. Le commerce, c’est avant tout une relation », prévient Alain Goudey, Business Manager au sein de la société Mediavea (spécialiste de la sonorisation sur les points de vente), mais aussi Professeur associé à la Reims Management School et chercheur associé à l’Université Paris-Dauphine.
Le bon tempo.
« Plusieurs études, majoritairement anglo-saxonnes, ont été publiées depuis les années quatre-vingt-dix, dont certaines sont contradictoires. Une méta-analyse nous livre des conclusions intéressantes et en partie validées sur les réactions des consommateurs, tant sur l’aspect cognitif comme la vitesse de déplacement, la volonté de revenir ou l’influence sur l’intention d’achat, que sur l’aspect affectif c’est-à-dire le plaisir ». Ainsi, les résultats suggèrent que la diffusion d’une musique connue et appréciée augmente les achats, que le tempo et le volume sonore influent sur le temps passé dans le magasin. Un tempo plus lent, un volume plus faible et une musique plus familiale mobilisent de manière moins importante les ressources cognitives des clients, se traduisant par un temps effectif de présence plus long. À l’inverse, un tempo rapide, un volume fort et une musique moins appréciée consomment plus de ressources cognitives et tendent à allonger la perception du temps passé ; les courses semblent interminables.
Plus que la musique, l’absence de silence semble retenir l’intérêt de l’agenceur européen Apotheka. « Notre travail est avant tout de limiter les bruits désagréables - tiroirs ou imprimantes par exemple -, de les étouffer, pour améliorer l’échange et offrir une ambiance plus sereine aux patients », indique Carmen Palos, vice-présidente du groupe. Pour atteindre cette relaxation acoustique, des panneaux destinés à absorber les sons sont disposés dans l’officine. Discrets, ces éléments sont totalement intégrés dans le décor.
Une sonorisation sur mesure.
Tandis que certaines enseignes développent des moyens impressionnants, voire extrêmes, pour exciter les sens des clients (magasin Abercrombie et Fitch ou Sephora), d’autres semblent faire fi du marketing polysensoriel. C’est le cas des enseignes de hard discount qui ne font pas d’effort sur le point de vente pour assurer des prix bas. « Il faut trouver le juste milieu entre le merchandising que l’on souhaite développer et l’image que l’on souhaite transmettre », explique Alain Goudey. On touche un point sensible, qui fait de la pharmacie ce commerce à part auquel certaines méthodes commerciales ne sont pas applicables. L’expérience a montré combien celles-ci, issues de modèles commerciaux qui n’ont rien à voir avec la pharmacie, peuvent faire du tort à la profession (par exemple, le fait qu’un « bon » conseil se solde par la vente d’au moins trois produits). Concilier l’exercice de la santé et l’aspect commercial de la pharmacie a toujours été un défi pour la profession. À l’officine, l’ambiance musicale dont les atouts ont déjà été évoqués pourrait être enrichie de messages de santé, de messages d’information à l’intention des clients (horaires d’ouvertures, dossier pharmaceutique…) et de messages commerciaux. Trois types de messages dont l’objectif est d’optimiser les trois domaines d’exercice du pharmacien que sont le conseil, la relation (dont la dispensation) et la vente.
Consciente de l’intérêt de la sonorisation, l’enseigne Pharmactiv a beaucoup étudié les moyens permettant d’appliquer ce concept à la pharmacie. « Car de même qu’on ne s’improvise pas éclairagiste, on ne devient pas sonorisateur d’espace du jour au lendemain. Pour que la sonorisation de l’espace apporte un réel bénéfice en termes de satisfaction du client et de stimulation des achats, le choix musical peut être travaillé pour un réseau afin d’être en phase avec les valeurs et l’image de celui-ci. Le volume sonore et l’équipement pour la diffusion doivent être confiés à des professionnels, et étudiés au cas par cas », analyse Lila Ouagued, responsable marketing point de vente chez Pharmactiv. Le travail réalisé par Pharmactiv a finalement révélé un certain nombre de freins à la diffusion de musique, tels que des frais de Sacem jugé trop élevés (voir encadré), un retour sur investissement trop flou et l’impression de perturber la relation avec le client, notamment s’il est âgé. La sonorisation a du mal à trouver sa place dans les officines. Peut-être parce que les pharmaciens ne se satisfont pas de l’unique argumentation marketing et souhaitent une solution plus globale, valorisant avant tout l’art pharmaceutique.
Près de 40 % du chiffre d’affaires
Médicaments chers : poids lourds de l’activité officinale
Les concentrations continuent
Hygie 31, Giropharm : grandes manœuvres au sein des groupements
Valorisation et transactions en 2023
La pharmacie, le commerce le plus dynamique de France
Gestion de l’officine
Télédéclarez votre chiffre d’affaires avant le 30 juin