Après la parution du décret sur les holdings

La remise en cause des SELAS divise

Publié le 13/06/2013
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Les représentants de la profession se félicitent de la publication du décret encadrant les sociétés de participations financières de profession libérale (SPFPL) de pharmaciens d’officine. En revanche, la fin de la dissociation entre capital et droits de vote prévue par le texte, et la remise en cause des SELAS qui en découle, ne plaît pas à tout le monde.

« ENFIN PARU ! », se réjouit l’Ordre des pharmaciens. « Ce décret permet à plusieurs officines d’être en relation entre elles par des participations, tout en préservant la nécessaire indépendance des pharmaciens exerçants, explique sa présidente, Isabelle Adenot. Il permet également aux pharmaciens adjoints d’entrer dans le capital des SPFPL tout en restant salariés. Deux points d’importance ! » « S’engager dans cette voie, c’est favoriser l’association des salariés au capital des officines, souligne de son côté Jérôme Parésys-Barbier, président du conseil central de la section D. Certains confrères y étaient très attachés. »

Le texte publié la semaine dernière définit clairement les holdings. Il modifie également la réglementation des sociétés d’exercice libéral (SEL). Désormais, toute distorsion entre capital et droits de vote est impossible, et la majorité du capital social d’une SEL doit être détenue par des professionnels exerçant effectivement dans la société. Finie donc la dérogation autorisée pour les SELAS*, sociétés dans lesquelles des associés non titulaires sont majoritaires en capital. « Le gouvernement a choisi de donner sa pleine consistance au principe de l’indépendance professionnelle », se félicite Alain Delgutte, président du conseil central de la section A de l’Ordre (titulaires). Satisfecit également du côté de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France (FSPF) pour qui la parution de ce décret ne signifie pas moins que la récompense de douze années de combat pour l’indépendance du pharmacien. Avec ce texte, « les pharmaciens exerçants actuellement minoritaires devront, dans les deux années à venir, accéder à la majorité du capital social des SEL dans lesquelles ils sont associés : il conviendra de les accompagner dans ce changement », estime le syndicat présidé par Philippe Gaertner.

Gilles Bonnefond, président de l’Union des syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), est, quant à lui, rassuré qu’il n’y ait pas ouverture du capital et qu’un pharmacien (ou une SEL) ne puisse détenir des participations directes ou indirectes que dans quatre SEL autre que celle dans laquelle il exerce. « Les chaînes ne seront pas au rendez-vous », se félicite-t-il. Mais, le président de l’USPO s’inquiète d’une éventuelle contestation du texte au niveau européen sur la disparition programmée des SELAS. « J’espère que les jeunes pharmaciens, actuellement gérants, auront les moyens de racheter les parts de la SEL dans laquelle ils exercent. Car je crains que ceux qui ne pourront pas déposent un recours au niveau européen qui pourrait entraîner une remise en question complète de l’équilibre du texte publié », explique-t-il.

Une crainte partagée par l’Union nationale des pharmacies de France (UNPF), qui porte un regard très réservé sur le décret. Car si le syndicat rappelle qu’il a toujours revendiqué la constitution de holdings de pharmaciens, il regrette que les SELAS aient été écartées. « Les SELAS concernent aujourd’hui environ 300 confrères qui auront l’obligation de modifier leur structure juridique d’ici à deux ans, indique l’organisation présidée par Françoise Daligault. Ce parti pris du ministère est d’autant plus étonnant que la France a déjà été condamnée par la Cour de justice de l’Union européenne pour non-respect de la liberté d’établissement du fait de sa réglementation restrictive relative au capital social des sociétés d’exercice libéral. Il est certain que ce décret est juridiquement attaquable et condamnable au regard de la jurisprudence citée ci-dessus. »

Encore plus critique, le Collectif national des groupements de pharmaciens d’officine (CNGPO) juge le dispositif beaucoup trop contraignant. « Ne pas dissocier capital et droits de vote est une erreur, estime son président, Pascal Louis. Nous aurions souhaité que la dérogation permettant de les séparer ne soit pas supprimée. » Pour lui, non seulement le texte ne permet pas de préparer une restructuration du réseau de manière efficace, mais il représente aussi un frein à l’installation. « Lorsqu’un jeune diplômé sort de la faculté, il n’est pas toujours simple pour lui, s’il le souhaite, d’acheter une pharmacie à hauteur de 51 % », souligne Pascal Louis.

*Société d’exercice libéral par actions simplifiées.

Voir également notre édition du 10 juin.

CHRISTOPHE MICAS

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3015