« LES BUDGETS des pharmaciens consacrés à la rénovation de leurs officines ont baissé de 40 % en deux ans ». Ce constat chiffré de Jérôme Gaubert, directeur commercial France de Mobil M, reflète le sentiment de nombreux professionnels de l’agencement : les pharmaciens n’ont plus autant d’argent à investir dans la rénovation de leurs officines quand celle-ci s’impose. La baisse des marges que subissent les pharmaciens explique cette restriction des budgets, mais les difficultés économiques qu’elle illustre les incitent en même temps à revoir l’organisation de leurs officines pour que celles-ci soient plus efficaces commercialement. Si bien que le besoin de rénover est toujours là, plus que jamais, mais il s’exprime de manière différente. « Certains en ont assez d’être pris pour des vaches à lait et sont très attentifs au prix des prestations, d’autres, les jeunes titulaires qui reprennent des officines, veulent rénover mais avec des budgets très serrés puisqu’ils sont déjà endettés, et d’autres enfin, les grandes pharmacies qui veulent se démarquer de la concurrence, investissent beaucoup » estime Bruno Chevallier-Chantepie, fondateur et gérant de la société JBCC. Chacun y va de sa vision mais tous s’accordent sur un autre constat, au-delà de la restriction des budgets, « le besoin d’investir dans la mesure où cela va apporter un avantage commercial, qui s’illustrera par un élargissement de la clientèle ou une hausse du panier moyen » résume Georges Dupays, gérant de la société Créa Plus. La préoccupation merchandising prime désormais sur tout le reste. « Avant, ce qui faisait vendre, c’était le mobilier, aujourd’hui, c’est l’organisation de l’officine et de ses linéaires » ajoute Bruno Chevallier-Chantepie. « Il y a 10 ans, on n’attachait pas la même importance à l’espace client » confirme Jérôme Gaubert.
Étude préalable nécessaire.
Cela nécessite d’avoir une idée claire de ce que veut le pharmacien, et de ce point de vue, les agenceurs rencontrent des situations fort différentes. Il y a ceux qui « ont une idée assez vague de ce qu’ils veulent et demandent notamment des conseils sur la faisabilité technique de leurs projets et sur les nombreuses formalités administratives à respecter » souligne Georges Dupays. D’autres sont au contraire plus précis dans leurs demandes, mais dans tous les cas, il est nécessaire de réaliser une étude ou un audit, estiment les agenceurs. « Il faut voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans la gestion des flux de l’officine » évoque Tony Bidaux, gérant de la société Inpharma.
« Trop de pharmacies ne se posent pas la question du déplacement des clients à l’intérieur de leur officine » déplore Jérôme Gaubert pour qui il faut mener un véritable travail afin « d’identifier ce qui traduit le mieux leur positionnement stratégique, et avoir en quelque sorte l’ADN du futur projet ». Ces études ou audits semblent presque systématiques tant il est nécessaire d’identifier les points forts de la pharmacie ou tout au moins d’estimer la façon de les mettre en valeur. « Une grande pharmacie qui dispose d’une large gamme de produits va chercher à valoriser au maximum son espace commercial tandis qu’une autre de taille plus moyenne va se concentrer sur des espaces à forte valeur ajoutée » explique Bernard Galy, gérant associé de la société C.A.R. Dans la majeure partie des cas, l’étude préalable n’est pas facturée au pharmacien. « La notion ambiguë de devis gratuit en France entraîne un débat puisque de fait, ce ne sont pas des devis que nous réalisons mais de véritables études coûteuses » estime Georges Dupays. Mais les pharmaciens auraient du mal à accepter de payer ces études et les agenceurs continuent de les réaliser gratuitement.
Intégrer les évolutions du métier.
Les rénovations entreprises par les agenceurs depuis deux ans intègrent de plus en plus les évolutions importantes qui concernent le métier de pharmacien, à commencer par le libre-accès. S’il était encore peu présent dans les officines, il y a deux ans, l’OTC est désormais incontournable dans les demandes actuelles de rénovation. Mieux, les espaces conseils, que la loi HPST préconise, commencent à faire leur apparition dans les projets de rénovation des pharmaciens. Cela renforce la nécessité d’aménager l’espace le plus intelligemment possible, quitte à gagner sur le back-office, une tendance qui se fait de plus en plus forte. D’abord parce que longtemps les pharmaciens se sont octroyé des back-offices importants et confortables, « et cela au détriment de l’espace clients » observe David Brunet, titulaire de la pharmacie Royale à Versailles (voir encadré). Et ensuite parce que « l’installation de plus en plus courante des automates libère de la place et permet de mieux aménager le back-office au profit de l’espace commercial » explique Bruno Chevallier-Chantepie.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la rénovation est une mission plus complexe qu’une création ou un transfert d’officine car dans ces deux derniers cas, titulaires et agenceurs ont toute liberté d’aménager en fonction des contraintes du lieu, et uniquement de celles-ci. La rénovation doit tenir compte de l’existant, ce qui déjà au plan matériel n’est pas toujours facile à vivre pour les officines concernées qui continuent de travailler la plupart du temps pendant la durée des travaux. Cela demande de l’intelligence, surtout pour les petites officines. Et aujourd’hui plus que jamais, les agenceurs sont appelés à faire preuve d’imagination pour des réalisations ambitieuses à moindre coût quelle que soit la taille du projet – qu’il s’agisse d’un simple relooking ou d’une rénovation complète entraînant des travaux de structure. Et c’est possible. Beaucoup jouent sur le mobilier, un des très gros postes du budget d’une rénovation, en travaillant avec des matériaux plus simples, mais tout aussi efficaces, comme le métal. Les idées ne manquent apparemment pas. « On peut très bien laisser les plafonds nus avec une dalle brute en béton et l’habiller avec un éclairage adéquat, on peut laisser les murs en béton lasuré plutôt que de prévoir un doublage avec peinture, on peut également travailler sur les frais fixes avec des éclairages et une climatisation adéquate » estime Bernard Galy. En somme, il est tout à fait possible de rénover efficacement son officine à moindre frais. Mais attention toutefois à ne pas tomber dans un projet minimaliste, « c’est de l’argent jeté par la fenêtre » avertit Georges Dupays.
Au-delà des effets de mode.
L’autre grand poste budgétaire, les travaux de structure quand il y en a, sont plus difficilement compressibles. Ils représentent facilement la moitié des investissements et intègrent des problématiques incontournables que sont la sécurité, l’accessibilité et d’autres impératifs réglementaires que les officines doivent respecter. Un dernier poste est également à surveiller au plan budgétaire, celui de l’éclairage et de l’électricité d’une manière générale. L’éclairage donne un ton, une lumière à un espace et à ce titre, doit être soigné. La technologie des diodes (ou leds) apporte des nuances subtiles au bénéfice des officines, et permet des économies d’énergie, mais elle est plus chère à l’achat que les anciens éclairages, même si ses prix ont tendance à diminuer. Autres travaux susceptibles d’être coûteux et contraignants, ceux concernant les sols, qu’on laisse souvent en l’état sauf s’ils sont dégradés.
Au-delà des contraintes budgétaires et des nécessités commerciales, les pharmaciens peuvent parfois céder à certains effets de mode ayant cours dans le monde commerçant. Même s’il reste tenu à valoriser ses produits comme étant liés à la santé et à ce titre doit garder une certaine élégance, il est parfois attiré par ce qui se fait ailleurs, dans des mondes connexes comme celui de l’optique. Les agenceurs répondent avec leur expérience et leur personnalité à ce type de demande. Certains reconnaissent des effets de mode, un air du temps en quelque sorte comme par exemple l’usage de plus en plus fréquent de couleur, à laquelle les pharmaciens ont longtemps été réticents. Mais attention à l’excès inverse et à ne pas étouffer l’officine par des couleurs trop vives. « Il faut parfois calmer l’ardeur des titulaires, et dans ces cas-là, il est préférable d’utiliser des couleurs claires, avec des images aux couleurs vives qu’il sera facile de changer quand le titulaire le souhaitera » préconise ainsi Bruno Chevallier-Chantepie.
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