DEVANT l’offre désormais pléthorique des équipements destinés à favoriser une meilleure observance des traitements, les pharmaciens ont de quoi être perplexes. Car à la question de savoir quelle application est la mieux adaptée à la problématique de l’observance, les réponses sont multiples et pas forcément évidentes à apporter. Ces équipements sont plus que variés : les déjà nombreuses applications mobiles, dédiées ou non, à telle ou telle pathologie, qui rappellent le moment où il faut prendre un médicament, SMS, signal d’alerte, des piluliers qui se font de plus en plus intelligents - les plus sophistiqués sont reliés à des plates formes médicales, des médecins ou des proches - ou encore les objets connectés, qui en apportant une information physiologique pertinente, permettent d’affiner encore l’observance. Pour Geoffroy Vergez, directeur général d’Observia, éditeur spécialisé surtout dans l’observance des traitements, il est indispensable de penser usage et non technologie. « Souvent, on est attiré par la technologie en elle-même, elle n’est pourtant qu’un moyen qui doit être en adéquation avec l’usage qu’on en fait », affirme-t-il. C’est ainsi par exemple que la plupart des applications mobiles, selon lui, ratent l’objectif de l’observance, puisque les patients qui les utilisent pour l’essentiel d’entre eux sont des personnes qui, justement, ont déjà un comportement adéquat vis-à-vis de leur traitement. Or, les applications et produits destinés à l’observance sont, a priori, censés l’améliorer pour les patients qui ne la respectent pas. Et ils sont nombreux, environ une bonne moitié de la population totale des patients, selon Geoffroy Vergez.
Dans ce contexte, la première réflexion à avoir n’est pas d’évaluer la pertinence de tel ou tel dispositif, son ergonomie, sa capacité à échanger et communiquer des données, voire son design, mais de se demander pour quel type de non observant le dispositif en question est le plus adapté. Ce qui implique de savoir d’où vient la non-observance de ses patients. Il existe des outils pour évaluer le degré d’observance, et notamment des questionnaires développés par des équipes scientifiques, Morisky et Girerd (ce dernier étant plus dédié à l’hypertension artérielle selon Geoffroy Vergez) qui par le biais de cinq ou six questions posées au patient, permettent au pharmacien de voir s’il y a ou observance ou non du traitement.
Un dispositif comme Do Pill, proposé par Pharmagest, intègre le questionnaire de Girerd. Mais connaître les raisons pour lesquelles il n’y a pas observance s’avère plus difficile. Il existe certes des études qui permettent de les identifier, mais pas tant que ça, selon Jean-Christophe Lauzeral, directeur général opérationnel de Giropharm, pour qui il manque encore de véritables expériences menées hors milieux cliniques, « dans la vraie vie ». « Certaines expériences de comptage des boîtes peuvent permettre de mieux comprendre les raisons pour lesquelles il n’y a pas observance », explique-t-il, « quand le pharmacien demande au patient de ramener ses boîtes, si celles-ci sont encore partiellement remplies, il essaie alors de comprendre pourquoi, rébellion, lassitude ?.. »
Le choix de la simplicité.
Devant cette complexité, il n’est pas étonnant que les pharmaciens recherchent d’abord une forme de simplicité. Pour Yves Guillermo, directeur commercial de Serpo éditeur du logiciel Posonet, « l’observance est une fusée à plusieurs étages » : lui a décidé de s’occuper du premier, celui qui concerne tout le monde, sans critère de distinction, observant ou non. Son logiciel permet au pharmacien d’éditer en quelques clics une étiquette avec le nom du patient, le nombre de prises, les précautions d’usage éventuelles qu’il apposera sur la boîte de médicament (ou n’importe quel autre contenant, comme des tubes d’homéopathie). Une façon simple mais efficace de remplacer avantageusement l’écriture manuscrite. Ce logiciel n’est pas nouveau, mais selon Yves Guillermo, il connaît un fort regain d’intérêt depuis la conclusion d’un partenariat avec Pharmagest, et il s’est enrichi de nouvelles fonctionnalités au fil du temps. « Les groupements le préconisent volontiers », affirme-t-il. Les groupements qui en effet utilisent leur pouvoir de prescription afin de faciliter les choix à effectuer s’emparent du sujet de l’observance. Et c’est encore la simplicité qui a primé dans la préconisation effectuée par le groupement Pharm-Upp, implanté dans le Grand Est, qui s’est tourné vers le pilulier Medidose, distribué notamment par l’enseigne Magnien. « C’est un pilulier à l’ouverture très facile, par un système de glissière, que nous estimons plus pratique notamment pour les personnes âgées, et plus solide que les systèmes classiques à languettes », explique Romain Rey, responsable administratif et financier du groupement.
Mais peut-être les piluliers sont-ils déjà has been. En tout cas sous la forme classique qu’on leur connaît. Car une nouvelle génération de produits arrive qu’on adapte directement sur les médicaments et dispensent de savoir comment utiliser un pilulier. Des produits intelligents dotés de capteurs qui signalent le moment de la prise. Tel est le projet de la société Pill-Up, fondée par un docteur en pharmacie et toxicologie et par un électronicien dont le produit va sortir en juin prochain. Il s’agit d’un bouton intelligent accroché au médicament, de forme sèche ou pas et quelque soit le contenant, qui, relié à un programme, signale le moment de la prise et au cas où elle n’aurait pas été faite, alerte encore deux fois avant d’envoyer un message par SMS à un proche ou un professionnel de santé. « Ce système a un côté ludique qui n’effraie pas au contraire des piluliers, plus « stigmatisants », surtout quand les patients en sont au début de leur pathologie chronique », estime Marine Bibollet, chef produits de Pill-Up. Le système envoie régulièrement un bilan de l’observance par mail au pharmacien qui le cas échéant peut ajuster, conseiller…
Intégrer le rôle du pharmacien.
Quel que soit l’aspect ludique ou ergonomique du dispositif, il est un moment où il faut en effet intégrer le rôle du pharmacien, qui, il faut le souligner, n’est pas seul sur les rangs dans la préconisation et le suivi de l’observance par le biais de ces différents outils. Il est d’ailleurs symptomatique que Pill-Up, qui entend bien utiliser le réseau officinal pour diffuser son futur produit, n’en néglige pas moins d’autres voies commerciales, la vente directe sur Internet ou à travers d’autres réseaux, comme les plates formes qui se lancent pour assurer la coordination des soins. Pour Jean-Christophe Lauzeral, l’enjeu de l’observance est crucial pour les pharmaciens, et s’ils ne s’en emparent pas, d’autres le feront. « Le véritable enjeu est de pouvoir gérer les pathologies chroniques, et pour cela, il est nécessaire de savoir lire les données biométriques du patient », affirme-t-il.
D’une certaine manière, le dirigeant de Giropharm ne s’embarrasse pas de la question de la simplicité ou la complexité des outils à utiliser, il faut les utiliser, pourvu qu’ils remplissent leur fonction. Il songe d’ailleurs plus aux objets connectés qu’aux dispositifs classiques de piluliers. « Le laboratoire Abbott a par exemple lancé un système de patchs connectés, actuellement en cours d’agrément en France », explique-t-il. « Ces patchs sont munis de petits picots qui font des microlésions sur l’épiderme, et cherchent le sang dans les tissus périphériques du patient. » Un système indolore et pratique qui renseigne les données physiologiques du patient. « Il faut un lieu pour apporter une sorte d’explication de texte aux patients vis-à-vis de ces données, et ce lieu doit être l’officine, si celle-ci ne s’impose pas, assurances et laboratoires feront cette explication de texte à leur place », ajoute Jean-Christophe Lauzeral.
Cette position rejoint celle de Geoffroy Vergez pour qui le plus important est de faire en sorte que les pharmaciens puissent comprendre la non-observance des patients, et cela par les différents moyens existants à leur disposition dépassant largement le cadre des outils liés à l’observance : les entretiens pharmaceutiques conventionnels et toutes les applications logicielles qui permettent de les gérer (Observia en propose une sur tablette), le DP etc… La pratique, la « vérité des usages », fera ensuite le tri parmi les nombreux outils disponibles aujourd’hui. Faut-il encore résoudre quelques questions économiques : la gestion de l’observance prend du temps, ne serait-ce que de devoir par exemple remplir les piluliers tous les mois, et de s’imposer des bonnes pratiques, comme le souligne Romain Rey. Or, malgré les avancées sur la tarification des services en officine, ce sujet n’a toujours pas trouvé de réponse vraiment satisfaisante. Il faut souligner néanmoins que le jeu en vaut la chandelle. Romain Rey évoque ainsi cette expérience menée à Brest sur des patients volontaires dont on a suivi et aidé l’observance pendant plusieurs mois d’affilée, ce qui a eu pour effet d’augmenter celle-ci de 60 à 95 %. « Or, quand l’expérience s’est arrêtée avec la suppression de la subvention publique, plus de 80 % des patients concernés ont souhaité reconduire ce système de suivi d’observance… » Expérience confirmée par ce qui se fait à l’étranger, comme par exemple le suivi de l’observance du diabète par le biais des entretiens pharmaceutiques, ainsi que le souligne Jean-Christophe Lauzeral.
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