DEPUIS LE DÉBUT de l’année, la vente de médicaments sur Internet est autorisée en France. Mais dans un cadre très précis. La ministre de la Santé a en effet cherché à mettre en place un maximum de gardes fous pour réduire au minimum les conditions de cette vente, comme elle l’a souligné lors du dernier salon Pharmagora. Ainsi, seuls les sites adossés à une officine pourront s’adonner au commerce en ligne. De même, Marisol Touraine a souhaité limiter les produits concernés à ceux pouvant être placés devant le comptoir. Un arrêté de bonnes pratiques allant dans ce sens doit d’ailleurs être publié prochainement. À moins que la ministre ne revoie sa copie d’ici là. Car plusieurs instances jugent le projet gouvernemental trop restrictif.
Lever les restrictions.
À commencer par l’Autorité de la concurrence. Saisie par le gouvernement, l’administration vient en effet de rendre un avis défavorable sur le projet d’arrêté. La raison ? A ses yeux, « il contient un ensemble important d’interdictions et de restrictions – et notamment des dispositions particulièrement restrictives de concurrence -, non justifiées par des considérations de santé publique, qui visent à limiter le développement de la vente en ligne de médicaments par les pharmaciens français, voire même à dissuader ces derniers d’utiliser ce canal de vente ». De plus, certaines de ces mesures « rendent la vente en ligne particulièrement peu attractive pour le patient », au risque de les voir se tourner vers des opérateurs étrangers.
Dans le collimateur de l’instance, la limitation du nombre de produits concernés. Elle plaide ainsi pour l’extension du périmètre de la vente en ligne à l’ensemble des médicaments non soumis à prescription médicale, jusque-là limité aux spécialités de libre accès. Ce qui représenterait environ 4 000 références, contre 350 actuellement. Déjà en février dernier, le Conseil d’État estimait qu’il y avait un « doute sérieux » sur le droit de restreindre la vente à certains médicaments, au regard de la législation européenne.
L’Autorité de la concurrence conteste également l’obligation de vendre au même prix les produits sur Internet et dans l’officine et de facturer des frais de transport « au prix réel ». Pour elle, cela conduirait à augmenter le prix du médicament acheté en ligne, et ce au détriment du consommateur. « La vente sur Internet est un vecteur de la concurrence par le prix, qui doit bénéficier au pouvoir d’achat du consommateur ou du patient, tout en permettant aux pharmaciens de développer leurs ventes », argumente-t-elle. L’administration estime également que les pharmaciens devraient pouvoir proposer médicaments et produits de parapharmacie sur le même site, comme cela est possible chez nos voisins européens. Faute de quoi, ils seraient, là encore, moins attractifs.
La santé publique ignorée.
« Il s’agit d’une approche purement économique », déplore Philippe Gaertner. Le président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) note en effet que la seule inquiétude de l’Autorité de la concurrence est de ne pas voir les ventes de médicaments augmenter. « Elle oublie que le médicament relève du champ de la santé et ne tient pas compte de l’intérêt de son bon usage », regrette également Gilles Bonnefond. Le président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO) relève que, malheureusement, les récentes affaires liées aux médicaments n’ont pas contribué à davantage de sagesse et de modération de la part de cette instance. Pire, pour lui, derrière cette prise de position se cache une envie de dérégulation du système de dispensation du médicament. En clair, la fin du monopole. Une idée qui ne devrait pas échapper à Michel-Edouard Leclerc, toujours à l’affût (voir encadré).
Quoi qu’il en soit, il ne s’agit que d’un avis de l’Autorité de la concurrence et la décision finale appartient au gouvernement. Philippe Gaertner se veut confiant. « Je ne doute pas que la ministre continuera à privilégier une approche de santé publique », indique le président de la FSPF. En tout cas, à Pharmagora, Marisol Touraine avait été claire. Pas question pour elle d’envoyer les médicaments dans les rayons des hypermarchés. Au contraire, elle indiquait même vouloir « réaffirmer le rôle central des pharmacies dans le conseil auprès des patients ». Verdict dans les prochaines semaines.
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