La boîte à outils des officines
L’officine est en première ligne et s’impose comme un acteur de proximité essentiel auprès des vieillissants et de leurs aidants. Composante essentielle du soutien apporté au troisième âge, « les pharmaciens sont présents là où les médecins ne sont pas forcément. Ils ont la connaissance de la clientèle et mènent une action médico-sociale. Le pharmacien entretient également une relation digitale avec ses clients », explique Gilles Braud, responsable du département « Mieux vivre connecté » de l’organisme certificateur indépendant Dekra Certification. Car son rôle aujourd’hui est aussi d’amorcer ce virage numérique en proposant d’autres services digitaux.
Il peut s’agir, dans un premier temps, de la vente de certains produits, tels les bracelets de géolocalisation, « qui ont toute leur place dans l’officine », de l’avis de Gilles Braud. Ces appareils contribuent, par exemple, à sécuriser les déplacements, tout en permettant à leur porteur de rester à domicile. Ou encore les services de téléconsultation qui tendent à se développer. « Ils permettent de répondre aux besoins d’accompagnement des populations âgées qui vivent dans des déserts médicaux, en les mettant directement en relation avec des médecins », indique Ludovic Guilbaud, pharmacien et chef de projet Santé au Giphar.
Comme les aidants, « le pharmacien est parfois confronté à la souffrance et à la solitude de ces populations. De ce point de vue, le numérique apporte aussi une réponse, via des outils qui invitent à l’échange, à pratiquer des hobbies ou encore des jeux pour maintenir en forme la mémoire. Il existe de nombreux sites (et applications, NDLR) qui produisent du contenu adapté aux publics âgés », développe Gilles Braud.
Faire le lien avec « Mon espace santé »
À ce titre, l’officine joue aussi un rôle prépondérant, via les systèmes de téléassistance et de surveillance santé. Ce rôle devrait se renforcer avec l’avènement de « Mon espace santé ». Ce nouveau carnet de santé numérique, qui vient remplacer le dossier médical partagé (DMP), rassemble et conserve toutes les données médicales d’un assuré. Mais pas seulement.
« Dans les prochains mois, il proposera tout un catalogue de services (destinés entre autres aux personnes âgées, NDLR). Il appartiendra aux pharmaciens de les promouvoir », indique Gilles Braud. Ils se mueront ainsi en prescripteurs de plateformes de soutien aux personnes âgées, que ce soit pour les accompagner dans leur parcours santé ou pour les faire sortir de leur isolement, lorsque c’est le cas. « Un pharmacien pourra demain inviter ses patients à installer des applications de rappel à la prise par exemple, s’il s’adresse à des patients qui ont tendance à oublier de prendre leur traitement », souligne Gilles Braud.
De même, il pourra également les inciter à se doter de certains objets connectés bien ciblés, qui seront directement liés à « Mon espace santé ». Citons des balances connectées, des tensiomètres… « Dès lors que le patient donnera son accord, le pharmacien aura la possibilité de suivre la tension, le poids et les principaux paramètres santé de sa clientèle. »
Autre atout non négligeable de ce carnet numérique : faire le pont entre patients, pharmaciens et médecins. Une personne âgée pourra accepter de partager ses données médicales avec différents professionnels de santé. Ainsi, l’outil va favoriser un accompagnement du senior dans la prise de son médicament – accompagnement qui pourra d’ailleurs aller au-delà, par exemple en repérant et signalant d’éventuelles interactions médicamenteuses, etc. À ce titre, une messagerie offre la possibilité au patient de répondre à un message initialement envoyé par un professionnel de santé.
Des codes à appliquer
Tous ces outils digitaux, lorsqu’ils sont dédiés aux seniors, doivent répondre à un cahier des charges précis, de l’avis des professionnels. « La communication digitale est moins évidente avec les populations âgées, alors que ce sont elles qui en ont le plus besoin », précise Ludovic Guilbaud. Aussi les éditeurs, s’ils souhaitent toucher ce public, ont-ils tout intérêt à miser sur la simplicité. Et l’assurance retraite Île-de-France va dans ce sens en développant un guide des bonnes pratiques pour les applications mobiles et sites internet dispensés auprès d’éditeurs liés à l’assurance retraite Île-de-France. « Sa vocation est de vous aider à̀ bâtir les meilleurs produits numériques à destination des retraités, en identifiant les principales problématiques et en proposant les meilleures solutions », décrit le guide.
En résumé, ces produits numériques ont vocation à fournir aux utilisateurs un accès rapide – en quelques clics – à des informations pertinentes et adaptées aux besoins. Ils doivent également comporter un volet conformités, portant sur les exigences légales notamment sur la protection des données personnelles et la sécurité numérique. D’autant plus lorsqu’il est question de données médicales.
Le guide s’attache à faciliter une bonne navigation, par exemple en travaillant l’unité graphique des applications, en insérant des repères visuels, ou encore en soignant l’association des couleurs pour une lisibilité optimale – exit, par exemple, le vert associé au jaune, redoutable en cas de problèmes de vue. Il s’agit également de hiérarchiser l’information en allant à l’essentiel et en limitant les thématiques, de recourir à des formulations simples et intelligibles, ou de proposer un choix large du canal de communication (écrit, langue des signes française LSF, visuel, image, langage parlé complété LPC, audio).
Aucune modalité de fonctionnement : ces produits numériques doivent accompagner et de proposer un parcours facilité, particulièrement au moment du processus d’inscription. En outre, ils doivent rendre récurrents les contenus importants ou prioritaires, faciliter le zoom sur les pages et les textes avec le navigateur avec l’ajout d’une fonction grossissante… L’objectif du service doit être atteint en maximum trois clics et doit « apporter une amélioration notable de sa vie quotidienne », préconise le guide.
Préférer le site Web à l’application
Pour s’adapter au mieux aux pratiques des seniors, certains acteurs préfèrent ne pas tenter même l’aventure de l’application mobile. C’est le cas de la start-up HappyVisio qui dispense ses services de prévention, de santé et de bien-être par visioconférence uniquement sur son site Web. « Les utilisateurs de notre plateforme ont 69 ans en moyenne. Si notre solution nécessitait de télécharger une application, cela constituerait un frein pour notre public », estime Benjamin Raspail, directeur administratif et commercial d’HappyVisio.
Ce service est on ne peut plus simple : il suffit de se créer un compte sur le site Internet afin d’accéder à des contenus destinés aux seniors et, en plus, sélectionnés en fonction du profil de la personne. « Nous souhaitons aussi connaître le rapport qu’entretient notre public avec notre service. C’est pourquoi nous accompagnons les utilisateurs via une hotline, afin de les rassurer et les épauler dans l’utilisation de notre plateforme », ajoute Benjamin Raspail.
L’entreprise référence 500 intervenants, travaillant directement avec les caisses de retraite, les collectivités locales, mais aussi les aidants, ou encore les pharmaciens. « Ces derniers sont invités à venir s’exprimer lors d’interventions tenues en visioconférence, sur le bon usage des médicaments par exemple », précise le directeur administratif et commercial d’HappyVisio.
Applications dédiées
Mais jeunes ou âgés, nous ne sommes pas tous égaux face à la technologie. « Quand nous avons proposé notre solution de visioconférence, nous avons souvent entendu que ça ne marcherait jamais car les seniors ne faisaient pas de visioconférence », reconnaît Benjamin Raspail.
Pour autant, développer des applications à leur attention n’est pas contrindiqué, ils sont tout à fait en mesure de s’adapter aux évolutions des supports. Lesdites applications peuvent d’ailleurs s’adresser exclusivement aux seniors, ou alors à tout le monde. Pour exemple, celle baptisée « Mon armoire à pharmacie », lancée par l’association Cyclamed, se destine au grand public quel qu’il soit. Disponible sur Google Play et Apple Store, elle fournit aux patients et aux aidants les informations utiles sur l’organisation, la gestion et le tri de leurs médicaments non utilisés (MNU). « Simple d’utilisation, “Mon armoire à pharmacie” permet d’inventorier ce qu’il reste dans notre armoire et d’éviter ainsi le rachat (de médicaments) si ce n’est pas nécessaire », détaille Cyclamed.
Là encore, le mode de fonctionnement est simplifié. Il suffit d’entrer manuellement le nom du médicament ou de scanner son QR Code, puis d’indiquer la date de péremption, de prendre une photo du médicament et d’en renseigner la quantité. Sont ensuite générées des fiches pour chacun. Dès que la quantité baisse ou que la date de péremption approche, l’application envoie une notification à l’utilisateur, l’informant de la marche à suivre. En option, une géolocalisation pour trouver la pharmacie la plus proche et y déposer ses MNU.
Un onglet « En savoir plus » fournit également des informations additionnelles, comme les indications thérapeutiques, la composition en substances actives et la notice complète du médicament. Parfois polymédicamentées, les personnes âgées peuvent ainsi mieux s’y retrouver.
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