IL Y A quelques mois, la Bavière avait introduit au Bundesrat (la deuxième chambre du parlement allemand, qui y représente les régions) un projet pour interdire les ventes de médicaments de prescription par correspondance, au motif qu’elles ouvraient la porte aux contrefaçons et mettaient en danger la sécurité de la chaîne pharmaceutique, sans même parler des problèmes d’observance et de bon usage. Ce projet visait donc à limiter les ventes par correspondance aux seuls OTC. Il avait obtenu le soutien de la Saxe, ainsi qu’une adhésion plus modérée des représentants de plusieurs autres régions.
Le gouvernement fédéral, en revanche, s’est opposé à cette interdiction, en rappelant que, depuis cinq ans que les ventes par correspondance sont autorisées, aucun incident grave n’a été enregistré dans ce domaine. Ces ventes, que ce soit par Internet ou par courrier, tant auprès des pharmacies virtuelles que des filiales d’officines, offrent aux patients une option sans risque, a estimé le ministère de la Santé de Berlin, et c’est finalement sa position qui a été retenue par les parlementaires.
Si les pharmaciens d’officine regrettent cette décision, elle a en revanche été saluée comme il se doit par les pharmacies virtuelles, Doc Morris en tête : une interdiction de ces ventes aurait en effet signé l’arrêt de mort de tout ce secteur. Actuellement, les ventes par correspondance représentent environ 1 % du total des médicaments prescrits vendus en Allemagne, et portent essentiellement sur des médicaments dits de « style de vie », stimulants sexuels en tête, mais aussi sur des anabolisants ; elles concernent aussi certains traitements de maladies chroniques nécessitant des renouvellements fréquents, mais, à l'inverse, sont inexistantes dans le domaine des traitements ponctuels ou urgents. Environ 9 % des Allemands ont déjà acheté au moins une fois des médicaments par correspondance, selon des statistiques récentes. C'est toutefois sur les OTC que les ventes par correspondance sont les plus importantes.
Un logo de sécurité.
L’Allemagne a néanmoins décidé d’introduire un logo de sécurité, infalsifiable, sur tous les sites Internet de vente de médicaments. Ce sigle devrait permettre aux patients de faire la différence entre les sites légaux et les autres. Il sera décerné par un organisme officiel de santé publique, chargé de surveiller ce secteur. Les pharmaciens d’officine jugent néanmoins cette protection illusoire : « quand on vend des médicaments contrefaits, on n’a aucun mal à falsifier un site Internet », estime ainsi l’Association fédérale des pharmaciens (ABDA), en rappelant que ce sont « les officines qui offrent la meilleure sécurité dans le domaine du médicament ».
Les pharmaciens déplorent également la réintroduction des « dépôts d'ordonnances » dans certaines chaînes de drogueries : les clients peuvent y laisser leurs ordonnances qui sont envoyées par la chaîne à une pharmacie virtuelle, souvent située en Hollande, laquelle adresse ensuite les médicaments à la droguerie, où les patients viennent les récupérer. Ce système, dit des pick-up, avait été lancé par la chaîne de drogueries « dm », puis interdit, pour des raisons de protection de la santé, à la suite d’une plainte des pharmaciens allemands. Le tribunal administratif fédéral allemand a toutefois récemment décidé de lever cette interdiction, non pour des raisons sanitaires, mais en fonction d'arguments purement juridiques. Cela suscite la colère des associations de pharmaciens, qui entendent se battre pour faire à nouveau interdire les pick-up. Elles redoutent, de plus, que, après les drogueries, d'autres secteurs s'engouffrent dans la brèche, par exemple les stations service, ce qui déboucherait sur une dangereuse « banalisation du circuit du médicament » et du médicament lui-même.
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