Faut-il affiner la gestion de l’accueil ? Aller au-delà de la seule mise en ordre des files d’attente ? Cette question, certains pharmaciens se la posent, d’abord parce que, peut-être, les systèmes de distribution de tickets désormais courants ne suffisent plus. Ils ont eu, et ont toujours l’intérêt de discipliner l’attente, d’éviter des désordres, voire des disputes, mais aujourd’hui, tout le monde va plus vite, tout le monde est pressé, les tickets d’attente doivent faire mieux. « Des expériences ont été menées dans des pharmacies où grâce à des caméras, il a été possible d’observer le comportement des patients et des clients, qui dès lors qu’ils voient une file d’attente trop longue, s’en vont, en dépit d’un système de distribution de tickets », révèle Thierry Niewiadomski, directeur général d’Axe E-Santé. Ça a été un choc pour les pharmaciens de découvrir ce manque à gagner, ajoute-t-il. Face à ces évolutions de comportements, il faut sans doute aller plus loin. Un sujet du reste dans le prolongement de la réflexion de certains pharmaciens pour qui la gestion de l’accueil permet certes d’éviter les conflits aux comptoirs sur l’ordre de passage des patients, mais peut aussi inviter lesdits patients, qui sont aussi des clients, à circuler dans l’officine. Une gestion de l’accueil plus intelligente. Et c’est ce vers quoi tendent les prestataires.
Dire au patient combien de temps il doit attendre
Lesquels prestataires se pressent nombreux aux portes de ce marché. Il y avait trois spécialistes de la gestion de l’accueil, tous secteurs confondus, Esii, MP Logic et QMatic, tous les trois ont des offres dédiées aussi au monde officinal. Mais depuis quelque temps, on voit d’autres acteurs arriver. Asca, le spécialiste des étiquettes électroniques, y est depuis deux ans. Axe E-Santé, un spécialiste de la gestion de l’accueil en milieu hospitalier y vient aussi. De même que l’éditeur Pharmaland. Signe d’une forte demande ? En tout cas, les pharmacies dont les seuils de fréquentation nécessitent une véritable gestion de l’accueil, c’est-à-dire, au moins 300, voire 500 clients par jour, cela dépend des estimations des prestataires. Et celles aussi qui ont une configuration de leur espace de vente un peu complexe rendant difficile la formation naturelle de files d’attente. Une gestion plus intelligente, c’est d’abord être capable de dire au patient combien de temps il doit attendre.
Ce qui suppose derrière le système peut-être pas une intelligence artificielle, mais au moins un algorithme capable d’intégrer les nombreux paramètres qui conditionnent le temps d’attente : la configuration de l’officine, le nombre des comptoirs, le nombre de patients présents, le temps de traitement qui varie bien sûr à la fois selon les membres de l’équipe officinale et selon les patients… C’est ce que proposent deux prestataires, Asca et Axe E-Santé. Le premier a créé un système pour définir dans un premier temps le nombre de personnes devant le numéro de ticket pris par un patient : « il faut six mois de statistiques afin de pouvoir donner un temps d’attente précis », explique Yoan Mencarelli, ingénieur commercial pour Asca. Le second propose un délai plus court, c’est au bout de deux semaines que le logiciel peut calculer le temps d’attente selon les différents critères intégrés : « cela permet d’avoir une exactitude à une minute près », précise Thierry Niewiadomski. Le temps, quand il est mesuré, précis, est beaucoup mieux accepté que lorsqu’il est incertain, affirme-t-il en substance. Parmi les évolutions possibles de ces tickets dotés d’indications relatives au temps d’attente, l’intégration future des cartes Vitales dématérialisées. « Cela va se faire à l’horizon d’un à deux ans, rappelle Thierry Niewiadomski. Nos bornes peuvent les lire, nous saurons alors l’âge des patients en attente, cela permettra d’affiner encore les données pour indiquer combien de temps il faudra attendre. »
File d’attente virtuelle
Le ticket d’attente est un support bien pratique pour d’autres formes de messages et de communication. « Le pharmacien peut y faire figurer par exemple la mention " préparez votre carte mutuelle " en début d’année, évoque Yoan Mencarelli. Il peut aussi remettre le ticket dans le sac contenant les produits du patient avec un message promotionnel. » Les prestataires améliorent aussi l’affichage sur les bornes en laissant de l’espace pour la communication spécifique des pharmaciens, s’ils le souhaitent. Ils profitent pour certains d’entre eux de l’amélioration des technologies pour créer des supports plus conviviaux, ainsi la société Esii a-t-elle lancé un concept de gestion de file d’attente basé sur un petit boîtier que le patient prend à l’entrée de l’officine. Sur ce petit boîtier figurent les informations essentielles, combien de personnes sont devant, le temps d’attente, l’affichage du numéro de comptoir où aller, mieux, il vibre, il « buzze » quand le patient qui l’a dans les mains est appelé. Une façon de le débarrasser du souci de surveiller les écrans pendant qu’il circule dans les allées de l’officine. « Une file d’attente virtuelle, résume Sandrine Benhassan, directrice marketing adjointe, basée sur une technologie radiofréquence pour éviter les interférences Wifi et disposer d’une portée suffisante. » Le client rend ensuite le boîtier au comptoir, le préparateur ou conseiller le remet après sur le socle à l’entrée de la pharmacie pour le recharger. Pour Sandrine Benhassan, outre le confort apporté aux clients et aux patients, cette solution a l’avantage de mieux répartir les flux puisqu’il n’y a plus de ligne physique, tout se fait naturellement et décharge ainsi les équipes officinales de la gestion de ces flux.
Limiter la segmentation
Ces différents systèmes, qu’ils soient classiques en délivrant des tickets ou plus sophistiqués avec ces boîtiers, permettent aux pharmaciens de définir une segmentation de ce que le client attend, avec ou sans ordonnance, ou d’autres sujets comme la récupération de commandes, pour les diriger ensuite vers les comptoirs idoines. Les prestataires proposent un paramétrage de segmentation parfois illimité, comme QMatic, ou limité à huit par exemple, à l’instar de MP Logic. Mais attention à l’usage de ces segmentations, Philippe Gesse, gérant de QMatic préconise de ne pas dépasser 5, au-delà, les patients sont déroutés. Éric Myon, titulaire de la pharmacie Europe à Paris (voir encadré ci-contre) estime même qu’au-delà de trois, c’est difficile. À côté de ces innovations, signalons aussi la technique plus simple et rudimentaire de la file d’attente avec un ticket dont le numéro apparaît sur un écran pour indiquer le numéro du comptoir où aller. Une technique courante dans les grandes enseignes, de bricolage par exemple, mais qui ne convient qu’à des cas particuliers en pharmacie. « C’est une solution light, là où il y a beaucoup de fréquentation, et c’est efficace, ça fluidifie, mais il faut au moins une dizaine de comptoirs, et en les mettant les uns à côté des autres sous forme de barre, cela ne marche pas dès lors que les comptoirs sont éclatés », explique Yoan Mencarelli.
Décloisonner la gestion de l’accueil
On peut aller encore plus loin, les technologies le permettent, et sont parfois utilisées dans d’autres secteurs pour des services plus aboutis. Elles pourraient ainsi décloisonner la gestion de l’accueil pour la relier à d’autres pans de l’activité digitale de la pharmacie, elles peuvent par exemple laisser les clients circuler dans la pharmacie, en centre commercial ou ailleurs, et l’avertir par SMS que sa commande est prête, elles peuvent aussi utiliser le smartphone comme lecteur de QR Code et permettre d’accéder ainsi à divers services, reliés au site Web de la pharmacie par exemple… Mais la demande n’est pas encore là.
Pour Philippe Gesse, qui constate le développement de ces services liés à la mobilité des clients dans des enseignes telles que Ikea, « les pharmaciens ne voient pas l’intérêt de solutions plus évoluées et restent sur des solutions simples ». « Utiliser le smartphone pour lire un QR code qui servirait de ticket, c’est certes amusant, mais en réalité inexploitable en pharmacie » abonde Philippe Montel, gérant de la société MP Logic. Manque de maturité, note-t-il. « Cela pourrait arriver dans quelques années. » Un constat à nuancer, estime pour sa part Thierry Niewiadomski, « Il ne faut pas s’attarder au taux d’appétence pour ces technologies des personnes âgées », principal argument pour justifier la relative lenteur avec laquelle les patients s’emparent du digital en officine. « De grands sites comme Amazon ont identifié que la majorité de leurs consommateurs ont plus de soixante ans, le problème n’est donc pas le digital en soi, mais le digital dans la santé, je pense qu’on est tout prêt d’une digitalisation globale de la santé. Nous le constatons déjà dans certains établissements hospitaliers et certaines maternités. » Il faudra donc être attentif à l’évolution des comportements, et dans tous les cas, analyser le besoin de façon précise, recommande Philippe Montel, avant de se lancer dans un équipement.
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