AUTORISÉE depuis début 2013, la vente de médicament sur Internet par les pharmacies d’officine se développe petit à petit. À l’heure actuelle, plus de cent sites sont agréés pour la vente en ligne de médicaments et répertoriés sur le site de l’Ordre des pharmaciens. Cette mission offre aux adjoints de nouvelles opportunités, tant au niveau du conseil que de la gestion des stocks.
Sandrine Foroni, adjointe à la pharmacie Vial à Bernin (Isère), a par exemple ajouté une activité numérique à ses tâches habituelles. « Nous avons un Webmaster qui s’occupe de la technique sur le site Internet de la pharmacie, mais nous nous occupons du côté pharmaceutique », explique-t-elle. Les clients qui finalisent leur commande peuvent ainsi téléphoner à l’officine s’ils ont besoin d’un renseignement, ou cocher une case pour demander à ce que la pharmacie les appelle. « Ils peuvent aussi poser des questions dans des petits encarts dédiés, ou par mail. Mais souvent, le plus simple pour nous est de les rappeler pour discuter avec eux. » Il arrive également que les pharmaciens téléphonent de leur propre chef aux patients lorsque la commande leur paraît incohérente ou dangereuse. « Quand ils achètent un médicament en trop grande quantité, par exemple, on les appelle pour leur expliquer les risques. Nous ne sommes pas là pour faire de la vente à tout prix. Nous avons les mêmes responsabilités que pour la délivrance au comptoir », estime Sandrine Foroni. La pharmacie enregistre environ 80 commandes par jour et appelle 5 ou 6 personnes quotidiennement pour vérifier certains détails avec eux. « Nous n’avons cependant pas souvent de refus de commande. Les gens sont généralement assez raisonnables. Ils commandent principalement pour leur pharmacie familiale. »
Depuis l’ouverture de son site Internet, la pharmacie reçoit davantage d’appels. « Certains patients nous demandent des renseignements simplement parce que nous avons un site Internet, mais sans commander chez nous. Et d’autres nous demandent si nous sommes bien un site français. En général, les internautes sont plutôt sensibilisés aux risques d’achat de médicaments sur les sites étrangers. Le fait d’être en communication avec la pharmacie directement quand ils nous appellent les rassure beaucoup. »
Le site offre aussi aux clients la possibilité d’effectuer leurs achats en ligne et de retirer leur commande sur place. Parmi les produits les plus régulièrement vendus via le site, Sandrine Foroni mentionne la contention, mais aussi les produits courants de médication familiale. « Les commandes sont plutôt saisonnières. En hiver on vend beaucoup de traitements contre le rhume et avec l’arrivée du printemps on retrouve des commandes de produits contre les piqûres de moustique, les bleus, les chutes et le solaire. » Pour elle, la vente en ligne a ses avantages et ses inconvénients. « C’est comme au comptoir, c’est à nous de poser les bonnes questions, de rester vigilants et de rappeler aux patients que ce sont des médicaments. Ce n’est pas parce qu’ils sont vendus en ligne qu’ils sont anodins. » Pour elle, la relation avec les patients n’est pas forcément plus difficile, même s’ils ne sont pas en face d’elle au comptoir. « Le contact se fait très facilement, même par téléphone. Et les patients osent parfois aborder des questions plus intimes, qu’ils n’oseraient pas forcément nous poser en face. »
Garder un contact humain.
Albert Kauffmann, adjoint à la pharmacie Buchinger à Colmar (Haut-Rhin), rejoint son avis sur l’importance du contact. « Il faut qu’on reste accessible pour les clients. On doit garder un contact humain, même si c’est par mail ou par téléphone. J’indique toujours mon nom et mon prénom, je ne réponds jamais de façon anonyme », souligne-t-il. Le site de la pharmacie Buchinger est ouvert depuis le mois de septembre 2013 et enregistre une vingtaine de commandes par jour pour l’instant. « Je jette un coup d’œil à toutes les commandes, que ce soit des médicaments ou non. Nous vendons notamment beaucoup d’antidouleurs en ligne et je dois intervenir au moins une ou deux fois par semaine sur une commande qui n’est pas raisonnable. » Adepte des SMS, Albert Kauffmann utilise beaucoup ce moyen de communication avec les patients. « C’est un outil moderne qui permet de discuter facilement, ou de leur demander de rappeler. Les gens ont toujours leur portable sur eux et peuvent consulter tout de suite leurs messages, c’est très pratique. » Matin et soir, il vérifie les commandes et n’y passe pour le moment « que 30 minutes à une heure par jour. Actuellement, je suis seul à vérifier les commandes, mais si le site monte en puissance, il faudra peut-être du renfort. Nous avons déjà une personne à temps plein qui s’occupe notamment de l’envoi des colis ». Albert Kauffmann affirme qu’il « ne distingue pas le travail au comptoir de celui sur le site. Pour moi, le pharmacien doit faire le même type de travail dans les deux cas, c’est primordial ».
Conseil manuscrit.
De son côté, Aurélien Tesson, adjoint à la pharmacie Lair, à Vire (Calvados), a « la double casquette » pharmacie et informatique. « Je gère les fiches produits sur le site, je vérifie l’exactitude de ce qui est écrit, les conseils, etc. Et quand on reçoit une nouvelle commande, je vérifie que tout est correct », détaille-t-il. Le site de sa pharmacie, qui existe depuis presque un an, est en cours de transformation. « Nous avions un site plutôt basique, qui n’offrait pas la possibilité d’éviter automatiquement les commandes farfelues. Nous sommes en train de mettre en place un module Vidal, qui permettra de filtrer une première fois les commandes, en les bloquant automatiquement en cas d’interactions ou de surdosages. C’est moi qui fais le lien entre le fournisseur de service et la pharmacie pour ce développement. » À la pharmacie Lair, la vérification d’une commande est double. « Je la valide une première fois, puis M. Lair, le titulaire, la revérifie avant de la faire partir. » Les pharmaciens prennent toujours soin d’ajouter un conseil manuscrit dans chaque paquet. « Même si ça semble anodin, on tient à le faire pour chaque commande. On ne veut pas que la vente en ligne soit déshumanisée et on préfère éviter d’avoir des conseils robotisés. » Pour l’instant, le volume de commande est assez variable. « Certains jours on en a plus de quinze et d’autres pas du tout. Mais je pense qu’il faut quand même prendre le temps d’écrire ces conseils quoi qu’il arrive. »
Un site pour les clients habituels.
Cette volonté de proximité avec les patients est partagée par la pharmacie Mosnier-Thoumas, à Saint-Médard-en-Jalles (Gironde). « Nous avons lancé notre site début janvier, explique Marie Guillot, adjointe à la pharmacie. Il n’est pas destiné à permettre les commandes à travers toute la France, mais est réservé à nos clients habituels. C’est un service supplémentaire que nous leur offrons pour leur faciliter les choses lorsqu’ils ne peuvent pas se déplacer. » Marie Guillot a participé à la communication effectuée par la pharmacie pour expliquer le concept du site aux patients. « Nous avons élaboré des plaquettes pour leur présenter le site et nous les avons distribuées aux patients. J’ai aussi aidé certains patients à s’inscrire sur le site. Certains préfèrent le faire depuis leur domicile et d’autre peuvent le faire à l’officine. » Les patients remplissent un questionnaire en indiquant divers renseignements, par exemple sur leur pathologie et leurs traitements en cours. « Pour le moment, nous avons 92 inscrits, uniquement parmi nos clients habituels. Nous sommes très agréablement surpris pour l’engouement des gens. Notre inscrite la plus âgée a 91 ans ! Ceux à qui cela plaît le plus, ce sont les jeunes parents et les jeunes retraités. » Le site est destiné à être un « prolongement de la pharmacie ». Les clients peuvent envoyer leurs ordonnances à l’avance et se présenter à un guichet dédié pour les retirer. « Pour les longues ordonnances d’homéopathie, par exemple, c’est très pratique. D’habitude les clients sont obligés d’attendre longtemps qu’on les prépare, ou de revenir plus tard. Avec le site, il leur suffit de nous envoyer l’ordonnance, on prépare tout à l’avance et ils n’ont plus qu’à passer avec leur carte Vitale pour récupérer les produits. » Quant à ceux qui commandent en ligne des médicaments sans ordonnance, ils sont livrés soit par le titulaire lui-même, soit par un livreur. « Nous précisons aux patients que la vente en ligne n’est pas une vente sans conseil. On joint systématiquement un petit mot avec le colis », insiste Marie Guillot.
Pour ces quatre adjoints, la vente en ligne est donc un prolongement de leur travail habituel de conseil et le site de l’officine devient une sorte de comptoir virtuel. Une nouvelle mission qui pourrait faire des émules…
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