Le Quotidien du pharmacien.- De plus en plus d’outils financiers permettent aujourd’hui aux jeunes pharmaciens de compléter leur apport personnel. Parallèlement, la transmission de l’officine bénéficie d’un environnement fiscal de la transaction de plus en plus favorable. Quelles évolutions majeures relevez-vous dès cette année ?
Francis Brune.- Tout d’abord, nous pouvons nous féliciter qu’une meilleure visibilité se dégage, avec notamment la réduction progressive du taux d’IS. La fixation du taux pour l’imposition de la troisième tranche de bénéfice, celle supérieure à 500 000 euros, passe de 33,1/3 % à 31 % cette année, puis normalement à 28 % dès l’année prochaine.
Cette mesure donne de la visibilité. D’autant qu’à partir de 2020, le seuil de 500 000 euros disparaîtra au profit de deux tranches de bénéfice imposable : 15 % jusqu’à 38 120 euros (pour les PME dont le chiffre d’affaires est inférieur à 7,63 millions d'euros) puis 26,5 % au-delà en 2021, puis 25 % au-delà en 2022. À noter que ce dernier taux rejoint celui appliqué dans la plupart des autres pays européens.
Cette baisse de la fiscalité est un argument pour se lancer dans l’acquisition d’une officine. Qu’en est-il des mesures favorisant les vendeurs, et inscrites à la loi de finances de 2019 ?
Les officinaux qui vendront pourront bénéficier de l’extension du régime fiscal du crédit-vendeur et ceci sur option de leur part. Ce dispositif, autrefois uniquement réservé aux entreprises en nom propre et de moins de 10 salariés, prévoit un étalement du paiement de l’impôt sur la plus-value sur la durée du crédit-vendeur sans pouvoir excéder 5 ans. Bien évidemment, elle ne concerne pas les opérations d’owner-by-out (OBO), cela exclut par conséquent le rachat par soi-même d’une SEL dont on est majoritaire ! Ce régime s’applique désormais aux cédants d’entreprises exploitées en société de moins de 50 salariés et d’un chiffre d’affaires de moins de 10 millions d’euros. Nous nous trouvons donc parfaitement dans le cas de figure de l’officine. C’est d’ailleurs une mesure que nous avions appelée de nos vœux l’année dernière.
Les pharmaciens déjà installés peuvent-ils compter sur d’autres mesures positives ?
Les opérations d’apport-cession ont été revues. Le quota de réinvestissement de la holding a été porté de 50 % à 60 %. On ne peut toutefois parler de durcissement car le législateur a ouvert la possibilité à ceux qui sont entrés dans ce schéma de souscrire à certains produits spécifiques tels que les FCPR (1), FPCI (2) ou encore SLP (3) répondant à certaines contraintes. Notons que la holding doit conserver les parts de tels fonds au moins pendant cinq ans.
Cette configuration s’adresse à des titulaires qui ont acheté une première officine avec peu d’apport et un crédit important. En pratique, ils auront une plus-value conséquente sur les titres de la SEL. Comme ils souhaitent vendre pour acquérir une autre officine plus importante, ils vont constituer une holding afin de pouvoir placer en report d’imposition, la plus-value réalisée lors de la vente des titres de la SEL.
La holding va donc vendre la première structure, dégager des liquidités, et la holding aura alors deux ans pour réinvestir 60 % du produit de la vente dans une nouvelle activité économique, en principe une nouvelle officine. Ce délai n’est pas négligeable quand on sait qu’il est parfois difficile de trouver immédiatement l’officine idéale à un réinvestissement. Cela ouvre une possibilité de sécuriser l’opération en évitant une précipitation qu’on peut regretter ultérieurement.
La transmission intrafamiliale, qui est le fait de huit transmissions d’officine sur dix, est-elle également favorisée par le législateur ?
Tout à fait. La loi de finances 2019 introduit davantage de souplesse dans les opérations dites de family by out. En pratique, les parents signent un engagement collectif de conservation de titres d’une durée minimum de deux ans. Puis, ils donnent tout ou partie des titres à leurs enfants, mais ceux-ci seront attribués uniquement à celui, ou ceux, des enfants qui sera, ou seront, le(s) repreneur(s) de l’officine, charge à lui (ou eux) d’indemniser ensuite les frères et sœurs non repreneurs par le versement de liquidités appelées juridiquement soulte.
Il lui est fortement recommandé de recourir à une structure holding qui empruntera et versera ladite soulte. Les nouveautés ne sont pas anodines car le calendrier des opérations s’en trouve modifié. Jusqu’à présent, les apports de titres et de la soulte devaient être réalisés dans un second temps, appelé engagement individuel, et qui débute à l’expiration de l’engagement collectif initial de deux ans. Désormais, ceux-ci sont possibles juste après la donation pendant la durée de l’engagement collectif. Le délai s’en trouve donc raccourci. L’idée de ce régime fiscal est de stabiliser le capital d’une entreprise non cotée afin de favoriser sa transmission.
Ce sont donc de véritables stratégies de transmission qui se dessinent pour les titulaires et leurs enfants.
L’ensemble de ces dispositions devrait contribuer à fluidifier le marché alors que la pyramide des âges fait apparaître un besoin de renouvellement dans la profession. Les adjoints, pour leur part, peuvent-ils compter sur des incitations à l’installation ?
Oui tout à fait. Ainsi l’adjoint qui va prendre des parts dans l’officine, va bientôt pouvoir bénéficier d’un crédit d’impôt pour rachat d’entreprises par les salariés. Autrefois, ce régime était conditionné à un effectif minimum de 15 salariés participant au rachat et écartait de facto la plupart des adjoints d’officine.
À partir de 2020, normalement, cette possibilité leur sera ouverte, à condition toutefois qu’ils travaillent depuis 18 mois dans l’officine et qu’ils utilisent une société holding (SPF-PL) pour l’acquisition des titres. L’avantage de ce crédit d’impôt est qu’il s’impute sur l’IS de la holding (SPFP-PL) et que l’excédent est restituable, ce qui générera de la trésorerie supplémentaire pour financer l’opération. Ce régime s’appliquera normalement aux opérations de rachats réalisés à compter de 2020.
En résumé et dans tous les cas, il est fortement conseillé au futur acquéreur de se rapprocher de son avocat fiscaliste et de son expert-comptable pour vérifier s’il est possible de bénéficier d’un de ces dispositifs, étant donné qu’il y a de nombreuses conditions à remplir. En pratique, cela permet de mieux appréhender les opportunités et les contraintes de l’opération envisagée.
(1) Fonds communs de placements à risques.
(2) Fonds professionnels de capital investissement.
(3) Sociétés de libre partenariat.
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