LE QUOTIDIEN DU PHARMACIEN.- Les avantages fiscaux des SPFPL sont souvent mis en avant. Quels sont ces avantages pour le pharmacien qui cède ses parts sociales ?
JOËL LECOEUR.- À l’heure actuelle, la cession des parts de SEL détenues en direct par le pharmacien gérant est taxée au taux de 31,25 % - CSG et CRDS incluses - s’il détient ses parts depuis plus de quatre ans, et au taux de 22,25 % au-delà de huit ans. Mais s’il détient les parts par l’intermédiaire d’une SPFPL, la vente, par cette dernière, de sa participation, sera taxée au maximum à 4 %, c’est-à-dire le taux de l’IS calculé sur 12 % de la plus-value. Ainsi, ce gain fiscal permet d’optimiser l’apport et le montage financier d’une nouvelle acquisition dans le cadre d’une cession - réinstallation. Au final, le pharmacien qui cède ses parts ne supporte qu’une fiscalité personnelle sur le montant sorti de la SPFPL - les dividendes - et non sur la totalité du prix de cession.
Et quels sont les avantages fiscaux pour le pharmacien investisseur ?
La cession de la participation d’un pharmacien investisseur est taxée, aujourd’hui, au barème de l’impôt sur le revenu, avec un abattement pour durée de détention. La taxation est de 38 % - CSG et CRDS incluses - pour des parts revendues dans un délai de cinq ans, qui est la durée de sortie usuelle, et la taxation minimale est de 31,25 % si la cession des parts intervient au-delà de huit ans de détention. Or, si cette participation est détenue par une SPFPL, la fiscalité maximale sur la cession est de 4 %, comme pour le pharmacien gérant. Par ailleurs, les dividendes perçus par la SPFPL sont taxés au maximum à 1,70 %, c’est-à-dire le taux de l’IS sur 5 % du dividende.
Quels sont les autres éléments qui militent pour la constitution d’une SPFPL ?
Ils sont nombreux, mais on peut citer l’alourdissement général de la fiscalité sur les dividendes par la suppression du prélèvement forfaitaire libératoire, l’assujettissement aux cotisations sociales des dividendes versés aux gérants majoritaires, les réformes successives de la taxation des plus-values de cession de parts, ou encore le déplafonnement de la cotisation maladie. Mais l’intérêt fiscal des SPFPL mis à part, la publication du décret du 4 juin 2013 sur ces holdings de pharmacie pose aussi des problèmes pratiques. À notre avis, plusieurs mesures d’aménagement s’imposent donc déjà.
Quels sont ces aménagements nécessaires ?
Le premier d’entre eux concerne l’abrogation de l’article 5-1 de la loi de 1990, qui permettait, dans les SELAS, une distinction entre droits de vote et détention du capital. Les pharmaciens ayant utilisé ce type de montage disposent d’un délai de deux ans pour régulariser leur situation. Mais le pharmacien titulaire aura-t-il les moyens de racheter les actions du pharmacien extérieur et de devenir majoritaire en capital ? Une solution est de réaliser une réduction de capital par le pharmacien extérieur, mais il faut alors que la SEL puisse rembourser un emprunt complémentaire. Si ce n’est pas le cas, un apport en compte-courant d’associé de l’investisseur peut être envisagé. Mais on se heurte à un nouveau problème : dans les SEL, un associé non exploitant ne peut pas avoir un compte-courant supérieur à une fois sa participation au capital. Le relèvement du plafond du compte-courant d’associé de l’investisseur est donc nécessaire. Sans cet aménagement, le pharmacien titulaire n’aura d’autre choix, en cas d’impasse financière, que de vendre sa participation et de redevenir pharmacien adjoint salarié ! Il aurait donc été souhaitable de geler les situations juridiques antérieures à la promulgation du décret.
Les adjoints sont désormais autorisés à entrer au capital des holdings. Qu’en pensez-vous ?
À l’heure de la mise en place des nouvelles missions dans les officines, il faudrait donner un nouveau statut au pharmacien adjoint en lui permettant d’entre au capital non pas des SPFPL comme cela est prévu par le décret, mais de la société d’exploitation. Il faut donner à l’adjoint un statut fiscal et social de collaborateur libéral comme cela existe déjà dans certaines professions médicales et juridiques, et lui permettre de créer des parts en industrie, chose qui est impossible dans le cadre d’une SPFPL.
Vous expliquez aussi qu’une SEL devrait pouvoir exploiter trois fonds d’officines. Pourquoi ?
Par exemple, une SPFPL détenue de façon égalitaire par deux pharmaciens titulaires ne peut pas détenir les deux SEL exploitées par chacun. Seules des participations croisées de SEL sont aujourd’hui envisageables. Mais le réseau pharmaceutique doit se structurer, se regrouper, mettre des moyens en commun. L’exploitation par une SEL de trois fonds de commerce permettrait de maintenir le maillage territorial tout en rationalisant les exploitations, avec un pharmacien associé gérant pour chaque point de vente. Malheureusement, les SPFPL dans leur version actuelle ne permettent pas de rationaliser les exploitations.
Le code de la santé publique impose un minimum de détention par associé de 5 % dans les SEL, et restreint donc le périmètre de l’intégration fiscale. Que faut-il faire pour lever cet obstacle ?
En effet, le décret du 4 juin n’a pas prévu d’aménagement sur ce point. Dans le cadre de l’intégration fiscale, qui permet de déduire les intérêts de l’emprunt ayant servi à l’acquisition des parts, la SPFPL doit détenir au moins 95 % du capital de la SEL, et dès que l’on est en présence d’au moins deux titulaires, cette intégration fiscale n’est pas possible. C’est pourquoi la détention minimale de 5 % devrait s’appliquer à l’ensemble des titulaires de la SEL et non pas de façon individuelle. À noter aussi que, dans le cadre de l’intégration fiscale, une SPFPL nouvellement créée doit clore un premier exercice avant d’intégrer fiscalement la SEL fille. Mais, encore faut-il qu’elle soit immatriculée bien avant l’acquisition des parts de la SEL. Les règles d’instruction des dossiers et d’inscription des sociétés à l’Ordre devront donc être aménagées, avec une inscription de la SPFPL préalablement à la prise de participation, afin de pouvoir opter en temps utile pour le régime de l’intégration fiscale. En clair, une SPFPL doit pouvoir être inscrite au tableau de l’Ordre au moins trois mois avant sa prise de participation.
Selon vous, un délai de deux ans devrait être accordé entre la radiation à l’ordre d’une SPFPL et sa dissolution. Pour quelle raison ?
D’après le décret du 4 juin, la radiation d’une SPFPL du tableau de l’Ordre entraîne sa dissolution. Cette disposition est contraire au principe du droit des sociétés selon lequel seuls les associés peuvent décider de la dissolution. On peut en comprendre la philosophie, mais il faut éviter que des structures juridiques en déshérence apparaissent, avec le risque de voir arriver des capitaux extérieurs. En effet, que se passera-t-il dans le cadre d’une cession - réinstallation ? Cette opération nécessite une période incompressible, qui peut aller jusqu’à deux ans, pour rechercher une pharmacie et le financement, instruire le dossier, etc. Or, dès que la SPFPL aura cédé sa participation dans la SEL, elle sera radiée et directement dissoute, sans pouvoir reprendre une participation ultérieure. Tout l’intérêt fiscal de la SPFPL sera alors anéanti. Un délai de vingt-quatre mois entre la cession de la participation et la radiation à l’ordre de la SPFPL semble donc être un délai nécessaire afin d’éviter la dissolution.
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