S’il est vrai que les professionnels de santé vivent le digital comme un défi, parfois même comme un danger, que dire de leurs partenaires et fournisseurs qui eux y sont confrontés dans les proportions qui les caractérisent, c’est-à-dire gigantesques ?
Comme d’autres industries, les laboratoires pharmaceutiques voient leur business model remis en cause par les évolutions du digital. Alors qu’ils ont longtemps été structurés pour concevoir, fabriquer et vendre des médicaments, des produits donc, les voilà forcés d’aller au-delà et de cibler désormais l’efficacité des traitements auprès des patients. Ils sont conduits à mener des stratégies qu’on appelle « beyond the pill », pour signifier la nécessité d’apporter de la valeur au-delà du médicament. La société Les Échos Études a fait le point sur le sujet par le biais d’une étude sur les stratégies digitales des laboratoires pharmaceutiques et a organisé une table ronde sur ce thème le 11 octobre dernier.
Une réorganisation en profondeur
Il en ressort que l’ampleur de la tâche a de quoi donner le vertige : réorganisation en profondeur des structures internes et des façons de travailler, collaborer de façon plus ouverte et concertée avec les acteurs du digital pour apporter des solutions innovantes, établir d’autres rapports avec les professionnels de santé et par-dessus tout, se positionner le mieux possible face aux fameux GAFA, ou GAFAM si l’on ajoute Microsoft à Google, Apple, Facebook et Amazon. Sans compter tous les autres grands noms de la high-tech qui ont tous des projets dans leurs cartons : IBM, Philips, Samsung, Siemens, etc. Et même des géants qui viennent d’autres horizons, comme La Poste en France. « Tout un nouvel écosystème de la santé est en train de se mettre en place avec l’irruption de nouveaux entrants, dont on ne sait pas encore s’ils seront des partenaires ou des concurrents, sans doute les deux à la fois », souligne Hélène Charrondière, directrice du Pôle pharmacie-santé des Échos Études. S’il est impossible à ce stade de mesurer ce que seront ces relations entre tous ces nouveaux acteurs de la santé et les laboratoires pharmaceutiques, ces derniers tentent d’identifier les bonnes stratégies digitales afin de jouer pleinement leur rôle dans ce nouvel écosystème.
Culture numérique
Premier grand chantier, infuser une culture numérique dans les organisations, selon les mots employés par Frédéric Jacquey, Président de Roche Diabète Cares. « Cela nécessite de bien reformater les RH, de recruter des personnes venant d’autres secteurs, la grande consommation, le numérique etc. », affirme-t-il. Certains lancent des centres spécialisés, des laboratoires d’innovation mais au-delà de ces projets, il faut avoir en tête l’idée d’adapter des structures parfois sclérosées à cette culture numérique, même à des niveaux très basiques. Adel Mebarki, directeur général adjoint de Kap Code, une start-up spécialisée entre autres dans l’analyse des réseaux sociaux pour mieux identifier les signaux sanitaires, se souvient des premiers échanges qu’il a eus avec les laboratoires pharmaceutiques : « nous avons eu du mal à comprendre ce qu’ils cherchaient pour réaliser enfin qu’ils étaient dans l’attente de moyens d’acculturation au digital », raconte-t-il. L’enjeu de la relation avec les start-up est en effet stratégique, ces grandes organisations ont un problème de réactivité et reconnaissent que souvent, quand un projet est mené à son terme, il est déjà dépassé tant l’évolution technologique et celle des usages est rapide. Les start-up ont, elles, l’agilité nécessaire pour pouvoir y coller, et le fait même d’en racheter, ce que les laboratoires pharmaceutiques font parfois, conduit souvent à perdre quelque peu de cette réactivité. D’où la nécessité de trouver le bon modèle de collaboration entre les « big pharmas » et ces petites structures innovantes. Les uns et les autres se montrent confiants désormais, affirmant que le stade des paillettes est dépassé, on est dans de vrais projets de co-développement.
Faciliter les points de contact entre les patients et leurs traitements
Les « big-pharmas » sont aussi conduites à revoir leur modèle relationnel avec les professionnels de santé, longtemps très orienté sur « un modèle push fort », selon les termes employés par Clarisse Pamie, directrice digitale et responsable grands projets de Janssen, « basé sur les visiteurs médicaux qui venaient avec des messages promotionnels forts. Aujourd’hui, on ne fait plus ça de la même manière, nous passons plus volontiers par la digitalisation d’événements médicaux, et pour les pharmaciens, il faut pouvoir les aider à comprendre les modes d’interaction des différentes molécules de nos produits, et cela en temps réel, quand ils sont en face des patients ». « Ce qui est important pour les laboratoires, c’est de faciliter les points de contact entre les patients et leurs traitements », ajoute Alexis Hernot, cofondateur de Calmédica, une start-up spécialisée dans l’intelligence artificielle. Bien des défis attendent encore les laboratoires pharmaceutiques, alors que pointent non seulement les GAFAM, mais aussi un nouveau bouleversement technologique lié à l’intelligence artificielle.
D'après une table ronde organisée par Les Échos Études
Près de 40 % du chiffre d’affaires
Médicaments chers : poids lourds de l’activité officinale
Les concentrations continuent
Hygie 31, Giropharm : grandes manœuvres au sein des groupements
Valorisation et transactions en 2023
La pharmacie, le commerce le plus dynamique de France
Gestion de l’officine
Télédéclarez votre chiffre d’affaires avant le 30 juin