L’enveloppe est sur votre bureau, tamponnée d’un avis avec accusé de réception. Le cachet du tribunal est sans appel, vous êtes assigné devant les prud’hommes. Ce n’est pas une surprise, les rapports avec votre ex-collaborateur étaient placés sous haute tension. Au moment de la rupture, l’ambiance était électrique. Le salarié congédié vous avait même prévenu, « on s’expliquera devant les tribunaux ». La convocation indique que vous devrez vous présenter le 1er mars 2020 pour une tentative de conciliation. Vous avez huit semaines pour vous préparer. Le chrono est lancé.
Solliciter les conseils d’un avocat.
Même si la procédure prud’homale n’impose pas de se faire assister par un avocat, les conseils d’un professionnel sont essentiels. « L’avocat est un allié qui va, dans un premier temps, aider le chef d’entreprise à relativiser et à se défaire du contexte émotionnel. Un employeur, assigné aux prud’hommes, est abasourdi. Les sommes demandées par le requérant misent souvent sur un maximum de revendications », explique Blandine Portier-Sirot, avocate reconvertie dans le coaching d’entreprise, « pour partir sur de bonnes bases, il faut être totalement transparent avec son avocat et décortiquer avec lui le contexte du litige. Inutile de taire des faits qui ressortiront lors de la procédure ». L’expertise de l’avocat est également cruciale pour déminer les pièges techniques. Car la forme compte autant que le fond ! Sur ce terrain technique, pour surmonter les embûches, il est judicieux de les anticiper. Quand l’employeur pressent une rupture conflictuelle avec un collaborateur, il est important de solliciter le maximum d’attestations démontrant la réalité des allégations sans attendre une éventuelle saisine. Plus le temps passe et plus les attestations sont difficiles à obtenir ou alors suspectées de complaisance.
Ficeler son dossier pour être prêt le jour J.
Une préparation méticuleuse est déterminante. « Psychologiquement, c’est aussi un moyen de faire baisser le stress », fait remarquer Blandine Portier-Sirot. La première étape de la procédure se déroule devant le bureau de conciliation et d’orientation. « Lors de cette séance, il est important que le chef d’entreprise attaqué reste calme, ne coupe pas la parole, et garde une attitude respectueuse », conseille la coach aguerrie aux plaidoiries. Chaque partie vient avec son dossier sous le bras afin de développer ses arguments, preuves à l’appui. Lettre d’avertissement, courrier d’un client mécontent, témoignage d’un autre salarié, toutes les attestations écrites, datées et identifiées sont recevables. Le contentieux prud’homal est le contentieux de la preuve. « Si une faute est caractérisée, il est essentiel de démontrer sa réalité en déposant également une plainte pénale ou une plainte devant l’Ordre s’il s’agit d’une faute disciplinaire de l’adjoint », précise Guillaume Fallourd, avocat. Dans tous les cas, le défendeur doit particulièrement soigner ses conclusions afin qu’elles soient structurées, claires et pédagogiques. « Les juges prud’homaux ne sont pas des juges de carrière et connaissent encore moins le milieu officinal. Le jugement est rendu en fonction des arguments. Le procès, c’est l’affaire des parties. À charge pour l’employeur de construire un dossier solide avec son avocat », plaide Patrice De Loz, conseiller prud’homal.
Transiger.
Même avec un bon dossier, la partie n’est jamais gagnée d’avance et le risque d’être condamné est bien réel. C’est l’aléa judiciaire ! Tout l’intérêt de la phase de conciliation est d’écarter ce risque en trouvant un accord qui éteindra la procédure. De son expérience des prud’hommes, Blandine Portier-Sirot en tire une leçon de prudence, « il vaut mieux parfois un mauvais accord qu’un bon procès » et ajoute, « transiger, ce n’est pas s’avouer vaincu ». C’est plutôt l’expression d’une volonté de trouver un terrain d’entente afin de sortir de l’engrenage judiciaire, complexe, long et coûteux. À condition d’être prêt à lâcher du leste en versant « l’indemnité forfaitaire de conciliation ». Son montant est fixé selon un barème qui dépend de l’ancienneté du salarié : avec un plancher fixé à 2 mois de salaire pour moins d’un an d’ancienneté ; et un plafond qui atteint 24 mois de salaire à partir de 30 ans d’ancienneté. La conciliation permet d’éviter un long procès dont l’issue est incertaine avec le risque pour l’employeur d’alourdir la facture à payer.
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