Professionnels de santé de premier recours, de proximité et accessibles sur de larges amplitudes horaires, les pharmaciens détiennent tous les atouts pour être des acteurs privilégiés de la prévention en France. Fort de cette conviction, le Conseil national de l’Ordre des pharmaciens (CNOP) vient de publier un rapport intitulé « Développer la prévention en France ».
En 15 propositions, le CNOP balaie de manière concrète, étayée d’exemples français et étrangers, le spectre des leviers que peuvent actionner, dans le domaine de la prévention, les pharmaciens, tous métiers confondus : entretiens de prévention aux différents âges de la vie, aide à l’arrêt du tabac, lutte contre le mésusage du médicament et les addictions, diététique, promotion du parcours vaccinal…
Le retour des TROD
Loin de se contenter de vœux pieux, ce rapport s’accompagne de revendications fortes. Le pharmacien doit ainsi être rémunéré pour l’accompagnement du fumeur et doit être autorisé à « prescrire » des substituts nicotiniques pris en charge par l'assurance-maladie. De même, dans la prévention des cancers, l’officinal - moyennant rémunération - devrait pouvoir remettre des kits de prélèvement de dépistage du cancer colorectal.
Ce document vise une plus grande implication du pharmacien dans la détection précoce des maladies. Ainsi le dépistage du diabète en pharmacie ne doit plus être limité aux seules campagnes de santé publique et les TROD sont appelés à revenir en force : TROD VIH, VHB, VHC, mais aussi TROD de l’angine à streptocoque A, ceci afin de combattre l’antibiorésistance. Toujours à ce chapitre, les pharmaciens devraient pouvoir disposer de moyens pour prendre en charge le mal de gorge au comptoir et ainsi « limiter les consultations médicales non nécessaires », précise le rapport.
Certes, la plupart de ces quinze propositions reprennent un certain nombre de revendications maintes fois émises par la profession. Elles vont toutefois plus loin. En témoigne, dans le volet de la vaccination, la suggestion du CNOP d’étendre à tous les patients adultes qui en font la demande, la vaccination antigrippale à l’officine, et dans une plus large mesure, tous les rappels des autres vaccinations.
En élargissant ainsi les compétences du pharmacien, Carine Wolf-Thal, présidente du CNOP, estime que ce rapport est en phase avec la politique dessinée par le gouvernement dans le cadre du plan Santé. Le CNOP se sent d’autant plus encouragé à émettre ces propositions que le pharmacien a vu son rôle renforcé de manière conventionnelle par l’avenant n° 11 en juillet 2017.
Ces 15 propositions en vue de développer la prévention s’inscrivent donc dans la logique de l’évolution du métier, visant à faire du pharmacien un acteur de santé à part entière, investi dans le parcours de soins du patient.
C’est ainsi que cinq propositions sont consacrées à la perte d’autonomie, aux entretiens pharmaceutiques, à la conciliation médicamenteuse ville-hôpital, au pharmacien correspondant et à l’intervention pharmaceutique. Certains dispositifs existent déjà et sont en voie de perfectionnement grâce aux nouvelles technologies (DP et DMP) ou de l’interprofessionalité.
En toute logique, le CNOP propose d’articuler l’approche de la perte d’autonomie avec les dispositifs PAERPA* et d'impliquer davantage le pharmacien dans le maintien à domicile, PDA comprise, pour intensifier la lutte contre l’iatrogénie. L'instance ordinale souhaite également élargir le bilan de médication, systématiser la consultation obligatoire du DP dans la conciliation médicamenteuse, promouvoir le pharmacien correspondant, ou encore créer un observatoire national des interventions pharmaceutiques (IP), celles-ci pouvant être intégrées au DP et/ou au DMP.
Ne pas négliger l'interpro
En se rendant ainsi incontournable en matière de prévention, le pharmacien risque cependant d’en agacer plus d’un. Ceci d’autant que le projet du code de déontologie, actuellement sur le bureau de la ministre de la Santé, prévoit que le pharmacien puisse communiquer largement en vitrine sur ses actions de prévention. Une visibilité dont ne bénéficient ni les médecins, ni les autres professionnels de santé.
Les propositions du CNOP encourageraient-elles, par conséquent, les pharmaciens à outrepasser leur périmètre d’action ? Si certains confrères s'interrogent sur leur disponibilité pour effectuer ces nouvelles tâches, les médecins, eux, ne cachent pas leurs réserves. « La CSMF est particulièrement vigilante à ce que chacun reste dans son champ de mission et que les évolutions puissent se faire en ayant le souci de la coordination de la prise en charge des patients, et de la qualité des soins et de la santé voulue pour l’ensemble de la population », déclare Jean-Paul Ortiz, président de la Confédération des syndicats médicaux de France (CSMF). Il ne ferme pas pour autant totalement la porte, se disant prêt à dialoguer avec la représentation professionnelle des pharmaciens ainsi qu’avec les autres professionnels de santé.
Une invitation donc pour prévenir une nouvelle polémique après celles suscitées par la vaccination et le bilan de médication. « Ces actions de prévention doivent s’inscrire dans le cadre de coopérations interprofessionnelles, répondre à des critères de qualité et être tracées et valorisées », précise Carine Wolf-Thal, ajoutant que « pour plus d’efficience, l’implication des pharmaciens nécessite d’être portée par des textes réglementaires, conventionnels ou législatifs ». Sur ce dernier point, n’oublions pas que c’est sous l’impulsion des syndicats de médecins libéraux que l’amendement au PLFSS 2019 autorisant les pharmaciens à dispenser, pour certaines pathologies, des médicaments à prescription obligatoire, a finalement été rejeté.
*Parcours des personnes âgées en risque de perte d'autonomie.
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