Anxieux, stressé, renfermé ou encore agressif… Les comportements des patients varient au gré des personnalités et des situations. Sans compter que les attitudes peuvent différer selon que le patient se trouve au comptoir, dans l’espace de confidentialité ou encore dans l’espace de vente.
Afin de répondre à leurs objectifs premiers que sont la compréhension et l’observance du traitement, le pharmacien et ses collaborateurs doivent d'abord entrer en relation avec le patient, ne serait-ce que pour décoder son comportement et désamorcer certaines situations difficiles. C’est seulement alors qu’ils pourront adapter leur comportement, verbal et gestuel, à celui du patient.
Créer une interaction
L’entrée en relation passe par le geste, mais aussi par la communication verbale. Car il ne s’agit pas seulement de délivrer une information, mais bien de se mettre au niveau de son interlocuteur pour en comprendre les attentes. En tout premier lieu, le pharmacien se doit de rechercher le ou les motifs primaires qui sous-tendent le comportement du patient : sécurité, orgueil, nouveauté, commodité, argent, sympathie, six motivations réunies sous le fameux acronyme, SONCAS. Cette prise en compte des valeurs et des référents culturels du patient faciliteront la compréhension de son comportement. Ou tout au moins son décodage.
Dans le même ordre d'idées, avant d'instaurer une relation positive avec le patient, le pharmacien doit avoir en mémoire les différents concepts des états du moi (enfant, parent, adulte), utilisés en analyse transactionnelle, pour mieux appréhender sa propre attitude et celle de son patient. Identifiés par Eric Berne*, ces états du moi révèlent la corrélation entre le comportement d'une personne, ce qu'elle dit, et l'état émotionnel qu'elle laisse transparaître, en interaction avec un interlocuteur.
Le pharmacien doit ainsi éviter un comportement paternaliste en endossant le rôle du parent face à un patient qui, se retrouvant alors dans son rôle d'enfant, ne pourra opter qu'entre soumission ou rébellion. Pour éviter cette réponse du patient et susciter un comportement propice au suivi du traitement, le pharmacien, sachant que c'est l'état du moi visé qui répond, doit s'adresser lui-même en tant qu'adulte à l'état adulte du patient. Cette démarche induit cependant une bonne maîtrise de la communication.
Choisir son mode de communication
En effet, une entrée en relation avec le patient suppose un discours adapté – exempt de jargon professionnel — et une attitude évitant la posture du dominant. Les asymétries entre l’attitude d’un professionnel de santé, détenteur d’un savoir, et celle d’un patient, en demande de conseils, doivent être gommées afin de fluidifier la communication.
Par conséquent, il convient d’éviter les injonctions (« il faut… », « on doit… ») et de privilégier les phrases impliquant le patient comme « dans votre cas, vous allez prendre… » ou « que désirez-vous ? Que vous faut-il aujourd’hui ? ». En toute logique le « je » du pharmacien sera proscrit. De même, les pronoms impersonnels « on » et « il » seront bannis du langage, car trop teintés de paternalisme.
Autre conseil de communication, les mots négatifs tels que « votre problème… », sont à proscrire et le discours se fera au présent, et non au futur, afin de mieux impliquer le patient dans l’action.
Enfin, la fameuse technique de la reformulation (« si j’ai bien compris ») est aujourd’hui remise en question par les experts car elle émet un doute dans la capacité du pharmacien à comprendre la demande du patient. On lui préférera une formule plus affirmative : « comme vous m’avez dit… », qui signale au patient qu’il a bien été entendu.
Éviter l’effet miroir
Face à un patient stressé pour avoir attendu trop longtemps ou encore, rendu agressif par un traitement inefficace ou ses effets indésirables, le pharmacien doit éviter de se froisser. Il doit s'abstenir de rentrer dans la dialectique du patient, pire même, d'imiter son comportement gestuel. Bien au contraire, il lui est conseillé de ne pas céder à l’agressivité, et de prendre du recul.
Pour désamorcer le mécontentement, le pharmacien va tout d’abord rassurer la personne par des phrases types : « vous avez raison de m’en parler » ou « vous faites bien de me le dire ». Suivront ensuite des questions ouvertes permettant au patient de s’exprimer « que vous est-il arrivé ? Qu’est-ce qui vous fait dire cela ? ». Cette posture permettra d’échapper à l’effet miroir, et à l’escalade du conflit.
Quand celui-ci malheureusement n'a pu être contenu, ou lorsque l'officine est la proie de braqueurs, il est difficile d'ajuster dans l'urgence son comportement à celui de l'agresseur. Eric Phelippot, criminologue et formateur en self-défense, rappelle cependant qu'il faut adopter une posture calme et déterminée. « Il ne faut surtout pas crier, ne pas résister, ni s'interposer ou opposer de résistance afin de ne pas entrer dans le rituel de la provocation », insiste-t-il.
Anticiper la relation patient
Adapter son comportement à celui du patient n’est pas seulement le prérequis d’une meilleure relation au comptoir ou en entretien pharmaceutique. Dans l’espace de vente, devant les rayons de produits conseils, le pharmacien et l’équipe officinale doivent également calquer leur attitude sur celle de leur patient. « On sait aujourd’hui que ce n’est plus le produit ni le prix, mais bien la capacité à attirer et à fidéliser le client qui fait le succès d’une pharmacie », relève Sophie Gillardeau, consultante du cabinet Pharma 3.0.
Les officinaux se doivent d’avoir un comportement proactif, c’est-à-dire d’anticiper sur le comportement du patient qu’ils vont identifier selon une certaine typologie : la jeune femme friande de conseils beauté cosmétique, la mère de famille désorientée dans les soins bébé, la personne âgée diabétique… « En adoptant ce comportement, le pharmacien va pouvoir créer de nouvelles solutions pour ces patients qui ne se limiteront plus aux simples produits. Nous dépasserons alors le simple stade du conseil pour entrer dans l’ère de la relation patient », définit Sophie Gillardeau, soulignant que « sans exclure certains patients, le pharmacien peut aller beaucoup plus loin avec d’autres, en fonction de ses affinités et des priorités de son officine ».
* Eric Berne (1910-1970), médecin psychiatre américain, est le fondateur de l'analyse transactionnelle.
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