Le Quotidien du pharmacien.- Vous agissez en tant que conseils auprès de nombreux pharmaciens lorsqu’ils doivent prendre des décisions importantes en matière de financement. Au travers de vos expériences, quelles sont les erreurs à éviter ?
Philippe Becker.- Vous avez raison de le souligner, les décisions de financement dans une officine sont capitales, et aussi incroyable que cela puisse paraître, on peut envoyer une pharmacie au « tapis », alors qu’elle est rentable, parce que l’on a manqué de bon sens. Les bêtises résultent autant d’un manque de connaissance des mécanismes financiers que de l’optimisme de quelques officinaux qui pensent que l’acrobatie est un sport facile à pratiquer ! D’aspect général, les erreurs commencent lors de l’acquisition par un plan de financement « bancal » qui fait apparaître des fonds propres qui n’en sont pas ; souvent il s’agit de prêts cachés qui masquent un apport personnel trop faible. Si les échéances de remboursement sont lointaines, cela peut marcher. Mais si, par contre, on doit rendre l’argent au prêteur à court terme, cela crée mécaniquement un trou dans la trésorerie déjà fragile de l’officine. Règle numéro 1 : on finance du long terme avec du long terme !
On voit souvent des entreprises en forte croissance en difficulté de trésorerie et même en dépôt de bilan. Est-ce vrai aussi pour les officines ? Pourquoi ce paradoxe ?
Christian Nouvel.- C’est l'illustration du modèle économique des « start-up » : le projet est brillant, il marche parfaitement, mais pour vendre il faut d’abord acheter ou produire. Il en résulte une obligation de stockage et aussi la nécessité d’attendre avant d’être payé par les premiers clients. Ces entreprises disparaissent ou sont rachetées car leurs dirigeants, parfois aveuglés par leur succès, ont oublié tout bêtement qu’il faut savoir accompagner la croissance en finançant les besoins en fonds de roulement par des capitaux propres ou stables. Dans le domaine de l’officine, on sera bien inspiré, en cas de transfert par exemple, d’intégrer dans le plan de financement une trésorerie d’avance qui sera apportée ou empruntée à moyen ou long terme. Règle numéro 2 : on n’oublie jamais de financer le cycle d’exploitation surtout en période de croissance.
Que conseillez-vous pour le financement des travaux ?
Philippe Becker.- Nos observations communes nous permettent de dire qu’il y a une sorte de Loi céleste qui dit ceci : en matière de travaux, il est rare que les devis et les délais soient respectés. Tant mieux s’ils le sont, cela voudra dire que le pharmacien aura eu la chance (on peut parler de chance) de trouver le maître d’œuvre compétent et fortuné. Non pas que les autres ne le soient pas, simplement tous les hommes de l’art vous expliqueront qu’il y a des impondérables, des mauvaises surprises, et puis aussi des clients qui ne savent pas toujours ce qu’ils veulent… Bref, tout cela n’est pas grave si les officinaux intègrent sérieusement ces incertitudes qui n’en sont pas dans la demande de prêt qu’ils vont faire auprès de leur banquier. Bien sûr, on aura signé un contrat, des devis… Mais chacun comprendra que ce contrat sera de faible utilité devant un mur porteur qui menace de s’effondrer… Règle numéro 3 : on prévoit et on finance les incertitudes !
Christian Nouvel.- Toujours sur le registre des travaux, on adaptera les durées d’emprunt ou de crédit-bail à la durée de vie économique des éléments de la rénovation (voir règle numéro 1).
Vous dites souvent lors de vos conférences qu’il faut emprunter sa trésorerie. Pour quelle raison ?
Christian Nouvel.- C’est du bon sens, chaque pharmacien remarque au cours de sa vie professionnelle que lorsqu’il a de la trésorerie, son banquier lui propose de l’argent. À l’inverse, lorsqu’il est en découvert, son banquier fait preuve de moins d’amabilité. À partir de ce constat, lorsque l’on a à faire une demande de financement, on essaye de garder sa trésorerie dans son grenier et d'emprunter au maximum du possible. Rude mais salutaire négociation. Résultat, il est toujours plus agréable de se lever de bon matin en sachant que l’on a un bon matelas d’argent sur son compte bancaire ! Cette situation permet de faire face à tous les aléas que nous avons évoqués, et surtout permet d’être opportuniste sur une prise de commande directe ou sur un rachat de point de retraite pour défiscaliser… Règle numéro 4 : on garde stratégiquement sa trésorerie !
Philippe Becker.- Il faut avoir à l’esprit que les banquiers sont là pour prêter et qu’ils attendent juste d’être remboursés à échéance. Il ne faut pas faire preuve de timidité excessive, bien au contraire. Évidemment un bon plan prévisionnel reste la pierre angulaire de l’édifice.
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