Les groupements ont un rôle essentiel dans l’écosystème de la pharmacie digitale en devenir, un rôle pivot entre les prestataires - fournisseurs, start-up, qui se pressent très nombreux aux portes des pharmacies - et les officines elles-mêmes. Pas en tant que simples interfaces mais en guides assumés, ceux qui observent, décortiquent, évaluent, testent les technologies susceptibles de représenter un véritable intérêt pour eux et leurs adhérents. Et surtout, par les différents processus qu’ils enclenchent, ils permettent aux pharmaciens et à leurs équipes de s’approprier petit à petit ces nouveaux outils qui sont difficiles à utiliser, malgré leur simplicité apparente et leur expansion globale dans toutes les couches de la société. « Même quand ils les utilisent beaucoup à titre personnel, ils ne parviennent pas toujours à le faire au plan professionnel », souligne Serge Carrier, directeur général de Pharmactiv. D’où la nécessité pour les pharmaciens, ou pour la majorité d’entre eux, de remettre l’enjeu dans les mains de leurs groupements.
Attention aux faux-amis
De fait, c’est une grande responsabilité pour ces derniers puisqu’ils doivent faire en sorte de trouver les justes moyens, les justes outils pour parvenir à atteindre leurs objectifs. Lesquels objectifs doivent être clairs. « Il faut toujours se poser la question de savoir pourquoi on digitalise l’officine », insiste Lucien Bennatan, Président du groupe PHR. « Et cette stratégie doit servir celle du groupement », ajoute Jean-Baptiste de Coutures, Président du groupement Giphar. Une question à laquelle chaque groupement apporte sa propre spécificité, avec la légitimité que leur confèrent leurs adhérents, estime Lucien Bennatan, pour qui il faut faire preuve de prudence contre les « faux-amis » des pharmaciens. « La digitalisation concerne le business et par conséquent la donnée, la data, la connaissance des clients, convoitée par différents prestataires », affirme-t-il. « Or, ce n’est pas à ces acteurs de le faire, la data appartient au pharmacien et il nous délègue le pouvoir de l’exploiter. » Le patron de PHR met le doigt sur un sujet brûlant, l’exploitation des données, surtout en ces temps où le RGPD est sur le point d’entrée en vigueur. C’est en tout cas le critère principal des choix effectués par les différentes marques du groupe, les orientations technologiques et stratégiques doivent leur permettre de garder la main sur l’exploitation des données.
Créer des usages
Comment les groupements travaillent-ils ces choix et l’implémentation des solutions retenues auprès de leurs adhérents ? « Même pour nous, ces choix ne sont pas simples à faire », répond Laurence Dubois, directrice du développement commercial de Pharmavie. Le groupement passe un appel d’offres pour retenir la solution la plus efficace et la mieux adaptée à ses besoins. « C’est ce qui s’est passé pour le click & collect, six ou sept prestataires ont été mis en concurrence avant une short list qui en a retenu deux avant la sélection, au terme d’un process rigoureux, avec des exigences techniques et juridiques et beaucoup de tests. Nous avions commencé à développer nous-mêmes l’application, mais nous avons estimé qu’il valait mieux travailler avec un prestataire », explique-t-elle.
Le choix de Pharmavie s’est porté sur Mesoigner.fr. Après le choix, vient l’expérimentation, le groupement dispose d’une structure, « Pharmavie Labo », qui en relation avec les prestataires et les start-up, permet d’éprouver les solutions retenues afin d’en dégager ce qu’Isabelle Vitali, Directrice Innovation et Business excellence de Sanofi France, nomme la « valeur d’usage », par le biais de l’expérimentation. Les groupements, au même titre qu’un prestataire de la dimension d’un Sanofi, peuvent, et doivent d’une certaine manière, créer des usages par le biais des expérimentations. « L’innovation implique d’accepter de tester et d’échouer », souligne Laurence Dubois. Expérimenter, évaluer aussi, comme le fait Giphar : « notre filiale Giphar Technologies est en réévaluation constante des produits et des solutions apportés à nos adhérents, explique Jean-Baptiste de Coutures, évaluer ce qui a le mieux fonctionné, les solutions dont les pharmaciens se sont le mieux approprié. » Giphar intègre l’importance du temps qu’il faut pour lancer un projet et l’enraciner. « Ça ne sert à rien de proposer d’emblée un produit trop complet, il est préférable de passer par des phases intermédiaires », ajoute le Président du groupement.
Montrer l’exemple
Les grands groupements sont également confrontés à la dimension de leurs réseaux. « Nous avons 1 500 adhérents, c’est un grand réseau et parfois certains d’entre eux peuvent se sentir isolés », commente Serge Carrier. Pharmactiv a mis en place une Workplace, déclinaison professionnelle de Facebook, afin de disposer d’une animation du réseau aussi bien au niveau national que local. Digitaliser, ça commence par soi-même et les groupements se doivent de montrer l’exemple. « Cette workplace fonctionne très bien, pour l’instant auprès d’une cinquantaine d’adhérents, cela nous a cependant obligé à nous organiser pour répondre rapidement, dans la journée, à toutes les sollicitations, la digitalisation nous structure nous aussi », ajoute Serge Carrier. Il ne faut pas oublier l’apport des pharmaciens eux-mêmes, déjà par leur présence au sein des structures animées au sein des organisations pour traiter de ces sujets, et aussi par les expériences qu’ils lancent de leur côté. « Les murs digitaux sont venus des adhérents eux-mêmes », évoque par exemple le dirigeant.
Conduire le changement
Les groupements veillent enfin à ce que leurs choix soient le mieux transmis, le mieux compris possible. L’assimilation de la nouveauté que les solutions technologiques proposent ne se fait pas d’elle-même, c’est une évidence, mais face à l’évidence les pharmaciens se trouvent souvent démunis. Même les titulaires les plus volontaires se cassent souvent les dents quand ils souhaitent entraîner leurs équipes vers l’adoption de nouvelles solutions. « Il faut d’abord comprendre l’enjeu que la digitalisation représente », affirme Lucien Bennatan, « Il ne s’agit pas d’apporter un outil supplémentaire dans un cadre connu, il faut changer l’organisation de l’ensemble de la pharmacie. Des pharmacies indépendantes nous ont demandé de leur vendre notre pack technologies, nous ne le faisons pas car sans accompagnement, cela serait voué à l’échec. » Même son de cloche chez Pharmactiv, qui propose une véritable conduite du changement. « Nous proposons méthodes et solutions, une aide et un regard extérieurs sont souvent plus efficaces pour les sujets liés au management, les pharmaciens ne sont pas toujours à l’aise avec ça », estime Serge Carrier.
Back-office, communication et digitalisation du front-office
Globalement, le champ d’intervention des groupements peut se résumer en trois grands blocs de solutions, le premier concerne le back-office, le deuxième la communication et les services à partir d’Internet et le troisième tout ce qui concerne la digitalisation du front-office dans les pharmacies. Le curseur varie selon le groupement, certains estimant plus stratégique l’un des blocs par rapport aux autres. Pour Giphar, la priorité reste la gestion du back-office. « Les pharmaciens y passent beaucoup de temps, leur apporter un outil pour gérer plus efficacement leurs achats par exemple est un véritable avantage », explique Jean-Baptiste de Coutures. Avantage compétitif puisque non seulement ils gagnent du temps, mais l’outil leur permet de mieux gérer leurs tarifs, tout en tenant compte de leur rentabilité. Car bien sûr, il est indispensable d’avoir cette préoccupation en tête. « On ne peut pas inventer une digitalisation s’il n’y a pas une rentabilité derrière », insiste le président du groupement.
Si Pharmavie met l’accent sur le back-office, il n’en oublie pas moins les services digitaux que les adhérents peuvent proposer à leurs patients. Comme bien d’autres, le groupement offre une application mobile. « Mon pharmacien Giphar », qu’il entend continuer à développer en parallèle avec les applications back-office. L’un ne va pas sans l’autre, affirme en substance Jean-Baptiste de Coutures. Pour Pharmavie, une des pièces essentielles de son dispositif est liée à son programme de fidélité Affinity. Tout est relié, il existe des passerelles entre les différents services proposés par le groupement et le click & collect qu’il propose est connecté à Affinity, les clients utilisant cette possibilité de commander ses produits pour aller les chercher ensuite, bénéficie des points de fidélité comme n’importe quel autre achat dans l’officine. Les sites Web du groupement, comme ceux de ses adhérents, vont connaître une refonte prochainement, avec une forte orientation vers les services. En revanche, Pharmavie investit peu pour l’instant la digitalisation de l’espace de vente. « On ne souhaite pas aller trop vite, il est important de bien identifier d’abord quelle valeur ajoutée on va apporter au client, nous travaillons dessus », explique Patrick Le Branchu, directeur de la communication. « Nous avions développé un projet de bornes que nous n’avons pas poursuivi, cela ne rentrait pas dans un projet global, mais nous pourrons le relancer dans le cadre du programme Affinity. » Tout dépend encore une fois de l’orientation stratégique d’un groupement, il y a là toute la diversité offerte par la digitalisation.
Pour ce qui concerne l’espace de vente, PHR est très présent avec ses tablettes tactiles, Web-bar et sa borne RFID, Népenthès aussi puisqu’il a lancé une tablette ouvrant à de nombreux services, notamment un outil de prévention basé sur l’intelligence artificielle. Et ce n’est qu’un échantillon de ce qui se fait. Les groupements tentent régulièrement l’innovation, citons l’exemple récent de Leader santé qui lance un marketing olfactif basé sur la technologie Scentair.
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