La digitalisation c’est maintenant. C’est en résumé ce qu’explique Lieven Zwaenepoel, vice-président de l’Association pharmaceutique belge (APB), cette structure sans équivalent en France qui, si on le comparait aux instances françaises, assumerait à la fois des fonctions syndicales et ordinales. Si la pharmacie belge a des différences notables avec l’officine française, notamment un capital ouvert aux non-pharmaciens et l’existence de chaînes de pharmacies, les points communs sont aussi nombreux.
« En Belgique il y a 4 830 officines. L’APB représente les pharmaciens indépendants de Belgique c’est-à-dire 4 280 pharmacies. Le reste, ce sont des pharmacies qui dépendent de groupes coopératifs avec des capitaux émanant d’assurances privées ou de mutuelles », précise Alain Chaspierre, président de l’APB.
Outre la proximité géographique et linguistique, la pharmacie belge a aussi entamé la transformation de sa rémunération pour se déconnecter des prix et des volumes du médicament remboursé, et ce dès 2010. « On est passé de 100 % à 20 % de marge économique. Et nous comptons sur 75 % d’honoraires de base, mais il est encore lié à la boîte, dont le nombre continue de baisser », ajoute le président d’APB. C’est pourquoi d’autres types d’honoraires se développent, comme c’est le cas en France.
Aller plus vite
En revanche, sur la digitalisation, la pharmacie belge a une longueur d’avance sur la France. « Nous nous détachons peu à peu des ordonnances papier, 50 % des prescriptions que nous traitons sont électroniques, note Lieven Zwaenepoel. On a commencé par digitaliser l’ordonnance papier, ce qui n’est pas le plus intelligent car mieux vaut une prescription digitale initiale, mais c’était une manière d’amorcer le changement. » Remarquant que tout le monde a désormais un smartphone, y compris « mes parents qui ont entre 70 et 80 ans », et que le pharmacien doit penser à son public cible dans 10 ou 20 ans, Lieven Zwaenepoel rêve d’aller plus vite. C’est pourquoi l’APB a soutenu la création du collectif belge Pharmacy Online, proposant aux pharmaciens indépendants une solution clé en main pour leur site Internet, pour le réactualiser et qu’il puisse entrer dans un même réseau, une sorte de plateforme commune à toutes les pharmacies belges. « 800 officines ont rejoint ce réseau sur les 4200, leur nombre continue de progresser », se félicite le vice-président de l’APB, soulignant qu’une application mobile commune permet au patient de prendre une photo de son ordonnance papier et de l’envoyer de façon sécurisée à son pharmacien.
Une initiative qui lui semble logique après que le secteur ait lancé en 2014 son propre dossier pharmaceutique partagé (DPP). Encore un point commun avec la France. En parallèle s’est développé l’outil e-health pour le partage des données et la mise en place d’un portail à la fois pour les patients et pour les professionnels de santé. « Le travail d’intégration de plusieurs services avec des cohérences différentes et un grand nombre d’acteurs tout aussi différents est compliqué. On perd beaucoup de temps mais petit à petit nous arrivons à un système intégré de soins. Imaginez donc, nous avons neuf ministères impliqués dans ce projet », sourit Lieven Zwaenepoel.
Expérimentation
La digitalisation continue de gagner du terrain. Parmi les nouvelles missions développées par l’officine belge, le schéma de médication est en partie comparable au bilan partagé de médication à la française. « Il y a bien eu débat avec les médecins qui nous disaient que c’était à eux de faire ce schéma de médication, mais il y a une différence fondamentale entre l’intention thérapeutique du prescripteur et la réalisation. On ne peut pas être sûr que le patient soit allé chercher l’ordonnance », explique Alain Chaspierre. La preuve est apportée par le numérique. « Avec la prescription électronique, on constate sur notre serveur que 10 % des ordonnances scannées ne sont jamais dispensées. » Le schéma de médication mis en place par le pharmacien belge a donc toute sa raison d’être.
Quant à la prescription électronique, elle fait l’objet d’une expérimentation en France, rappelle Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO). « Les médecins prescrivent sur un serveur sécurisé et les pharmaciens récupèrent la prescription avec la carte vitale. Les données de cette expérimentation vont être analysées par l’assurance-maladie, notamment sur les différences entre prescription et délivrance. Le but est de s’orienter vers des objectifs qualité avec des indicateurs établis pour mesurer la qualité des actes professionnels. » Ce n’est qu’une question de temps pour que l’e-prescription entre dans les mœurs françaises. « C’est un outil nécessaire aujourd’hui pour la coordination des soins, tout comme la messagerie sécurisée entre professionnels de santé », lance Gilles Bonnefond.
Pour conclure, Lieven Zwaenepoel recommande aux pharmaciens français de garder la main sur les outils de partage de données. « Nous avons investi 1 million d’euros dans le dossier pharmaceutique partagé pour en être le gestionnaire. La prescription électronique est financée par l’assurance-maladie belge mais là encore, nous en sommes les gestionnaires. La finalité des soins ne doit jamais être accessible à des acteurs qui ne sont pas du monde de la santé, comme Facebook et consorts ».
Une analyse validée par Alain Delgutte, président du conseil central A (titulaires) de l’Ordre national des pharmaciens : « La digitalisation n’est pas l’avenir, elle est déjà là. Je suis déjà confronté au comptoir à des ordonnances issues de plateformes en ligne. Le pharmacien n’a d’autre choix que de réussir ce virage. » Pour cela, Lætitia Hible rappelle que Pharma Système Qualité, qu’elle préside, accompagne le pharmacien et lui enseigne la gestion des données sensibles. Un apprentissage essentiel pour conserver la confiance des patients « qui sont plutôt d’accord pour le partage de leurs données de santé de manière sécurisée entre professionnels de santé s’ils y gagnent en matière de santé ».
* D’après un échange interprofessionnel au cours du 1er colloque franco-belge sur les services en pharmacie, organisé et animé par l’économiste de la santé Francis Mégerlin.
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