Une application via un téléphone est actuellement en expérimentation en Normandie pour aider les pharmaciens d'officine à reconnaître les champignons que leur apportent les clients.
L'enjeu est de taille : plus de 180 cas d'intoxications ont, en effet, été recensés lors des deux dernières semaines de septembre. « Ces intoxications résultent, dans la majorité des cas, d'une confusion avec des champignons comestibles, d'où l'importance de rester vigilant, que l'on soit connaisseur ou que l'on pratique la cueillette ponctuellement », ont averti, dans un communiqué commun, l'Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES), et la Direction générale de la Santé (DGS). Les deux autorités recommandent donc de s'adresser pour cette meilleure vigilance à une société de mycologie ou à un pharmacien. « Il est essentiel de répondre rapidement, mais les pharmaciens n'ont reçu qu'une trentaine d'heures de formation à la mycologie, sur leurs six années d'études », répond Alain Delannoy, membre de la Société mycologique de France (SMF). Sous-entendu, un pharmacien qui n'est pas attiré par la mycologie et qui ne se forme pas lui-même, sera souvent démuni face à un client venu le consulter avec sa cueillette.
20 000 espèces
Il existe 20 000 espèces de champignons en France, dont 6 000 en Normandie. Le « Guide des champignons de France et d'Europe », de Régis Courtecuisse, en présente 1 752 espèces, dûment identifiées et répertoriées. Ce professeur à la faculté de pharmacie de Lille, ancien président de la Société mycologique de France, fait autorité en la matière. D'où l'idée d’Alain Delannoy d'une application informatique, que teste notamment Sylvie Gallo, pharmacienne à Louviers (Eure).
« Nous sommes entourés de forêts, comme celle de Bord, et beaucoup de Normands vont cueillir des champignons. Chaque samedi de septembre, deux ou trois clients viennent à la pharmacie pour que nous identifiions leur cueillette, explique-t-elle. Il faut répondre, mais si on ne sait pas, mieux vaut ne rien dire. »
Alain Delannoy a donc utilisé le support d'application gratuit WhatsApp, que la pharmacienne a téléchargé sur son téléphone portable. En cas de doute, elle mesure et photographie le champignon, le dessus, les lames, le pied, et envoie ces éléments à Alain Delannoy. Celui-ci a sélectionné sur une tablette cinq cent quarante des espèces les plus courantes, identifie le champignon, et répond à la pharmacienne en lui donnant les références du livre de Régis Courtecuisse, que possède aussi Sylvie Gallo. La réponse d’Alain Delannoy est complétée par un codage de caractères (odeur, goût, réaction chimique, toucher, changement de couleur à la coupe) ainsi qu'un codage de comestibilité, depuis 0, mortel, jusqu'à 8, comestible cuit, mortel cru (le cas de beaucoup).
Urgence
« Il reste indispensable de se former, reprend Sylvie Gallo. Un champignon comme le paxille enroulé était classé comestible, il est aujourd'hui tenu pour mortel, car un champignon aspire tout, déchets, pollutions, ce que porte le vent, ou la pluie. Nous pouvons aussi être confrontés à une urgence, une maman dont un enfant a avalé un champignon. Indiquer au centre antipoison l'identification du champignon peut être précieux. »
La consœur de Louviers est elle-même mycologue amateur et avertie : elle dirige une sortie champignons par saison avec vingt à trente clients. Elle connaît « 50 à 60 % des champignons » qu'on lui présente. « La cueillette progresse, observe-t-elle. Les gens en ramassent de plus en plus en complément alimentaire, ou pour le côté bucolique. Nous devons d'autant plus les mettre en garde : ne pas en manger plus de 200 g par semaine, par exemple. » Sylvie Gallo a déjà utilisé l'aide d’Alain Delannoy, via l'application : « Les clients sont contents qu'on leur donne le renseignement, mais aussi qu'il soit confirmé. »
légende photo (JG) Sylvie Gallo et Alain Delannoy avec les outils d'aide à l'identification : un téléphone, le Guide de R. Courtecuisse et une règle
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