Manque de temps, travail, handicap, maladie, grand âge, famille monoparentale, distance… Se déplacer en pharmacie pour récupérer ses médicaments n'est pas toujours simple. C'est pourquoi la dispensation à domicile a été rendue possible via le Code de la santé publique et « conformément à l'arrêté relatif aux bonnes pratiques de dispensation des médicaments à l'officine », précise l'Ordre des pharmaciens sur une page dédiée. Bien sûr, tout le monde n'est pas habilité à les réaliser. Sont autorisés les pharmaciens titulaires et adjoints, les remplaçants titulaires, les étudiants en pharmacie inscrits au minimum en troisième année d'études dans une unité de formation et de recherche de sciences pharmaceutiques, les préparateurs… Bref, pour résumer, les professionnels de la santé rattachés à l'univers de la pharmacie.
Des livraisons assurées par des livreurs mandatés
Bien qu'autorisée, cette dispensation à domicile se heurte à une réalité de terrain, celle d'un métier sous pression. Le titulaire et ses équipes manquent de temps et de bras, d'autant plus que le contexte offre de plus en plus de nouvelles missions aux professionnels. À défaut de pouvoir réaliser la dispensation dans de bonnes conditions, il reste la livraison à domicile, autorisée elle aussi par le Code de la santé publique. À condition que la demande émane du patient dans la pharmacie de son choix et que la livraison s’effectue dans les règles de l'art. Une activité réglementée qui n'effraie pas, loin de là, les entreprises. Nombreuses sont celles qui ont développé des plateformes et des applications mobiles proposant des services de livraison de médicaments à domicile. Citons : Mes médicaments chez moi (La Poste), Pharmao, Livmed's, MyMediks, et bien d'autres.
Comment ça marche ? Un pharmacien peut déclencher une livraison à domicile depuis le comptoir, la plupart du temps auprès de sa patientèle habituée. La livraison à domicile reste le plus souvent à l'initiative du patient. Ce dernier se connecte généralement à un service en ligne depuis un appareil et commande ses médicaments auprès de la pharmacie de son choix, en fonction de plusieurs formules. « La livraison doit être assurée par une personne mandatée par le patient, que ce soit un professionnel de santé ou un prestataire spécialisé comme nous », décrit Talel Hakimi, président de la start-up niçoise Livmed's. Ces services, bien que dématérialisés, doivent être réalisés au travers d'actes physiques très concrets. C'est-à-dire : « Les médicaments doivent être remis au patient sous pli scellé, dans un paquet opaque qui indique son nom et son adresse », explique Talel Hakimi. Exception qui confirme la règle : certaines classes de médicaments, comme les stupéfiants, ne peuvent pas être livrées à domicile.
Des données de santé obligatoirement sécurisées
C'est au pharmacien de veiller à ce que les conditions de transport du médicament soient bien respectées. Il devra également transmettre des recommandations aux patients, afin de bien suivre leur traitement. D'ailleurs, les plateformes proposent généralement une messagerie sécurisée qui permet de contacter le pharmacien en cas de question.
Logiquement, les données de santé qui transitent par l'intermédiaire de ces services sont cryptées et obligatoirement stockées sur un hébergement agréé données de santé (HDS). Elles ne doivent pas transiter par les adresses e-mails des pharmaciens, par exemple, car elles ne sont pas suffisamment sécurisées. Un argument de sécurité que les différentes plateformes n'hésitent pas à mettre en avant. Elles mettent donc à la disposition des pharmaciens un « Extranet maison » et des applications sécurisées pour les patients, où toutes les données de santé ne transitent que par des serveurs sécurisés. Dans ce contexte, seule la pharmacie est autorisée à avoir accès aux données de santé. Les livreurs mandatés, eux, ne peuvent consulter que les données de livraison.
Avec ou sans ordonnance
Entre médicaments sans ordonnance et médicaments prescrits par un médecin, la méthode n'est évidemment pas la même. Dans le deuxième cas, le patient devra, au choix, scanner son ordonnance au pharmacien, l'envoyer directement si elle est numérisée, ou la transmettre à un coursier, en même temps que la carte Vitale et la carte de mutuelle si celles-ci ne sont pas déjà enregistrées à l'officine. La généralisation des ordonnances numériques devrait, à terme, faciliter le processus, puisque les patients pourront alors envoyer leur ordonnance à la pharmacie de leur choix, via la messagerie sécurisée de Mon espace santé (MES). À condition, bien sûr, que le patient ait activé son compte MES et que le pharmacien soit équipé d'une boîte aux lettres MSSanté organisationnelle, référencée dans l'annuaire santé géré par l'Agence du numérique en santé (ANS).
Dans la pratique, « un coursier mandaté va passer chez le patient récupérer l'ordonnance, la carte Vitale et la carte de mutuelle, pour ensuite se rendre en pharmacie déposer les documents. Le paquet est ensuite préparé et il faut généralement compter 48 heures pour que le patient reçoive sa commande livrée par un coursier », détaille Anouchka Broche, responsable communication chez MeSoigner, qui propose le service Mes Médicaments Chez Moi.
Un maillage du territoire encore incomplet
Quarante-huit heures, c'est long. Pas de panique, pour promouvoir leurs services, les plateformes proposent également des livraisons express en une heure pour Ramsay Services, partenaires de l'opérateur du service de livraison de médicaments Pharmao, ou encore MeSoigner. Ce service de livraison, lui, est déployé dans la région de Bordeaux et transite par exemple par l'intermédiaire de coursiers de la plateforme de livraison de marchandises à la demande Stuart. Anouchka Broche reconnaît toutefois que cette offre démarre lentement et ne couvre pour ainsi dire qu'une zone géographique relativement limitée.
Présent dans quelque 200 villes en France, Livmed's assure un service 24/24 en 30 minutes et donc un service d'urgence de nuit pour des livraisons par l'intermédiaire des pharmacies de garde. Talel Hakimi reconnaît toutefois que « ce service 24/24 n'est pas disponible dans toutes les villes couvertes par notre service. Il est également plus difficile de travailler en zone rurale, car nous n'avons pas toujours des livreurs disponibles sur de longues distances ».
Le président de Livmed’s soutient toutefois que la dispensation est, paradoxalement, plus simple en zone rurale. « La tension est moins forte qu'en ville et il y a une véritable organisation de la pharmacie vis-à-vis de ses patients (pour assurer la dispensation de médicaments, NDLR), qui va par exemple effectuer des tournées en fin de journée, auprès de patients dans l'incapacité de se déplacer. » Dans ces zones, Livmed's rémunère le pharmacien pour faire la dispensation à domicile.
Bien que ces zones ne soient a priori pas prioritaires pour des questions d’attractivité, elles constituent sans doute l'un des prochains grands chantiers pour ces plateformes françaises de livraison de médicaments : mailler l'ensemble du territoire, petites villes et zones rurales comprises, au risque qu'elles leur échappent un jour au profit de la concurrence étrangère…
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