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Quel modèle pour la pharmacie de demain ?

Publié le 28/04/2016
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Pour anticiper les évolutions de la profession, les officines doivent gagner en taille, améliorer leurs performances et bâtir une stratégie adaptée à leurs capacités et à leur environnement
Le modèle actuel est en crise

Le modèle actuel est en crise
Crédit photo : phanie

La démographie des officines est aujourd’hui en crise : on ne compte plus que 21 772 officines en 2015 contre 22 680 il y a dix ans, soit un recul de 4 %. Sur les quelque 120 fermetures annuelles, 40 % sont des fermetures sèches (c’est-à-dire sans indemnisation du titulaire), 31 % sont des regroupements sauvages (avec indemnisation du titulaire) et 9 % des liquidations pures et simples. Par ailleurs, 80 % des procédures de sauvegarde sont dues au surendettement.

Sur le plan économique, les politiques successives de maîtrise des dépenses de santé impactent de plus en plus fortement les officines, de même que la désertification médicale dans certains secteurs. On peut ainsi craindre une baisse des rentabilités en 2016.

Face à ce constat, et en s’appuyant sur les atouts du réseau officinal que sont le maillage territorial, l’expansion du marché de la santé, le vieillissement de la population et la place grandissante du pharmacien dans le réseau de soins, il est urgent de s’adapter au changement de modèle économique qui se dessine pour la profession, estiment, en substance, les experts-comptables du réseau CGP.

« Tout d’abord, il faut continuer à déconnecter une partie du revenu du pharmacien du prix et du volume des médicaments remboursables, indique Olivier Desplats, expert-comptable à Lille. Il faut également défendre et renforcer le monopole du pharmacien d’officine, dans un environnement économique contraint et marqué par la remise en cause partielle de ce monopole. »

S’adapter aux services

À l’avenir, expliquent encore les experts-comptables CGP, l’ensemble des nouvelles missions et des services assurés par les pharmaciens pourra représenter jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires moyen, mais cela ne modifiera pas fondamentalement le modèle économique de l’officine. « Or, dans cinq à dix ans, l’effet de taille de l’officine sera un élément capital pour pouvoir assurer de nouveaux services. Ces services ne pourront être mis en place que par des officines exploitées en association et tenues par deux ou trois cotitulaires se répartissant ces tâches. C’est pourquoi il est impératif de faire évoluer les structures officinales vers des entités plus importantes et d’y faire participer un maximum de jeunes diplômés », ajoute Olivier Desplats.

Au total, on peut ainsi imaginer deux modèles pour les pharmacies de demain : un premier modèle de pharmacie spécialisée de proximité, centrée sur le suivi des patients chroniques et les nouveaux services d’accompagnement des patients ; mais aussi un second modèle de pharmacie « business », positionnée sur une offre compétitive en produits d’automédication et hors monopole, davantage axée sur la vente en ligne que sur les services.

Dans tous les cas, estiment les spécialistes de CGP, il faut définir une stratégie et choisir un modèle, mais aussi optimiser les performances économiques de l’officine : augmenter les ventes, réduire les coûts d’achat, maîtriser les charges, notamment. Pour bénéficier de l’effet de taille, les regroupements doivent également être favorisés, ce qui permettrait d’augmenter le chiffre d’affaires moyen par officine et de mieux absorber les coûts de gestion et de structure.

Modifier les règles

Dans une lettre ouverte aux représentants de la profession, les experts-comptables CGP proposent d’ailleurs de faire évoluer les outils juridiques dont disposent les pharmaciens. « Il nous paraît souhaitable d’ouvrir rapidement deux chantiers, explique Olivier Desplats.

Premièrement, il faut permettre à plusieurs associés d’une même SPFPL (société de participation financière de professions libérales) de détenir plusieurs officines exploitées en SEL, dans les limites fixées par les règles en vigueur. Et il faut permettre également à une SEL de détenir deux ou trois fonds d’officines sur un périmètre restreint défini par l’ARS, afin de favoriser les regroupements et d’optimiser les charges d’exploitation. »

Ces évolutions ne changeraient pas les règles actuelles, à savoir qu’un pharmacien est attaché à une officine, qu’un pharmacien peut détenir quatre participations directes ou indirectes dans d’autres SEL et qu’une SPFPL peut détenir trois participations dans des SEL. Mais, outre une intégration plus facile des jeunes diplômés par voie d’association, elles devraient favoriser aussi la cession de certaines officines qui, actuellement, ne trouvent pas de repreneur.

François Sabarly

Source : Le Quotidien du Pharmacien: 3261