Un petit satisfecit tout d’abord. Les pharmaciens sont de bons gestionnaires. Les structures financières des officines restent, en moyenne, saines. En témoignent leurs fonds de roulement positifs, dont les besoins sont évalués à 6 600 euros par an, comme le souligne la dernière étude statistique KPMG (1).
Le ratio du stock sur le chiffre d’affaires reste stable à 9 %. De même, les capacités d’autofinancement demeurent suffisantes pour couvrir les emprunts et la rémunération des titulaires. Résultat, les trésoreries, dégagées sur l’année 2016, sont positives pour 88,7 % des officines (87 % en 2015). Preuves que les titulaires s’efforcent de maintenir le cap.
Sauvées par le générique
Leurs efforts sont d’autant plus méritants que la rentabilité de l’officine continue de s’effriter. Après deux années d’érosion progressive, l’évolution de la performance économique commerciale et de gestion (PCG) de l’officine devient négative, à -2,3 %. Et ce, pour la première fois depuis vingt-cinq ans que KPMG réalise son étude annuelle !
En effet, une fois soustraits les charges externes, les impôts et les taxes (2) et les frais de personnels (3) de la marge globale, il ne reste plus aujourd’hui en moyenne que 238 500 euros, soit près de 6 000 euros de moins qu'en 2015. Et encore ne s'agit-il que d'une moyenne. En réalité, sur les 60 % des officines qui subissent une détérioration de leur PCG, un quart enregistre une baisse de 12 %, et « 10 % voient même leur rentabilité se dégrader de 20 % », remarquent les auteurs de l’étude, Patrick Bordas et Joël Vellozzi.
Le décrochage de cet indicateur financier est provoqué, entre autres, par une faible évolution de la marge en valeur (0,2 %) par rapport à 2015, qui passe ainsi à 498 600 euros. Pour cet indicateur, il s’agit également d'un record historique puisque les progressions les plus faibles observées au cours des dernières années n’avaient atteint que 0,6 %. Là aussi donc, du jamais vu pour les experts du réseau KPMG depuis 25 ans.
Du reste, il ne s’agit que d’un chiffre lissé sur l’ensemble des pharmacies. La réalité est bien plus cruelle pour la moitié des officines « qui connaissent une évolution négative de leur marge en valeur » et surtout pour un quart du réseau officinal qui voit sa marge régresser « de plus de 5 % ».
Ce signal est d’autant plus alarmant que pour la troisième année consécutive, le taux de marge brute commerciale stagne à 32 % (chiffre médian). Pour 10 % des officines, cette marge atteint même à peine 29 %. À l’opposé, une officine sur dix enregistre un taux de marge de 35 %. À noter que les petites officines (chiffre d’affaires inférieur à 1,1 million d’euros) sont les mieux loties avec un taux de marge à 32,4 %. A fortiori si elles sont situées en milieu rural où le taux de marge moyen atteint également 32,4 %.
En effet, comme le souligne l’étude, la marge médiane est équivalente au niveau de marge obtenue sur le médicament remboursé. En revanche, si elle est légèrement supérieure pour les compléments alimentaires et l’OTC (TVA de 5,5 % et 10 %), classes de produits pour lesquelles elle atteint 33,2 %, la marge n’excède pas 30,2 % sur la parapharmacie (TVA 20 %).
Les officines dont l’activité est centrée sur le médicament restent donc avantagées. Et ce en dépit d’une baisse de 0,7 % de la rémunération sur le médicament remboursable (soit environ 3 000 euros par officine). Ce qui fait dire aux auteurs de l'étude que la marge a pu être maintenue à 32 %, « grâce à toutes les dispositions favorisant les ventes de génériques ».
L’équation des charges
De toute évidence, l’équilibre officinal repose sur un socle fragile. Car ces premiers chiffres révèlent avant tout, dans le contexte économique actuel, l’incapacité à manœuvrer deux leviers de la rentabilité officinale que sont le chiffre d’affaires et les charges. Après une année quasi étale en 2015, le chiffre d’affaires marque certes une légère reprise à 0,4 %. Cette performance est à relativiser néanmoins puisqu'une officine sur 10 subit un recul de 7,2 % de son activité et surtout que les écarts se creusent au sein du réseau. En effet, 10 % des pharmacies ont connu pendant ce temps une progression proportionnellement inverse, principalement celles situées dans les centres commerciaux.
Pour autant, l’évolution du chiffre d’affaires ne saurait à elle seule sauver l’économie officinale. Pour preuve, en 2013 et 2014, la régression du chiffre d'affaires (1,3 % et 1 %) avait eu comparativement moins d’impact sur la rentabilité de l’officine puisque dans le même temps la PCG avait évolué de 4,1 % et 1,4 %.
C’est donc avant tout aux charges externes, et tout principalement aux frais de personnels, qu'il faut imputer la baisse de la rentabilité officinale. Selon l’analyse KPMG, le volume des salaires bruts des équipes officinales (hors titulaires) et des charges sociales patronales a augmenté de 2,8 % en 2016 (172 300 euros en moyenne), soit l'évolution la plus importante de ces dernières années.
Par conséquent, en l’absence de progression sensible de l’activité et de la marge, cette hausse des charges contribue à une dégradation significative de la rentabilité des officines. Ainsi, 11 % des officines ont clôturé leurs comptes 2016 avec une trésorerie négative. « Un risque sur la pérennité d’exploitation de ces officines n’est pas à exclure », prédit l’étude.
Ces symptômes ne sont que la partie visible de la fragilisation du réseau. Les auteurs de l’étude y voient d’autres risques associés, tel l'endettement élevé qui rend les pharmacies concernées particulièrement vulnérables en cette période de rentabilité en berne. Le diagnostic est sans appel, ces officines n’ont plus de marge de manœuvre.
(1) Moyennes professionnelles 2017, 25e édition, KPMG . Sur 530 officines dont plus de la moitié ont un chiffre d’affaires entre 1,1 et 2,2 millions d’euros, 58 % sont soumises à l’impôt sur les sociétés (IS).
(2) Hors impôt sur les sociétés.
(3) Hors titulaires.
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