OBSERVONS ensemble ce qui fait le succès des parfumeries dites « d’aujourd’hui », et faisons, une fois encore le parallèle avec le réseau des officines, afin d’étudier les facteurs de succès des unes, et de progrès des autres.
Les parfumeries aujourd’hui, c’est :
- Plus de 4 150 points de vente (1),
- Plus de 41 ans de croissance, puis une crise en 2008-2009, mais le secteur se redresse depuis 2010 (2).
- La 4e consommation mondiale : chaque jour, les Français achètent en moyenne 525 000 shampoings, 309 000 produits de soin spécifiques, 157 000 flacons de parfum (dont 45 000 pour les hommes) et 544 000 produits pour le bain et la douche (3).
C’était comment, les parfumeries, avant ?
Les parfumeries autrefois (voir encadré), c’était des devantures et vitrines au charme « à l’ancienne », des petites boutiques à l’entrée exiguë, aux vitrines peu exploitées.
Une offre peu valorisée : à l’intérieur des boutiques, le parfumeur gardait ses fragrances hors de portée des clients, derrière le comptoir. L’essai se faisait à travers lui, uniquement, sans possibilité de toucher les produits, ou de se laisser séduire par un flacon. Les prix restaient mystérieux jusqu’au moment de régler la note (souvent salée).
De petits commerces indépendants : le premier réseau (Sephora) date des années 1970, mais la plupart des autres réseaux ont été implantés dans les années quatre-vingt. Avant cela, les nombreuses parfumeries étaient l’apanage de parfumeurs indépendants. Qui dit indépendants, dit également autant de modèles de boutiques et de manières de vendre qu’il y avait de parfumeries.
Une concurrence grandissante : auparavant, seuls les parfumeurs vendaient du parfum… Aujourd’hui, les parfumeurs vendent du parfum, des soins, du maquillage, et tant d’autres choses. Mais c’est également ce que font les instituts de beauté, les parapharmacies, les grandes surfaces… et les pharmacies ! Et que dire du commerce en ligne, ou des ventes par correspondance (Agnès B et le Club des Créateurs de Beauté, par exemple).
Pour résumer, un produit de luxe réservé aux gens aisés, vendu comme un bijou, et qui résultait d’un achat obligatoirement prémédité sur le type de produit (l’impulsion intervenait également, mais sur le choix des senteurs). La cible en était assez restreinte : public féminin, plutôt 35 à 55 ans. Difficile d’imaginer de jeunes adultes ou des hommes acheter avec plaisir dans ces parfumeries d’antan. Mais avec de tels produits, pour lesquels la vente se base sur des notions subjectives (et l’on sait bien que les goûts et les couleurs, ça ne se discute pas), il fallait pouvoir donner l’opportunité aux clients de se diriger librement vers les produits qui leur font plaisir : développer l’achat plaisir, c’est le pari réussi des parfumeries d’aujourd’hui.
Aujourd’hui, les parfumeries, c’est devenu…
Des réseaux : structurés et organisés de manière à optimiser le maillage ainsi que les approvisionnements, les parfumeries sont désormais des chaînes de magasins. Outre les aspects logistiques, cela permet une continuité de la marque d’enseigne, et un ancrage profond de celle-ci dans l’esprit du consommateur. Ainsi, Marionnaud est devenu le premier réseau en nombre de points de vente, avec 567 magasins (4).
De la différenciation : les différentes chaînes de parfumerie ont joué des positionnements différents, afin de se démarquer les uns des autres. Sephora joue la carte de la séduction, Marionnaud plutôt le prix, Nocibé la para, Yves Rocher la nature. Ainsi chaque client s’identifie davantage à une marque, qui deviendra son magasin préféré. Pour pousser la différenciation, chaque enseigne développe également sa marque propre, ainsi que des accords d’exclusivité avec des marques étrangères, américaines, japonaises… Les marques d’enseigne tentent d’être à la pointe de l’innovation, et de le dire. Elles se battent également pour être les premières à surfer sur les dernières tendances : produits anti-âge, bio et naturel, homme et ethnique, c’est à qui valorisera le mieux son offre afin de répondre aux demandes les plus actuelles. Notons également l’élargissement considérable des cibles de clientèles : ces nouvelles parfumeries s’adressent à tous, hommes, femmes, jeunes, seniors…
Les concepts merchandising : Terminés les produits hors de portée. Sephora et consorts démocratisent l’achat du produit beauté par des espaces de vente aux surfaces parfois impressionnantes (le Sephora des Champs Élysées affiche 1 300 m²), l’accès direct aux produits, et la transformation d’un lieu de vente en un espace de visite et d’expérience sensorielle particulière. On ne vient plus chez Sephora uniquement pour acheter un produit, on entre parce que c’est beau et que ça donne envie. Couleurs, odeurs, testeurs, tous les sens ou presque sont mis à contribution pour provoquer l’achat plaisir.
Les boutiques sont segmentées en trois univers distincts : Parfums (le long des murs), maquillage (au milieu), soins (au fond du magasin en général). Chaque univers est ensuite segmenté selon les règles d’usage (homme/femme pour les parfums). Le choix est maximisé en fonction de l’espace disponible (par exemple, 365 couleurs de rouges à lèvres Sephora). L’espace de vente joue également la carte du conseil associé et de la complémentarité : soin complet pour le visage, avec lotion démaquillante, lotion tonique, crème de jour et crème de nuit se côtoient, pour un même type de peau, sur un même linéaire.
Accessoires, coffrets de maquillage s’étalent sur les têtes de gondole autour de l’univers maquillage.
Des services : Le service s’est très largement développé depuis une dizaine d’années, il va de pair avec la proximité voulue par les réseaux de parfumerie : bon nombre des parfumeries modernes font aussi institut de soin. Dans les espaces de vente même, on trouve aujourd’hui pléthore de « bars » : bar à sourcils, à lèvres, à sourire, à ongles, maquillage et/ou coiffure express (quotidien ou soirée), diagnostique sur mesure, conseils beauté, et bien sûr, les traditionnels vendeurs en tenue qui vous prodiguent tous les conseils adéquats.
Ajoutez à cela l’arsenal bien connu de ce type de commerce : vente en ligne, vidéos conseils, cartes de fidélité, événements VIP, etc…
Transformer l’intention d’achat en action.
Pour résumer, les petites boutiques intimistes des parfumeurs se sont transformées en espaces spacieux mais sobres, propices à la déambulation, renvoyant les codes du luxe. Elles sont devenues de véritables temples de la beauté, sous toutes ses formes.
Le plus important, dans ces magasins, sera de guider le client de manière efficace à travers les univers jusqu’à son achat, tout en lui suggérant des associations ou produits complémentaire sur son chemin.
Si le client cherche un produit qu’il connaît, l’objectif sera de lui faciliter sa recherche, et de le guider jusqu’à Son produit. Ensuite, charge à l’espace de vente et aux vendeurs, sur le chemin vers la caisse, de compléter son panier par des achats additionnels.
Si le client n’est pas déterminé sur le produit qu’il va acheter, il faut qu’il puisse se laisser tenter par des produits qui lui conviennent, cela nécessite de travailler le parcours client, les univers ainsi que la signalétique, afin, une fois encore, de le guider efficacement vers le produit qui va le faire craquer, quitte à tomber, au moment le plus opportun de son parcours, un conseiller qui lui donnera le « bon conseil » qui transformera l’intention d’achat en action. Et pour cela, on aura toujours besoin des équipes dans les commerces.
Développer l’expérience d’achat.
Dans l’officine également, nous conseillons fortement, à l’instar de ce qu’ont fait les parfumeries ces dernières années, de développer ce que l’on appelle l’expérience d’achat. Bien entendu, il faudra adapter ces méthodes au contexte et aux produits proposés par les pharmacies, mais les idées sont identiques : rendre l’achat agréable, efficace, et rapide.
En pharmacie, on constate que des efforts peuvent être entrepris sur plusieurs items :
- L’ambiance : elle doit être chaleureuse mais sécurisante, sans être froide ni trop médicale. Misez sur l’ambiance sensorielle : la vue (vision depuis l’extérieur d’un espace de vie derrière la vitrine, vue dégagée vers les comptoirs, couleurs chaleureuses et distinctes pour les différents univers balisage clair et compréhensible pour le client…), l’odorat (surtout pas d’odeurs médicales, mais plutôt des huiles essentielles, par exemple), l’ouïe (une officine trop bruyante n’est pas agréable, une atmosphère peu propice à la confidentialité), le toucher (matériaux agréables, comptoirs ergonomiques, testeurs, etc…)
- L’accompagnement du patient-client :
D’une part en tant que patient : le meilleur des conseils est celui qui répond à son besoin, c’est-à-dire soigner son affection par le produit le plus adapté (molécule la plus efficace, tenant compte de ses antécédents) ;
D’autre part en tant que client : accompagner le conseil « technique » d’un conseil dit « d’usage » (produit sans sucre, sans sel, pelliculé ou orodispersible, à effet plus rapide), qui sera un vrai « plus » pour l’officine.
- Le libre-service : les médicaments en libre accès sont une véritable opportunité pour l’officine, de développer son image de conseil auprès du client, à condition que les achats faits en libre accès soient bien accompagnés. Ce rayon permet en outre de rééquilibrer l’espace de vente (le CA généré par la médication officinale est équivalent au CA généré par les autres univers réunis). Il faut savoir que les clients apprécient de se servir eux-mêmes, cela leur permet d’être maîtres de leurs achats (contrairement au comptoir où on leur laisse peu le choix).
- La gestion des flux : toutes les pharmacies sont différentes, mais elles ont souvent quelques points communs tels des poteaux porteurs, ou des formes anguleuses assez peu propices à la déambulation du client. Aussi est-il primordial d’étudier l’agencement de l’espace de vente afin que le flux client (c’est-à-dire le chemin qu’empreintent la majorité des clients en venant au comptoir) permette à celui-ci d’explorer un maximum d’univers différents de l’officine. Pour cela, faire circuler en établissant un chemin grâce à des « obstacles » (gondoles, présentoirs, espaces d’attentes…) judicieusement placés. Plus le client passera de temps dans la surface de vente (hors temps dans la file d’attente, qui est un temps contraint auquel le client n’a aucun plaisir), plus le panier moyen s’en trouvera enrichi.
Les officines sont des points de « passage obligé » (contrairement aux parfumeries), grâce aux médicaments et à l’ordonnance, elles bénéficient donc d’un flux naturel important dont il faut profiter, afin que tous les produits que l’on pourrait acheter en parfumerie le soient plutôt en pharmacie.
1) INSEE/Esane 2010
3) Les Échos de la Franchise, juillet 2011
4) Marionnaud.fr
Près de 40 % du chiffre d’affaires
Médicaments chers : poids lourds de l’activité officinale
Les concentrations continuent
Hygie 31, Giropharm : grandes manœuvres au sein des groupements
Valorisation et transactions en 2023
La pharmacie, le commerce le plus dynamique de France
Gestion de l’officine
Télédéclarez votre chiffre d’affaires avant le 30 juin